Résumé : Après l'orage, vint le calme. Youcef et moi décidons de ne pas retourner au boulot. Mon mari voulait faire la paix, et moi aussi. Nous déjeunons ensemble. Il me parle de mon article et m'avertit que ce n'est pas tous les lecteurs qui partageaient mes opinions. A ce moment précis, Mehdi se réveille et se met à pleurer. Il s'agite. Je me penche sur lui, et il ouvrit les yeux. Me reconnaissant, il ébauche un sourire qui dévoile ses gencives enflammées. Deux petites dents pointaient au centre de la mâchoire inférieure. Un ange ne m'aurait pas parut plus attendrissant. - Il doit avoir faim, me dit Youcef. Tu lui donnes sa soupe ? - Je vais la préparer. En attendant, tente de lui faire prendre une petite cuillerée de sirop. Il va peut-être pouvoir l'avaler. Quand je revins avec la soupe, je trouve Youcef en train de bercer Mehdi dans ses bras. Un tableau qui me rendit ma bonne humeur : - Alors, ce sirop, il l'a pris ? - Aussi docilement qu'un agneau. Tu vois bien qu'il paraît en forme. - Il est encore pâle et ses joues sont creuses. - Cela va de soi. Il a bien passé un mauvais quart d'heure. Mehdi me tendit ses menottes et je le prends pour lui donner sa soupe. Il ingurgite quelques cuillerées puis repousse ma main. Je le change et le remet dans son lit en fredonnant une berceuse. Comme à ses habitudes, avant de s'endormir, il se met à sucer son doigt. Je fais signe à Youcef de quitter les lieux sur la pointe des pieds. Nous nous installons au salon et je propose de continuer la discussion interrompue sur les femmes et leur besoin d'indépendance. - Tu vois bien que, de nos jours, les femmes sont bien plus libres, me dit Youcef d'un air de reproche. - Non, je ne vois pas du tout. La femme, quel que soit son niveau dans notre société, est toujours en liberté conditionnelle. - Ce qui vent dire... ? - Ce qui veut dire que même si elle est cultivée et occupe un poste important, elle est toujours obligée de se soumettre au diktat de l'homme. - Voyons, tu n'es pas en liberté conditionnelle. - Tu trouves ? - Je ne trouve pas, je le constate. Tu es ma femme, tu travailles, tu disposes de ton salaire, et je te laisse faire ce que tu veux à tes heures libres. - Merci ! Une version rassurante de ta part. Tu parles de liberté ! Tu “me laisses", donc tu dispose de ma liberté à ta guise mon cher mari. Il y a beaucoup d'hommes dans ton cas qui, sous prétexte d'avoir des idées libérales, avouent autoriser leurs femmes à occuper un poste. On oublie trop que ces femmes ont arraché leur droit à l'instruction et au travail. Ce n'est donc plus l'homme qui doit autoriser. Dans le cas contraire, la domination sévit toujours. - Les femmes ne sont jamais contentes. Quels que soient les objectifs atteints, elles reviennent toujours à la version première, et oublient souvent que leurs aïeules avaient vécues moins bien qu'elles. - Tu te trompes Youcef, nos aïeules étaient bien plus libres. Certes, elles n'avaient pas connu l'instruction, mais elles étaient libres et fières. Il y a bien eu des femmes héroïnes. - Des exceptions ! - Qu'appelles-tu donc une exception ? Le courage d'une femme à affronter l'ennemi ? Le courage d'une femme à affronter un être plus fort qu'elle ? - Les deux, peut-être. - Non Youcef, ces femmes étaient nées pour prouver leur existence. Elles avaient hérité du courage et de la bravoure de leurs ancêtres, et surtout de leurs génitrices. Pense un peu à la Kahina. Au sacrifice de Fatma n'Soumer... et à toutes celles qui avaient donné leur vie pour l'indépendance du pays. Youcef pousse un soupir : - Ce que femme veut, Dieu le veut. Je n'aurais jamais le dernier mot avec toi. Mais je remercie Dieu d'avoir créé la femme. Un monde sans femme ne sera jamais un monde. Que nous le voulions ou pas. (À suivre) Y. H