Résumé : La manifestation se déroula dans de très bonnes conditions. Des femmes se rallièrent à la tribu pour parler de leur cas et rejeter la discrimination. Elles sont toutes là aujourd'hui pour la même cause. Quelqu'un prononça mon nom. J'essayais de m'esquiver, mais on m'obligea à monter sur l'estrade. L'association des femmes en difficulté est en somme ce premier pas. Et pourtant, ces femmes, de leur côté, vivent leurs propres problèmes. C'est dire que nous sommes toutes vouées à mener la même existence. Nous sommes des épouses et des mères. Des sœurs et des filles. La société est loin d'être tolérante envers nous. Pour dépasser ce cap, nous devons donc lutter, là était l'objectif que nous nous sommes assignées. Votre présence aujourd'hui, prouve que nous ne sommes pas les seules à vouloir changer. Vous êtes toutes avec nous et avec nos idées. Persévérez, vous y arriverez, éradiquons ensemble les tabous. Instruisons nos filles, suivons positivement l'évolution des mœurs afin de pouvoir progresser et vivre dans un monde plus développé et mieux adapté à notre ère, nous sommes loin de la vie des cavernes ! Des youyous fusèrent, des cris, des hourras, des applaudissements. On vient m'embrasser, on me bouscule et on me renverse. Je tente de me relever, une main s'agrippe à mon bras, une autre à mon épaule. Je relève la tête, et reçoit un projectile. Que se passe-t-il ? J'entendis la sirène d'une ambulance, puis plus rien. Le plafond blanc aux lueurs phosphorées éblouit mon regard, mes paupières s'entrouvrirent puis se refermèrent. Je n'arrivais pas à garder les yeux ouverts. Je me sentais si fatiguée. Je venais d'émerger d'un sommeil lourd et sans rêve. Où étais-je ? Et pourquoi tout ce silence autour de moi ? Je sentais comme une piqûre sur mon bras. Je tente de le soulever, mais la piqûre devint plus sensible. Je battis alors en retraite tout en me disant que je finirais par me réveiller. Le blanc et le silence. Un univers de solitude ! Mon cerveau refusait de fonctionner. On dirait... on dirait que je revenais d'un autre monde. Oui, c'est un peu ça, je revenais d'une destination inconnue. Un labyrinthe m'avait happé. Ma tête pesait une tonne. Incroyable me dis-je. Je ne me suis jamais sentie aussi fatiguée. Je replonge dans l'inertie et la torpeur. Combien de temps s'est-il écoulé avant que je ne me réveille tout à fait ? Je n'en savais rien. Par contre, des voix autour de moi me permirent de me rendre compte que j'étais encore en vie. Cette fois-ci, pas question de se laisser aller. Je devrais faire un effort et ouvrir mes yeux. Je devrais regarder autour de moi. Une main serra la mienne et un chuchotement me parvint : -Alors, on reprend pied ? Ouvre au moins les yeux pour qu'on sache que tu es là. Je reconnus d'emblée la voix de Youcef. Mon mari était à mes côtés ! Je ne sais si j'étais heureuse de l'entendre, ou heureuse d'être encore en vie. Ma main tire sur quelque chose, j'étais reliée à un flacon de sérum. Je voulais parler, mais aucun son ne sortit de ma gorge. Mes joues étaient comme bloquées et ma langue était inerte et râpeuse. J'ouvris les yeux après plusieurs tentatives. Mon cerveau commence enfin à se dérouiller. Je me rappelle la marche, la manifestation, les femmes qui voulaient m'écouter. Et puis plus rien. Ah, tout de même, je crois que j'avais ressentis une douleur, une forte douleur à la tête. -Alors comment te sens-tu ? Je serre la main de mon mari, avant de regarder autour de moi. Ma mère et mon frère était là. Mes beaux-parents aussi. Je tendis la main à ma mère qui vint tout près de moi. Je remarque ses yeux rougis, et son air abattu. -Tu nous a fais une de ces peurs ! -Heu, que... qu'est-ce que... ? Je pus prononcer ces mots, et Youcef me borde avant de passer une main sur ma tête : -On peut dire que tu l'as échappé belle, quelqu'un a profité de la manifestation pour te balancer sa haine au visage et à sa manière. Tu étais visée. On t'a blessée cette fois-ci, tu aurais pu en mourir, mais je crains que ce n'est qu'un sursis pour toi. -Hein, pourquoi donc ? Qu'es-ce que j'ai bien pu faire ? -Mon Dieu ! Mais tu deviens idiote ou quoi ? Il est vrai que tu as reçu un coup à la tête. -Je n'ai rien fait de mal, j'étais avec les femmes, j'ai participé à la manifestation. -Che Guevara aussi n'avait pas que des amis. Je tente de me relever. Mon mari exagérait, il ne ratait jamais l'occasion de me rappeler que mes sujets ne plaisaient pas à tout le monde, et que je ne pouvais pas faire face à tous les obstacles. -Sois raisonnable, ne tente pas de tirer le diable par le queue et puis tiens-toi donc tranquille, tu attendras que le flacon de sérum soit terminé. N'essaye pas de te relever. -Je, je crois que je me sens mieux... Mais ce n'était pas le cas. Je me sentais faible et un vertige me fait retomber sur mon oreiller. Je passe une main sur ma tête. Des bandages entouraient mon crâne. (À suivre) Y. H.