Alger, ville morte le matin, se réveille lentement. Les Algérois, qui ne votent pas en masse lors des élections, confirment une fois de plus cette tendance propre à toutes les capitales du monde. Draria. Sur les hauteurs d'Alger, une pluie glaciale annonce la mauvaise couleur. Pour un 29 novembre tant attendu, il est difficile de croire que les bureaux de vote allaient recevoir tout ce beau monde pour élire les représentants aux communes et aux wilayas. Il est 8h, une pluie “caillante" s'abat sur la capitale. La circulation automobile est fluide. À Ben Aknoun, un impressionnant dispositif de sécurité est déployé tôt le matin afin de filtrer le passage des voitures aux centres de vote. On a cette impression de revivre les mêmes moments que les précédentes élections législatives. À Draria, le patron de la sûreté de daïra supervise ses équipes éparpillées depuis plus de 72h sur la circonscription. Des barrages de contrôle, des fouilles, des identifications, des escortes des urnes, de la sécurisation des bureaux de vote et j'en passe, les policiers sont postés partout. Visible ou discret, le dispositif de la DGSN a fini par payer. La directive du général-major, Abdelghani Hamel, a fixé une feuille de route pour sécuriser le déroulement du scrutin. Il s'agit d'éviter les incidents et empêcher que des parties mal intentionnées tentent de créer des situations de conflit. Et pourtant dans une localité relevant de Douéra, des dizaines de faux documents ont été interceptés alors qu'à la cité 1 600-Logements, réputée pour être un foyer de tension, des individus ont tenté de perturber le scrutin. Tiédeur matinale quand tu nous tiens ! Au secteur de police, nous entamons notre tournée par le centre de vote Abdelghani-Takarli. Dès l'entrée du centre, des agents chargés d'orienter les électeurs s'attellent à accueillir les 7 980 votantes, puisque le centre est réservé à l'élément féminin. Le chargé de la communication de la sûreté de daïra de Draria, Farid Nissas, nous indique que “toutes les dispositions de sécurité sont prises afin de permettre aux électeurs d'exercer leur devoir en toute quiétude. Notre tâche se limite à sécuriser les infrastructures et les urnes, une fois le scrutin achevé. Mais, d'autres dispositifs permanents et relatifs à la sécurité routière et à la lutte contre la criminalité opèrent en parallèle. Nous sommes mobilisés de telle façon à répartir nos efforts sur tous les fronts afin de garantir la sécurité, surtout avec un temps aussi pluvieux". Le chef du centre, Salah Torki, se veut rassurant : “Tout se passe bien. Il est évident que les femmes ne votent pas le matin. Mais, nous avons quand même enregistré un taux appréciable à 9h30. Ici, tous les représentants des partis politiques sont présents, au même titre que les agents chargés de superviser ce scrutin. Dieu merci, toutes les conditions sont réunies pour le bon déroulement du vote." Doté de 10 bureaux, ce centre constitue un point nodal dans la localité. À 10h, des vieilles dames, accompagnées de leurs fils ou encore de leurs filles, affluent vers ce centre. RAS. Mais pas pour cette dame, âgée de plus de 75 ans, non munie de sa carte de vote. Un cadre du centre se pliera en quatre pour régler ce cas de figure, surtout que la dame en question est inscrite sur le fichier électorale. Incident ? “Pas du tout ! Au contraire, nous délivrons en temps réelle une carte provisoire à l'électrice. Notre bureau est signalé, comme vous le voyez, afin d'éviter tous quiproquos." Idem au centre de vote Ibn-Rochd (pour hommes) où des policiers aguerris à ce genre d'opérations orientent à l'entrée, souriants, les inscrits vers l'enceinte des bureaux. Merzak Bekouche, chef de centre, affiche une mine de meneur d'hommes. Tout le monde sur le qui-vive Sûr de lui, il supervise les 10 bureaux. Tant mieux ! D'ailleurs, il révélera, d'emblée, que “le scrutin se déroule dans le calme". En ce sens, et selon les sondages effectués juste avant notre arrivée, plus de 180 votants pour l'APW et plus de 150 autres votants pour l'APC. Sur le qui-vive, les représentants des partis politiques surveillent les allers-retours. TVB (tout-va-bien). Ils nous confient que le chef du centre veille au grain, donc pas d'inquiétude. Les magistrats, chargés d'observer et de contrôler la régularité du scrutin, lisent tout ce qui est placardé. Dehors, l'ambiance monte d'un cran, malgré la pluie. Il est 11h passées, les Algérois sortent de leurs couvertures et inondent la chaussée. Bonjour les embouteillages. Pour certains, le 29 novembre n'est qu'un jour férié, chômé et payé. Au diable les élections. Tension à Bir-Mourad-Raïs, Birkhadem et Hydra Avec 54 centres, dont 12 relevant du secteur de la Gendarmerie nationale (GN), et 87 bureaux de vote, la circonscription de Bir-Mourad-Raïs (BMR), englobant la même localité BMR, Hydra, Birkhadem et Gué-de-Constantine, connaît une rare tension. Surtout que certains élus sont sous la loupe des services de sécurité. Le propos n'est pas dans la tendance, mais dans l'individu. Comme cet élu inculpé dans plusieurs affaires liées à des trafics de tous genres. La guéguerre est perceptible entre les partis politiques. Ne parlons pas des candidats ! Et pour parer aux incidents, un dispositif exceptionnel de la GN est déployé depuis mardi à 12h. Il n'a été relevé qu'hier vendredi, c'est-à-dire une fois les résultats définitifs connus. Dans ces localités, le vote revêt un caractère unique. Chaque parti voudrait emporter le trophée, et ce, au prix des injures, des insultes, des bagarres et autres outrages envers l'individu. Invivable. Voire insupportable. Dans ces centres aussi sécurisés, le vote se déroule, pour le moment, dans de bonnes conditions tant que les représentants des partis politiques ménagent leur patience. Point faible de la tournée, on ne pouvait vérifier la véracité de certains faits inhérents au bon ou au mauvais déroulement du scrutin Lors d'un point de presse organisé à la brigade de la GN de Birkhadem, le commandant de compagnie de Bir-Mourad-Raïs, Omar Touileb, a indiqué que “toutes les dispositions relatives au bon déroulement ont été prises et nous sommes mobilisés depuis mardi jusqu'à vendredi soir pour garantir la sécurité sans faille de cette échéance". Il révélera que des SSI (sections spéciales d'intervention), des BSR (sécurité routière) et le GIR (groupement d'intervention et de réserve) sont mobilisés afin de garantir la sécurité de cette élection. Dépouillement : et si on surveillait le... disjoncteur ? Le vote, ce n'est pas uniquement un bulletin dans les urnes. Policiers et gendarmes ont appris, avec l'expérience, que l'opération de dépouillement constitue une étape névralgique. Et pour cause, des individus — prêts à tout — chargés par leur parti ou encore par des candidats sans scrupule de couper le courant électrique, minent le scrutin. Raison pour laquelle des officiers de la Police judiciaire supervisent l'opération jusqu'à la fin du dépouillement pour éviter les incidents à même de compromettre cette échéance. Des escadrons antiémeutes sont déployés sur les autoroutes et sur les entrées des agglomérations au cas où des parties malintentionnées viendraient saborder cette énième épreuve qui intervient au 50e anniversaire de l'Indépendance de l'Algérie. Il est 18h. La circulation est impossible. Les absentéistes n'ont pas voté. Ceux qui ont voté l'ont-ils fait par conviction ? En attendant, les Algérois, qui, de tradition, ne votent pas en masse, s'adonnent aux plaisirs de la vie et à la chawerma. Avec, au centre de la discussion, le séisme qui venait de frapper violemment Jijel et Béjaïa. F. B.