Résumé : N'en faisant qu'a ma tête pour éviter Youcef, je demande au rédacteur en chef de me proposer un sujet... Je voulais être indépendante et sortir seule sur le terrain... Comme si le hasard se moquait de moi, je tombe sur un reportage féminin... Les droits de la femme et tout ce qui s'ensuit... Une facette que j'allais amplement découvrir. Une fois les lampions éteints, elles redescendent de leur podium et on les oublie. Je notais. Je ne cessais de noter les impressions des unes et les confidences des autres. Elles sont toutes révoltées, mais elles préfèrent passer la vérité sous silence, car elles ont peur ! Oui, peur ! Qui va s'occuper d'elles donc ? Qui va les protéger ? Les lois ? La justice ? Chacune d'elles en connaissait déjà un bout, un exemple... Telle voisine, telle cousine, telle amie... Aucune d'elles n'avait eu le courage d'aller jusqu'au bout, car la famille veille au grain... Lequel ? Eh bien dans une société comme la nôtre, vaut mieux éviter la foudre masculine. Après tout, nos aïeules avaient bien supporté leur condition, n'est-ce pas ? Je n'en revenais pas... Mais enfin, que devrais-je penser ? Ces femmes que j'admirais. Ces femmes qui ne courbent pas l'échine devant les hommes, ni les bras devant le travail titanesque qui les attendait m'avaient avoué dans un chuchotement leur impuissance. Tout ce qu'on pouvait raconter sur les droits de la femme était juste un mirage... Même dans les plus grands pays du monde et les plus développés, la femme passe sous le joug de l'homme. Combien sont-elles à avoir détruit leur vie et leur avenir à cause de ce dernier ? Quelques-unes allèrent même jusqu'à verser des larmes de rage et d'impuissance... Grrrr... Le poing serré, elles ne pensent qu'au jour où elles pourront prendre leur revanche. “Nos grands-mères vivaient mieux que nous, me dirent quelques-unes... Elles, au moins, avaient un seul but dans la vie : fonder une famille. Elles, au moins, avaient eu la chance de tomber sur des hommes capables de les entretenir et de subvenir à leurs besoins... Du moins étaient-elles à l'abri des humiliations et des intimidations... à leur époque, les hommes avaient des moustaches et les tiraient à la moindre incartade... C'était le geste symbolique de l'honneur. Ils étaient durs mais justes, ils étaient pauvres, mais riches de leur expérience de la vie et de leur sens des responsabilité... Jamais ils n'avaient dépassé les bornes de leurs masculinité. De nos jours, l'homme compte sur sa femme pour subvenir à ses besoins, et par-dessus le marché, au lieu d'être aidée et épaulée, elle est humiliée et maltraitée." Mon papier provoquera à n'en pas douter des réactions, me dis-je en suçant mon stylo. Je relis mes notes... On dirait que le fait de m'être accroché avec Youcef a provoqué un déluge. Des femmes comme moi se livrent quotidiennement et sans discontinuité au plus vieux combat du monde. C'était toujours l'homme l'instrument de leurs malheurs. Combien sont-elles à avoir abandonné leurs études à cause d'un père ou d'un frère acariâtres. Combien sont-elles à ne pas avoir connu une salle de cours de leur vie ? On dit que la femme instruite provoque la foudre... Oui... C'est ça... Certains esprits fermés le pensent réellement. Et puis combien sont-elles à avoir essuyé le refus d'exercer une profession après avoir décroché brillamment un diplôme ? J'en connaissais beaucoup de ma promotion. Tiens, Youcef aussi m'avait demandé de prendre une mise en disponibilité pour élever Mehdi. N'était-ce pas un prélude de sa part pour m'empêcher de reprendre mon job sous prétexte que mon fils avait besoin de moi ? Et puis avec son idée d'avoir plusieurs enfants et une famille nombreuse, je pouvais tirer toutes les conclusions. Si des femmes comme moi pouvaient au moins imposer leurs idées, d'autres battaient en retraite, car la bataille n'en valait plus la peine... Il faut savoir choisir, ne cesse-t-on de leur répéter. En voulant exercer une fonction, la femme voulait s'affirmer. Elle pensait ainsi pouvoir reprendre les rênes et mener le chariot à bon port. Hélas ! L'affaire ne s'avéra pas aussi aisée qu'elle l'espérait. Alors qu'elle se réjouissait d'avoir gagné la partie en accédant à l'instruction et au monde professionnel, elle se retrouva prise entre le marteau et l'enclume. Certes, le savoir lui permettra d'avoir des ambitions et d'égaler l'homme sur le terrain du travail et de la recherche, mais cette “liberté" devint conditionnelle. La femme active est désormais vue par l'œil “pécuniaire" de l'homme. Elle est souvent sommée de verser l'intégralité de son revenu mensuel, au risque de se voir interdite d'exercer son métier, ou, pis encore, de sortir de chez elle. Une aberration pour ces malheureuses qui avaient cru retrouver dans leur vie conjugale ce qu'elles avaient tant recherché auparavant : une compréhension et un soutien. (À suivre) Y. H