Sur le plan de principe, la demande de faire voter ces électeurs dans des bureaux ordinaires est tout à fait justifiée. Mais ce n'est pas cela qui changera la donne. Revendiqué depuis toujours par l'opposition, le vote des corps constitués dans des dits “spéciaux” est-il à ce point déterminant quant à l'issue des élections ? Accréditer une telle thèse, c'est faire croire que dans les bureaux qui accueillent tous les autres électeurs, le vote est exempt de tout reproche. Indemne de toute fraude. C'est aussi laisser entendre que les militaires, les gendarmes, les policiers, les pompiers votent de manière uniforme en exécution d'une injonction venant de leur hiérarchie. Jusque-là, personne n'a apporté la moindre démonstration concernant le vote des corps constitués. Aux législatives de 1991, les islamistes avaient recueilli des suffrages dans les casernes que l'état-major avait dû prendre en compte avant d'invalider les résultats du scrutin. C'est la preuve qu'il n'y avait pas eu alors de consigne de vote. Et c'est tant mieux. Parce que si les résultats dans les casernes correspondaient à ceux de tous les bureaux, il eut été difficile de barrer la route du pouvoir aux partisans du califat islamique. Les risques d'insubordination auraient été trop élevés pour envisager les solutions qui ont été finalement mises en œuvre. Ne serait-ce que pour connaître l'opinion politique dominante au sein des corps constitués, le pouvoir a tout intérêt à les laisser voter librement. C'est un sondage fortement utile. Car en termes numériques, ils ne représentent pas une proportion lourde au point de changer fondamentalement la donne électorale. Leur vote peut se révéler décisif dans le cadre d'un scutin serré. Au cas, bien sûr, où il répond à une injonction précise. Sur le plan du principe, la demande de faire voter ces électeurs dans des bureaux ordinaires est tout à fait justifiée. Mais ce n'est pas cela qui changera la donne. Ce ne sont pas les bureaux spéciaux qui avaient donné sa victoire au RND en 1997. Ni la sienne à Bouteflika en 1999. Tant que le pouvoir continuera à se méfier du suffrage du peuple, la fraude restera une tentation très forte. Lors de l'élection présidentielle de 1995, un candidat parti faire campagne dans une grande ville du pays s'était vu répondre par le wali : “Ici, on a déjà voté.” C'est dire... Y. K.