Résumé : Je retrouve mon fils. Je monte le train que j'avais acheté pour son anniversaire, et nous nous mettons à jouer ensemble. J'avais l'intention de rédiger mon papier sur la manifestation le soir même. Youcef m'en fera le reproche avant de partir de son côté couvrir un débat politique. La présidente des femmes en difficulté me contacte. Sans me laisser le temps de placer un mot, elle lance de sa voix râpeuse : - Allo, comment allez-vous? On s'est fait un sang d'encre. A l'hôpital, on nous a appris que vous avez préféré rentrer chez vous. Ce qui nous fait croire que vous n'êtes pas aussi mal en point que nous le craignions. Je pousse un soupir. Quelle pie ! Cette femme ne vous laisse pas placer un mot et s'arrange toujours pour avoir le dernier. Je tente de répondre calmement : - Heu, je vais un peu mieux, sauf que ma tête pèse une tonne, et que j'ai des contusions sur tout le corps. Oui, j'ai quitté l'hôpital cet après-midi, je ne voulais pas me sentir loin des miens. Vous comprenez, j'ai ma famille moi aussi. - Evidemment, j'aimerais juste avoir votre opinion sur notre action d'aujourd'hui. Vous étiez si volontaire ! - La manifestation s'est bien déroulée. Je trouve que les femmes ont su réclamer leurs droits, sans trop se bousculer. - Sauf que l'une d'elles vous a balancé une bouteille en plein visage. - Oh, je m'y attendais un peu, je ne peux pas plaire à tout le monde. Comme tous les journalistes, je suis exposée aux risques de mon métier. - Si cela peut vous aider, je vous apprends que l'accusée a été arrêtée et conduite au commissariat de police. Je hausse les épaules : - A quoi cela servira-t-il ? Qu'on la libère, elle n'a peut-être fait que suivre les instructions de quelqu'un d'autre. La présidente me lance dans un souffle : - Vous pensez qu'on est toutes menacées ? - Par qui ? - Je ne sais pas, des antiféministes. Il se trouve que nous recevons de temps à autre des lettres de mise en garde. - Si vous voulez faire des omelettes, il va falloir casser des œufs. Nous sommes des femmes qui activent dans le seul but de gratter quelques avantages supplémentaires dans une société qui n'y est pas toujours propice. - Hum, heu, donc le risque est omniprésent. - Tout à fait, vous êtes bien à votre place. Vous menez un combat, et ce combat, aura sûrement des répercussions. Soyez toujours prête à affronter le revers de la médaille. Un silence s'établit, et j'entendis à peine une respiration cadencée. Après quelques minutes, une voix étouffée me lance : - Je, je n'aimerais pas voir mon nom dans votre article. - Mais je l'ai déjà cité à maintes reprises dans les avant-papiers. - Je sais, je ne veux plus qu'on le voit sur le quotidien. Mon mari m'a fait toute une scène ce soir, je ne suis pas aussi libre que j'en donne l'air. Nous y voilà, la femme qui veut prouver au monde qu'elle est la plus forte est toujours la plus faible. Ma migraine avait repris. Des coups de marteau résonnaient dans ma tête. Je n'en pouvais plus. Une voix intérieure me demandait de dire les quatre vérités à la face de cette sorcière qui devant ses airs de femme autoritaire n'était qu'une petite lâche. Je vais rédiger mon papier. Cela, personne ne me l'interdira. Et je vais citer son nom et le nom de toutes celles qui m'avaient des jours durant, harcelée, pour que je sois avec elles et les épaule dans leurs actions. Et moi ? Qui va m'épauler ? J'ai bien risqué ma vie aujourd'hui. Je pousse un long soupir. Ma migraine me rendait plus vulnérable mais je tins bon pour répondre : - Ecoutez moi bien : j'ai toujours été une femme avisée. Je suis responsable de mes actes, et de tout ce que j'avance. Mes articles dérangent une bonne catégorie de mes lecteurs. Mais j'ai tenu bon durant des mois, j'ai rentabilisé ma rubrique par des témoignages vivants, j'ai toujours cru bon d'aller au devant des causes justes. Vous avez fait appel à moi pour vous seconder dans vos actions, j'ai jugé opportun d'être avec vous, et de vous orienter dans tout ce que vous entreprenez. Vous m'avez vous-même envoyé un membre de votre bureau à la rédaction pour solliciter mes services, pourquoi ? Tout bonnement parce que vous saviez pertinemment que j'étais la seule personne à vous écouter et à publier vos réclamations. (À suivre) Y. H.