La responsable de ce festival consacré au neuvième art algérien, revient dans cet entretien sur la première participation du FIBDA au festival d'Angoulême. Elle évoque la programmation, notamment l'exposition collective « Caractères », les projections et les conférences qui se tiendront tout au long de cette manifestation qui offre une visibilité à la bd algérienne. Entretien réalisé par : HANA MENASRIA Liberte : Vous participez pour la première fois au festival d'Angoulême, dans la programmation on retrouve l'exposition "Caractères". Pouvez-vous nous donner plus de détails (les œuvres qui seront exposées, la thématique, les participants (le nombre et pourquoi ce choix?), et la particularité des planches choisies). Dalila Nadjem : J'aimerai d'abord signaler que cette invitation du FIBDA par le festival d'Angoulême revêt un caractère symbolique. Ce festival, l'un des plus grands au monde du genre, arrive à sa quarantième édition tandis que la BD algérienne, globalement, célèbre ses cinquante ans d'existence. Et, eux comme nous, souhaitons marquer ces étapes dans l'évocation et le respect du passé mais aussi dans la perspective de l'avenir. Donc avec des visions dynamiques et non figées. La participation de l'Algérie a été conçue sur la base d'un programme condensé car le Festival d'Angoulême ne dure que 4 jours. Il fallait un riche programme de sens qui puisse être rendu visible dans la foule des manifestations qui se passent là-bas. Nous avons tout regroupé sur un lieu magnifique, l'Atelier Magelis, en plein centre de la ville, pour que les publics sachent où nous sommes et ce que nous proposons. En fait, nous les invitons à travers une expo de 300 m2 à un véritable voyage dans la bande dessinée algérienne, long d'un demi-siècle, riche de péripéties et de créations avec un engagement extraordinaire des créateurs malgré les difficultés rencontrées. Nous voulons montrer le caractère unique de l'expérience algérienne dans le 9e art, ce qui est reconnu par d'éminents spécialistes du genre. Et nous voulons mettre en valeur les auteurs, les pionniers comme les jeunes, soit les deux générations. Le choix des planches, dont de nombreuses originales, a été effectué après une réflexion collective à laquelle nous avons associé des auteurs et des connaisseurs. Le commissaire de l'exposition, qui en a assuré le concept et la scénographie est un artiste talentueux et reconnu, à savoir Mustapha Nedjaï qui s'est engagé pleinement dans le projet. Nous serons 18 personnes présentes et, essentiellement des auteurs de bande dessinée. En quoi consistent les vidéos, les arômes, les sons et la librairie cités dans le communiqué de presse ? L'espace où nous seront, l'Atelier Magelis, est en pierre de taille et en forme de voûte spacieuse trouée par des grandes baies vitrées. C'est un lieu de choix, propice aux grandes manifestations. Nous avons voulu en tirer le meilleur parti d'où une scénographie précise et réfléchie. Il y aura une partie exposition en planches originales encadrées, une autre destinée aux projections. Nous avons monté une vidéo qui sera projeté en boucle dans un espace réservé à cet effet. Elle « raconte » la BD algérienne, le FIBDA aussi, etc. Il y a un espace librairie où seront exposés les albums de la bande dessinée algérienne ainsi que les revues de BD. On a prévu aussi un espace rencontres pour les conférences et discussions. Au milieu de tout cela, comme un parterre de wast-eddar, Nedjaï a imaginé sur le sol une immense planche symbolique de BD dont les vignettes sont « desssinées » avec des épices de différentes couleurs et senteurs. Le but n'est pas de faire de l'orientalisme d'épicerie. On voulait que tous les sens soient mobilisés : la vue des œuvres, l'ouïe (par la musique), mais aussi l'odorat pour donner un « caractère » complet à l'exposition. J'oubliais le toucher puisque les visiteurs pourront manipuler les albums. Les échanges entre les auteurs présents seront portés sur quel sujets, thématiques? Vont-ils dans le but de rencontrer des auteurs étrangers pour une éventuelle collaboration ou autre? Il y a deux conférences au programme pouvez-vous nous donner plus de détails? C'est sûr que pour les auteurs, se retrouver dans ce grand rendez-vous mondial de la BD est une opportunité formidable. Ils vont avoir la chance de visiter les stands des plus grands éditeurs de BD au monde, de rencontrer de grands auteurs, d'apprendre aussi en ayant sous les yeux presque toute la production mondiale. Maintenant, si cela débouche sur des collaborations, des projets, etc. c'est tant mieux et c'est le but aussi de telles rencontres. Notre responsabilité d'organisateur consiste avant tout à donner de la visibilité à la BD algérienne et ses auteurs et à les mettre en valeur. Nous avons prévu une conférence de Ameziane Ferhani, votre confrère responsable des pages Arts & Lettres d'El Watan, qui présentera son ouvrage récent sur les 50 ans de la BD algérienne et engagera un débat avec le public sur le 9e art algérien. Le lendemain, 3 février, ce sera une rencontre avec les 12 auteurs et auteures algériens présents qui permettra de les présenter, de les amener à parler de leurs profils, parcours et expériences. L'idée est de rendre vivante l'exposition. On expose des planches, OK, mais vous pouvez rencontrer ceux qui les font. Nous avons prévu aussi une réception à laquelle nous avons invité les autorités locales de la ville, la direction du festival d'Angoulême et des personnalités de la création et de l'édition en BD du monde. Je dois rappeler que cette invitation fait suite à celle que nous avions adressée au maire de la ville et au président du festival. C'est lors de leur venue au FIBDA en 2010 qu'ils ont invité le FIBDA à participer à cette 40e édition d'Angoulême. Je dois préciser que c'est grâce à l'AARC Agence algérienne du Rayonnement culturel qui co-organise avec le FIBDA cette participation et que nous assurons cette présence. Est-ce que cette participation marque un tournant pour le FIBDA et la bd algérienne? C'est en tout cas une reconnaissance par l'un des plus grands festivals du genre au monde. A travers Angoulême, on peut développer d'innombrables contacts avec d'autres festivals du monde qui envoient leurs représentants, avec des éditeurs, des distributeurs, des médias spécialisés, des universités même qui assurent des formations en BD ou mènent des recherches à ce sujet. C'est énorme. Si Angoulême nous a invités à sa 40e édition, ce n'est pas rien. C'est déjà un tournant dans la reconnaissance internationale de la BD algérienne. Mais à nous de capitaliser cette participation pour avancer vers d'autres tournants car, si nous avons un immense potentiel et qu'il s'est mis en mouvement, on doit encore avancer pour que le 9e art algérien soit plus fort et plus riche. Et ce tournant là, c'est d'abord dans notre pays que nous devons le faire. H.M