Ils étaient quelque 15 000 partisans du parti islamiste Ennahda au pouvoir à manifester hier dans le centre de Tunis, beaucoup moins que la marée humaine des démocrates lors des obsèques de l'opposant Chokri Belaïd, le 8 février dernier. C'est le rassemblement le plus important organisé par les islamistes depuis leur arrivée aux commandes du pays il y a 14 mois. Il intervient alors que le numéro deux du parti, le Premier ministre, Hamadi Jebali, a reporté sine die vendredi la formation d'un cabinet de technocrates qu'Ennahda rejette. La manifestation est nettement moins importante que la participation aux funérailles de l'opposant Chokri Belaïd, assassiné le 6 février, qui avaient réuni des dizaines de milliers de personnes criant des slogans anti-islamistes. “Dieu est le plus grand", “Avec la légitimité et pour l'unité nationale", “Le peuple veut Ennahda de nouveau", scandaient hier les manifestants sur l'avenue centrale Habib-Bourguiba, haut lieu de la révolution qui a renversé le régime de Zine El-Abidine Ben Ali. Ils dénonçaient aussi les médias, le dirigeant d'opposition et ex-Premier ministre postrévolutionnaire Beji Kaïd Essebsi, et la France, qui est régulièrement accusée d'ingérence. Les manifestants brandissaient des dizaines d'étendards d'Ennahda, de drapeaux nationaux, ainsi que quelques bannières noires de la mouvance salafiste. “Nous sommes tous des frères et contre la violence", “Pour la défense de l'identité arabo-musulmane" ou encore “Médias de la honte et de la sédition", pouvait-on lire sur des pancartes. Le Premier ministre, Hamadi Jebali, a annoncé vendredi soir, après une rencontre avec les chefs de parti, de nouveaux pourparlers demain sur la composition du nouveau gouvernement, reportant ainsi sine die l'annonce d'un cabinet pour mettre fin à la crise. Hamadi Jebali avait procédé à d'ultimes consultations pour former un nouveau gouvernement de technocrates après avoir menacé de claquer la porte en cas d'échec alors que le pays connaît sa plus grave crise depuis la chute de Ben Ali. Il avait reçu au palais de Carthage, en banlieue de Tunis, les dirigeants des partis pour leur présenter la composition de ce nouveau cabinet sans personnalités politiques pour lequel il est à pied d'œuvre depuis le 6 février, jour de l'assassinat de l'opposant Chokri Belaïd. Hammadi Jebali avait averti que s'il n'obtenait pas le soutien de la classe politique, il démissionnerait samedi (hier, ndlr). Outre son parti, Ennahda, qui s'est rétracté, le Congrès pour la république (CPR, laïque) du président Moncef Marzouki et deux autres petites formations politiques ont annoncé qu'ils s'y opposaient, demandant un cabinet alliant politiques et technocrates. Hammadi Jebali peut se targuer du soutien de l'opposition laïque, des organisations syndicale et patronale ainsi que d'une large part de la société civile pour qui l'initiative est la seule solution pour stabiliser le pays, deux ans après la fuite de Zine El-Abidine Ben Ali. Le bras de fer Jebali-Ghannouchi, le président de toujours d'Ennahdha, s'achèvera demain. L'un des deux l'emportera. À l'Assemblée nationale constituante, les islamistes disposent de 89 élus sur 217. I. O.