Des islamistes, des militants de gauche et des mouvements de jeunesse unis par une même revendication inédite en Jordanie : le départ du roi Abdallah II. Vendredi, la police avait réussi à empêcher les manifestants de prendre la direction du palais du roi, situé à environ 8 km du lieu du défilé de protestation... C'est le maillon le plus faible des monarchies et principautés du Golfe et il n'a pas la chance d'avoir comme voisin l'Arabie saoudite pour bénéficier de son parapluie comme Bahreïn. Abdallah II est menacé par le “printemps arabe". D'importantes manifestations se sont déroulées à Amman exigeant purement et simplement son départ. “Dégage", le slogan fétiche des “printemps arabes" qui est venu à bout de quatre dictatures arabes, en Tunisie, en Egypte, en Libye et au Yémen, a flotté sur les banderoles et repris en chœur par des Jordaniens qui ont envahi les rues de la capitale. Le motif de cette révolte : la hausse du prix de l'énergie ; mais la protestation a rapidement déserté le terrain économique pour prendre l'allure d'une contestation éminemment politique. “Le peuple veut la réforme du régime", “Liberté" et surtout “À bas Abdallah !" ont scandé plus de 10 000 manifestants, dans ce pays où insulter le roi est passible de prison. C'est la première fois que des slogans visent directement Abdallah II. Bien que régulières, les manifestations se contentaient jusqu'alors d'appeler à des réformes politiques et économiques. Mais la décision du gouvernement de mardi aura certainement été la goutte de trop. Le roi avait annoncé l'augmentation des prix de l'énergie afin de faire face à un déficit budgétaire de 5 milliards de dollars. Le gaz domestique devrait connaître une hausse de 53%, contre 12% pour l'essence. Hier, les manifestations se poursuivaient à Amman pour leur quatrième jour et commençaient à se transposer dans d'autres villes jordaniennes. Des manifestations similaires ont aussi eu lieu à Tafileh, Kerak et Maan ainsi qu'à Irbid et Jerash. L'intifada a même gagné les camps de réfugiés palestiniens, comme à la Beqaa, le plus grand d'entre eux. Les Palestiniens, des ressortissants de second ordre, craignent la réédition du “septembre noir", ce terrible massacre perpétré en 1973 contre des réfugiés palestiniens en Jordanie par le roi Hussein, le père de Abdallah II. Pour l'heure, les forces de l'ordre se contentent de gaz lacrymogènes pour contraindre les Palestiniens à demeurer dans leurs camps. Selon la police, les violences ont fait un mort et 71 blessés, dont 54 policiers. D. B