Situation - «Ennahda se porte bien et ne cédera jamais le pouvoir tant qu'il bénéficie de la confiance du peuple et de la légitimité des urnes». C'est ce qu'a affirmé le chef du parti, Rached Ghannouchi, à la fin d'une manifestation de ses partisans sur l'avenue Habib-Bourguiba, dans le centre de Tunis. Selon lui, Ennahda fait l'objet, depuis son arrivée au pouvoir en décembre 2011, d'une «série de complots» qui ont culminé avec «la proposition d'un gouvernement de technocrates. «Ce qui équivaut à un coup d'Etat contre le gouvernement élu». «Ennahda est la colonne vertébrale de la Tunisie et la briser ou l'exclure porterait atteinte à l'unité nationale du pays», a-t-il martelé. M. Ghannouchi s'est ainsi une nouvelle fois opposé à son numéro deux, le Premier ministre, Hamadi Jebali, qui considère qu'un cabinet apolitique est la seule solution pour sortir la Tunisie d'une profonde crise politique, aggravée par l'assassinat de l'opposant anti-islamiste Chokri Belaïd le 6 février. Le rassemblement de ce samedi, est le plus important organisé par les islamistes depuis leur arrivée aux commandes du pays, mais la mobilisation reste largement inférieure aux dizaines de milliers de personnes qui ont participé aux funérailles de l'opposant le 8 février. Selon le ministère de l'Intérieur, 16 000 partisans d'Ennahda ont manifesté. «Dieu est le plus grand», «Avec la légitimité et pour l'unité nationale» ou encore «le peuple veut Ennahda de nouveau», a notamment scandé la foule sur l'Avenue Bourguiba, haut lieu de la révolution qui a renversé le régime de Zine El-Abidine Ben Ali il y a deux ans. Les manifestants brandissaient des dizaines d'étendards d'Ennahda, de drapeaux nationaux et quelques bannières noires de la mouvance salafiste. «Nous sommes là pour montrer que nous soutenons la légitimité d'Ennahda et des urnes», explique Mohamed Beji, originaire de Gabès (sud-est). Le mouvement dispose de 89 des 217 sièges à l'Assemblée nationale constituante et a formé une coalition avec deux partis laïques de centre-gauche dont celui du président Moncef Marzouki. Mais le meurtre de Chokri Belaïd a montré qu'Ennahda est tiraillé entre une frange radicale, représentée par M. Ghannouchi, et celle plus modérée avec M. Jebali. La fermeté du chef islamiste, qui propose un gouvernement dirigé par Ennahda alliant technocrates et politiques, laisse présager des tractations difficiles. De nouveaux pourparlers sont prévus demain lundi, entre le Premier ministre et les partis politiques. M. Jebali avait prévu d'annoncer un nouveau gouvernement hier samedi, ou de démissionner, mais vendredi soir il a reporté l'annonce sine die. Outre l'interminable crise politique, la rédaction de la Constitution est dans l'impasse, faute de compromis sur la nature du futur régime, l'avenir politique de la Tunisie demeure incertain, pour ne pas dire sombre. Les conflits sociaux souvent violents se sont multipliés sur fond de misère et chômage. Sans oublier l'essor d'une mouvance salafiste jihadiste qui déstabilise régulièrement le pays par des attaques.