Le secrétaire général du Haut-Commissariat à l'amazighité révèle que son institution, rattachée à la présidence de la République, a communiqué une liste de 1 000 prénoms amazighs au ministère de l'Intérieur, à la demande de ce dernier. Liberté : Plusieurs citoyens sont confrontés au refus de l'administration d'inscrire leurs nouveau-nés sous des prénoms amazighs. Pendant ce temps, des prénoms totalement étrangers à notre culture sont admis. Le HCA a-t-il été saisi par des citoyens de ces cas de refus ? Youcef Merahi : En effet, c'est la triste réalité. Nos citoyens sont confrontés à une position de certaines mairies qui rejettent les prénoms amazighs au motif que ceux-ci ne sont pas portés sur la “fameuse" nomenclature des prénoms induits par le décret de mars 81, période où a été tentée la fureur d'arabiser, à tout prix, l'âme de l'Algérie et son environnement. Sauf que la dimension amazighe a toute sa place dans ce pays : onomastique, toponymie, culture, langue, histoire, civilisation... Il est vrai que cette situation de flou réglementaire a fait que les officiers de l'état civil, pas tous heureusement, font tout et n'importe quoi à telle enseigne que j'ai eu à vérifier moi-même l'inscription de prénoms qui n'ont aucune “consonance algérienne" comme cela est stipulé dans le décret. Alors que Massiva, la petite Oranaise, est restée sans prénom plus de cinq années. Il a fallu notre intervention pour que cette Algérienne, juste à la veille de sa première année scolaire, puisse se faire inscrire sur les registres de l'APC d'Oran. Tout comme les jumeaux Gaia et Micipsa (père et fils de Massinissa l'Aguellid), à la commune d'Aïn Touta, n'ont pu se faire inscrire que sur décision de justice. Il y a comme cela des situations ubuesques : il n'y a qu'à consulter les listes de prénoms de nos communes. C'est un véritable vertige onomastique ! Le décret numéro 81-26 du 7 mars 1981 portant établissement d'un lexique national des prénoms prévoit une actualisation de cette nomenclature tous les trois ans mais en réalité, la liste de ces prénoms n'a connu aucun changement ni actualisation depuis plus de trois décennies. Quelle lecture faites-vous de cet état de fait ? Sincèrement, la seule explication possible est que cette situation est préjudiciable à la mémoire onomastique de notre pays. Puis il n'y a que la dimension amazighe qui est ostracisée, déniée et remise en cause tout le temps. Position idéologique ? Assurément ! Il n'y a pas d'autres explications à mon sens. Sinon qui bloque le ministère concerné pour exiger la réactualisation de ces listes conformément au dit décret ? Maintenant, je sais que la situation est inextricable. Allez voir les tables décennales, vous verrez que des prénoms pris de tous horizons ont été inscrits par nos mairies. Comment y remédier ? Des états généraux pour l'état civil algérien doivent être tenus. Puis que mettre dans le concept “consonance algérienne" ? Vous étiez destinataire d'une demande de la part du ministère de l'Intérieur pour des propositions de prénoms amazighs à intégrer dans la nomenclature des prénoms, qu'en est-il au juste ? En effet, le HCA a proposé pas moins de mille prénoms amazighs au ministère de l'Intérieur, à sa demande. Sauf que depuis l'année dernière, aucune suite ne nous a été communiquée. Pourtant, nous avons saisi ce ministère à plusieurs reprises, sans suite. Est-ce parce que ces prénoms ne sont pas portés sur la liste ou est-ce parce qu'ils sont amazighs ? C'est la réponse que nous attendons. Cette situation a assez perduré au détriment, bien sûr, des parents amazighs. Une décision doit être prise en urgence afin d'assainir une bonne fois pour toute l'état civil algérien. Nous avons fêté le nouvel an amazigh depuis quelques jours. Cette date reste toujours non officialisée en Algérie, contrairement à nos voisins marocains et, depuis quelques jours, les Libyens. Quelle est votre revendication concernant Yennayer ? Notre revendication est simple, claire et précise. Que Yennayer soit décrété fête nationale, journée chômée et payée, à l'instar du 1er janvier universel et du 1er Mouharam. Ne pas le faire, c'est prouver encore une fois le déni et l'ostracisme qui grève l'amazighité. L'Algérie connaîtra, vraisemblablement cette année, une révision de la Constitution. Toutes ces questions ne pourraient-elles pas être définitivement réglées à cette occasion ? Oui, tout peut se régler. Sauf qu'il y a absence de volonté politique pour ce faire. Il faut une révolution des mentalités pour que l'on prenne en charge correctement le dossier de l'amazighité. Permettez-moi de souhaiter à tous les Amazighs d'Algérie, et d'ailleurs, mes meilleurs vœux pour notre nouvelle année amazighe.