Une génération d'Algériens a été perdue durant la période dévastatrice de terrorisme aveugle qui a duré pendant plus d'une décennie. Elle exprime son mécontentement par les émeutes, la destruction des symboles de l'Etat, le suicide individuel et le suicide collectif dans des embarcations de fortune avec l'espoir de joindre les côtes du nord de la mer Méditerranée. La sécurité des gens couvre quatre dimensions : la sécurité physique, le bien-être économique et social, le respect de la dignité et des mérites en tant qu'être humain, la protection des droits et des libertés fondamentales. Le cas algérien exige une attention particulière à ces quatre dimensions de la question sécuritaire. Voici deux exemples rapportés par la Société algérienne de recherche en psychologie (Sarp) qui aident à mieux comprendre cette question : “Madame B., 40 ans, analphabète, mère de 7 enfants (dont l'âge varie entre 4 et 16 ans) a perdu son époux, son fils aîné et son père, à la suite d'une incursion terroriste. Sa maison ayant été incendiée, elle a dû se réfugier avec ses enfants chez des voisins qui l'hébergent à titre provisoire depuis 1997. Actuellement (article publié en 2001), Mme B. est sans aucune ressource, elle ne travaille pas, ses enfants sont trop jeunes pour pouvoir travailler et elle n'a jusqu'à présent reçu aucune aide de la part de l'Etat. De plus le voisin qui l'héberge lui demande de quitter les lieux. Lorsque Mme B. se présente à la consultation, elle se trouve dans une situation de précarité et de souffrance psychique extrême. Ses demandes sont multiples : l'assister dans ses démarches administratives afin d'obtenir les indemnités auxquelles elle a droit en tant que victime ; saisir les autorités concernées afin qu'on lui attribue un logement ; l'orienter vers des associations caritatives qui peuvent l'aider au plan matériel (vêtements, affaires scolaires, médicaments...) ; l'aider à trouver un emploi dans le cadre du filet social ; la soutenir psychologiquement". Deuxième exemple : “Mme C., 38 ans, mère de trois enfants, a été violée devant son mari et ses enfants après avoir assisté au massacre de son père, sa mère, son frère et sa sœur, étêtés et jetés dans la rue. Le chef du groupe terroriste qui s'est acharné sur cette famille n'était autre que le propre neveu de Mme C." Ces exemples donnent une idée de l'ampleur du traumatisme qui a frappé directement une partie importante de la population algérienne et de façon indirecte, la quasi-totalité de cette population durant cette décennie de terrorisme aveugle. A. B. Fatima Arar, Chérifa Bouatta, Nadia Kacha (2001) : “À propos d'une expérience de prise en charge psychologique de populations victimes de terrorisme." Revue Psychologie n°9 – éditions Sarp, pp 143-146