L'initiative des “onze” intervient dans un contexte marqué par une opposition prononcée au chef de l'Etat. Les “onze” personnalités politiques, candidats potentiels ou déclarés à la présidentielle du printemps prochain, exigent, à travers leur manifeste, la mise en œuvre de mécanismes garantissant un scrutin honnête. Il s'agit surtout, pour eux, de faire en sorte que tous les postulants à la magistrature suprême s'engagent dans la course électorale à armes et chances égales. D'ailleurs, en préambule de la déclaration commune, le groupe des “onze” définit le contexte politique dans lequel intervient leur initiative. Il dénonce, de ce fait, “les abus du pouvoir”, traduits par “une transgression des principes constitutionnels, l'instrumentalisation de la justice, la vassalisation de l'administration, les atteintes récurrentes portées au pluralisme politique à travers les agressions de militants, les actions de déstabilisation menées contre les partis politiques et la mainmise ciblant le mouvement associatif”, et bien sûr, l'OPA imposée sur les médias lourds. L'invalidation du VIIIe congrès du FLN par un arrêt de la chambre administrative près la cour d'Alger, le limogeage en série de cadres de l'Etat sans motif apparent, le harcèlement judiciaire contre la presse, l'instrumentalisation du mouvement associatif… sont autant de faits qui impliquent directement la responsabilité du chef de l'Etat. Les auteurs de la déclaration se sont, néanmoins, bien gardés de le citer nommément. Peut-être ne souhaitent-ils pas donner l'impression de centrer leur action sur la personne de Bouteflika, la priorité étant de l'empêcher de gagner un second mandat en mettant à son service l'administration et le gouvernement et en utilisant les moyens de l'Etat. C'est certainement pour la première fois que des personnalités, de sensibilités politiques aussi diverses (démocrates, islamistes et nationalistes conservateurs) et de surcroît des adversaires notoires dans la bataille électorale, lors de la campagne, conjuguent leurs efforts pour mettre en échec les tentatives de fraude avant qu'il ne soit trop tard. D'autant qu'au-delà de la conjoncture actuelle, marquée par un jeu politique trouble, la fraude s'est érigée, depuis au moins dix ans, en constante électorale. En décembre 1991 déjà, les élus locaux du FIS dissous ne se sont pas embarrassés de bourrer les urnes avec les bulletins portant les noms des candidats de leur parti. Aux élections législatives et locales de 1997, l'administration a usé de diverses méthodes pour doter le RND, âgé alors d'à peine de quelques mois, de la majorité des sièges à l'Assemblée nationale et aux assemblées de communes et de wilayas. En 1999, nul n'a été dupe des grandes faveurs accordées au candidat du consensus, sorti vainqueur du scrutin présidentiel, en dépit du retrait de l'ensemble de ses rivaux, à la veille du jour du vote. En 2002, c'est au tour du FLN de bénéficier des grâces des tenants du pouvoir. À différentes étapes, les voix des électeurs ont été détournées au profit du (ou des) favori (s) du système, sans que la protesta post-élections ne changent le cours des événements. C'est donc tout naturel que des prétendants à l'élection présidentielle, échaudés par des expériences avérées en matière de fraude, s'attellent à constituer un “front contre la fraude électorale”. S. H.