Résumé : Je n'étais qu'une voix médiatique. Mais mes idées ne pouvaient plaire à tout le monde. Pourtant je ne voulais pas lâcher. Malgré mes blessures, je voulais rentrer chez moi et fuir cette salle froide et silencieuse où on m'avait installée. Je voulais retrouver mon fils, mon mari et mon petit chez-moi. Mehdi était content de me revoir, et je n'en fus que plus heureuse. Je le redépose pour aller chercher le train électrique que je lui avais acheté pour son anniversaire, avant de le monter sur le tapis. Je mets les rails puis la locomotive, et enfin les wagons. Au premier coup de sifflet, Mehdi se met à rire : -Tu vois Mehdi, le train va démarrer. Nous allons partir avec lui. Hein bébé ? Nous allons partir très loin d'ici. Loin. Hein ? Ecoute donc : tram tram tram tram, hou hou ! Mehid battit des mains avant de lancer de sa petite voix : -Hou hou hou. -C'est bien mon fils. Tu as compris. -Ah ! Si on pouvait retrouver cette harmonie chaque soir ! Je me retourne vivement. Youcef se tenait au seuil de la porte, le paquet de médicaments dans ses mains. Je me relève promptement : -Je voulais juste montrer à Mehdi comment un train pouvait démarrer sur des rails pour partir très loin. Youcef sourit : -S'il pouvait comprendre où peuvent t'emmener des impulsions aussi. Je ne sais pas s'il serait d'accord. -Un jour. Un jour il apprendra tout et comprendra mieux que quiconque que sa mère voulait juste dévoiler ses convictions féministes. Je ne sais pas si dans quelques années le monde saisira nos pensées, mais le jour où Mehdi deviendra adulte, j'espère que les femmes seront bien mieux loties. Youcef lève une main suppliante : - Assez pour ce soir. Tiens voilà tes médicaments. Je dois repartir, j'ai un travail urgent. - Hein ? Quel travail. ? - Une couverture pardi ! - Oui je sais. Mais tu vas couvrir quoi ? - Un débat sur les prochaines élections. Je risque de tarder. Ne m'attends pas. Tu devrais penser à te reposer davantage. - Je crois que je ferais mieux de rédiger immédiatement mon article sur la manifestation d'aujourd'hui, sinon il ne passera pas dans l'édition de demain. - Tu plaisantes ou quoi ? Tu as frôlé la mort, et tu comptes rédiger un papier ce soir même ? Je hausse les épaules : -Qui donc pourra le faire à ma place ? J'étais toute désignée. -Non. Il y a les autres. Il y a aussi d'autres quotidiens. -Mais c'est le mien qui est le mieux branché dans ce domaine. Je n'aimerais pas rater le coche. Youcef hausse les épaules : -A ta guise. Mais ne viens pas te plaindre par la suite. Je hausse les épaules à mon tour : -Ce sont les risques du métier. Tout ce que je subis prouve que je touche des sensibilités. C'est un jeu assez délicat je le conçois, mais je suis trop engagée pour me désister. Youcef sortit en claquant la porte derrière lui. Je me retrouve seule avec Mehdi qui s'était endormi. Je dépose mon fils avant de me rendre dans la salle de bains. La glace au-dessus du lavabo me renvoie une image terne de moi-même. Le pansement qui m'entourait le crâne et les contusions sur mon visage n'étaient pas pour arranger les choses. Je retrousse les manches pour me laver et je remarque les marques bleues sur mes bras. Les perfusions ! Combien de flacons de sérum ? Je n'en savais rien. Je me sentais toute fatiguée, lassée. Un bon dîner et un bon sommeil réparateur arriveront peut-être à me requinquer. Mais je n'avais pas le temps de penser à quoi que ce soit, sauf à ce papier que je dois rédiger illico presto et que je dois envoyer par e-mail dans la soirée même. Mon téléphone se met à vibrer. Je jette un coup d'œil. C'était la présidente des femmes en difficulté. (À suivre) Y. H.