Lamma choftek (Quand je t'ai vu), le dernier-né de la cinéaste palestinienne Anne-Marie Jacir, a été gâté en étant programmé mardi après-midi à la salle El-Maghreb, profitant ainsi d'un public particulier et nombreux. En effet, nombre d'enfants et de mères de famille ont ainsi pu venir découvrir ce film, en apprécier la qualité tout en douceur, en sensibilité et retenue alors que le thème, encore une fois, est douloureux : celui de l'exil forcé des Palestiniens, de leur expulsion de leur terre. Pour Anne-Marie Jacir, qui malheureusement n'est pas venue à Oran présenter son film, c'est malgré tout un retour au Fofa puisqu'elle a déjà inscrit son nom dans le palmarès de la 3e édition du festival, qui lui a valu à l'époque une distinction avec un prix spécial du jury pour son film d'alors le Sel de la mer. Déjà auréolé de nombreux prix et salué par la critique internationale, Lamma choftek ne prétend pas justement -et peut-être- à la consécration finale du Fofa, mais se décline plus exactement comme un plaisir à partager avec les Algériens, toujours aussi sensible au sort des Palestiniens. L'histoire de ce long métrage se situe en 1967, en Jordanie, dans les camps de fortune pour réfugiés Palestiniens, qui, tout comme en 1948 avec la Naqba, sont exilés loin de leur terre et tentent de vivre, espérant un retour chez eux. C'est le jeune Tarek, 11 ans, avec sa mère -qui campe de manière extraordinaire cette force de retour propre à tous les peules contraints à l'exil- qui n'a qu'une obsession : retrouver son père dont il a été séparé dans le chaos de la guerre et retrouver sa maison. Les scènes du camp montrent encore comment cet exil se double d'injustice avec son renvoi de ce qui fait office d'école. Son départ du camp pour retourner chez lui le mène à découvrir des fidayin se cachant et s'entraînant pour combattre l'occupant israélien. Mais, là aussi, pour Tarek, c'est un autre enfermement qui se dessine pour lui dans la dernière scène du film où, avec sa mère qui finit par le retrouver, on les voit courir, main dans la main, vers les barbelés les séparant de leur terre, de leur chez-soi. Tout au long du film, la caméra suit Tarek aussi bien physiquement que psychologiquement, sans effets surajouté, tout en suggestion, parfois peut-être en longueur pour mieux insister sur le cheminement psychologique du jeune héros. L'on pourrait presque ici se laisser aller à dire que c'est bien à la manière d'une femme qu'a été réalisé le long métrage. Dans la salle, l'autre ravissement est venu de jeunes écolières qui ont demandé à prendre la parole lors des débats. Parfaitement à l'aise, ce très jeune public, qui a senti toute la problématique du film et de son message, s'est néanmoins inquiété comme n'importe quel enfant de savoir si, après, justement, Tarek et sa mère allaient pouvoir retourner à leur maison. On espère encore aujourd'hui pour les Palestiniens ce retour à la maison. D. L