Barack Obama a remporté face à Mitt Romney l'élection américaine à la magistrature suprême de la nation la plus puissante de notre temps. Le métis démocrate a donc eu le dessus sur le républicain de foi mormone dont le charisme est la parfaite illustration de l'ambition religieuse d'une communauté de 7 millions d'âmes au sein de la société américaine. La success-story bis d'Obama n'a d'équivalent que celle de l'homme qui lui a donné des sueurs froides, et si les Américains ont eu du mal à départager les deux candidats, c'est que leurs success-stories se valent. En ce début du XXe siècle, les communautés américaines sortent de l'ombre où le racisme les a maintenues en dépit des droits à l'égalité promis depuis la Constitution de 1787 : Obama revient, le rêve américain continue mais se limitant aux apparences, car les vraies rênes du pouvoir sont tenues par les rois de la finance. Obama doit sa réélection à un bilan économique plus que positif même si la crise de 2008 persiste et risque encore de se prolonger. Et avec elle, encore s'éloigner beaucoup de mirages américains. Les citoyens états-uniens sont de plus en plus convaincus que l'avenir de leur pays est derrière lui et qu'il faille désormais se contenter du peu. S'il a gagné c'est parce qu'Obama n'a pas fait de promesses qui auraient donné l'illusion que les Américains pourraient éternellement vivre au-dessus de leurs moyens, uniquement en s'emparant des richesses du monde et en vendant les bouts de papier émis par la planche à billets de la Federal Bank. Il n'a pas vendu du rêve car aucun Américain n'ignore que la dette publique est colossale (15 000 milliards de dollars que les USA ne pourraient jamais rembourser) et que la Chine fait chaque jour reculer l'économie du pays. Il ne s'est pas adressé aux dupes, et ce sont les plus réalistes qui l'ont ramené à la Maison-Blanche. Ils se contenteront de ne plus rêver, en serrant chaque jour davantage la ceinture parce qu'une crise peut toujours en cacher une autre. En politique étrangère, Obama maintiendra la voie du compromis, ou plutôt celle d'une main de fer dans un gant de velours, car il n'a jamais été cet enfant de chœur qu'on disait en 2008. L'homme de paix n'a existé que pour les académiciens de Stockholm qui lui ont octroyé le prix Nobel : il ne s'est retiré de l'Irak qu'en 2011 et promet de rester en Afghanistan jusqu'en 2014, il a guerroyé en Libye et a foulé la paix aux pieds en Syrie. En quatre ans, il a refait le monde dans une stratégie basée sur l'action dans le silence. Sa caution de la guerre en Irak et en Afghanistan a permis aux entreprises US de récolter près de 3 000 milliards de dollars déboursés par le budget fédéral mais payés par les pays détenteurs de la dette américaine et par les contribuables américains. Vue sous cet angle, l'Amérique n'est pas sortie perdante d'Irak puisque les marchands de canon y ont fait des bénéfices notoires. Cependant, Obama prend conscience des effets désastreux de la guerre sur l'économie américaine : c'est dans cette perspective que s'inscrit le scénario de la mort de Ben Laden. Ce chef terroriste mort, comment justifier une présence américaine en Afghanistan ? Le nouveau mandat lui permettra-t-il de savourer cette victoire sur les faucons de la Maison-Blanche et du Pentagone et de poursuivre son plan de désengagement militaire à travers le monde ? Obama n'est pas un Ron Paul qui demandait des coupes drastiques de 50% dans un budget de défense afin de mettre fin à l'impérialisme américain pour se consacrer à l'œuvre nationale. Il veut le réduire à seulement 2,9% du PIB afin de ne pas affaiblir la présence américaine. S'il le veut, ce budget lui permettra même de rester fidèle à la tradition américaine d'une guerre au moins tous les dix ans, et de mener d'innombrables opérations d'ingérence et de déstabilisations. Il n'est pas dit qu'il ne le fera pas. Obama n'est pas moins belliqueux que Romney mais seulement plus soucieux des besoins internes du pays et de la population que des intérêts des lobbies. Sa politique extérieure n'est pas moins hégémonique : elle veut concilier les intérêts stratégiques du pays en adéquation avec les forces sino-russes afin de ne pas aboutir à l'affrontement ni à ressusciter la guerre froide. Sa spécificité est de prendre en considération les évidences internes et externes, ce qui ne signifie pas qu'il ne veuille pas offrir aux complexes militaro-industriels les conflits dont ils ont besoin pour survivre sans trop tirer le diable par la queue afin de ne pas aller à une confrontation frontale avec les deux grandes puissances : la Russie et la Chine. Ces deux pays refusent le système unipolaire à l'avantage de l'Amérique, comme le prouve l'affaire syrienne, ce condensé de géopolitique avec une dose d'adrénaline de vraie guerre froide. Obama n'est pas un va-t-en-guerre mais il veut empêcher l'Iran de développer une “capacité" nucléaire, ce qui n'exclut pas une intervention armée américaine ou par l'entremise israélienne même si sa priorité sur ce dossier est le maintien et le renforcement des sanctions. Les USA et les Occidentaux refusent aux autres nations l'accès au domaine réservé des sciences et des technologies du futur sous prétexte qu'ils développeraient des armes nucléaires. Contre Téhéran, les sanctions économiques d'Obama semblent être productives mais elles commencent à gêner la Russie qui les juge illégales car elles nuisent à son commerce avec Téhéran. Israël a menacé de mener un raid contre les installations nucléaires iraniennes : en bombardant l'usine de fabrication d'armes au Soudan, le 23 octobre dernier, il a prouvé sa capacité à mener des opérations dans des pays sis à égale distance de l'Iran. Quant à l'Iran, il a prouvé, en envoyant des drones au-dessus du ciel israélien par l'entremise du hizbollah libanais, qu'il a réellement les capacités de frapper l'Etat hébreu. Il dispose d'avions téléguidés beaucoup plus perfectionnés que ceux offerts à Hassan Nasrallah et dont l'un a survolé le ciel israélien pendant trois heures sur 300 kilomètres avant d'être abattu ! L'Iran est une puissance qui risque de carboniser pas mal de pays satellites de Washington et de Tel-Aviv, y compris le Qatar et l'Arabie Saoudite, et certainement de fermer le détroit d'Ormuz par où transite la production pétrolière du Golfe persique. Or, pour Obama rien ne vaut la paix, contrairement au va-t-en-guerre qu'il vient de battre aux urnes. Dans le dossier syrien, la solution pacifique et diplomatique se précise de plus en plus d'autant que l'armée syrienne a mis en échec son plan visant à remodeler la carte du Moyen-Orient pour, également, en exclure les deux puissances asiatiques qui ont mal pris la domination de l'Afrique du Nord et d'une bonne partie de l'Afrique par les USA en un tour de passe-passe qui a divisé le Soudan, puis éjecté Benali, Moubarak et Kadhafi, en attendant de faire tomber le Mali et les autres pays du Sahel dans la régression féconde de l'islamisme ou dans le chaos définitif. Cependant, deux veto ont montré à Obama que la Chine et surtout la Russie sont prêtes à aller jusqu'à l'affrontement pour défendre leur position en Méditerranée et au Proche-Orient. A.E.T.