Pour essayer de desserrer l'étau français autour d'Ansar Dine, d'Aqmi et du Mujao, dans le nord Mali, les alter ego de ces djihadistes au Nigeria, Boko Haram et Ansaru, ont enlevé sept touristes français au Cameroun, près de la frontière avec leur pays. Les violences liées aux djihadistes nigérians ont fait 3000 morts depuis 2009, dans le nord du pays où sont établis la dizaine d'Etats sous l'ordre charaïque. Le Nigeria est un Etat fédéral avec des violences interethniques dans le nord où s'affrontent islamistes et chrétiens et où se sont établis des groupuscules djihadistes. Il y a d'abord Boko Haram, dont la traduction de l'intitulé est en soi tout son programme et ses objectifs : “Les valeurs occidentales sont sacrilèges", en langue haoussa. Il est né dans le sillage de la montée de l'islamisme radical dans le monde musulman et de son financement par les pétromonarchies du Golfe, en 2002 à Maiduguri, dans le nord du Nigeria. Boko Haram prône l'instauration d'un émirat islamique sur tout le pays, où le pouvoir central dans sa fuite en avant a laissé s'établir en 2000 la charia dans 12 Etats du nord du Nigeria, majoritairement musulmans. Insuffisant aux yeux des djihadistes qui reprochent aux exécutifs islamistes locaux leur “tiédeur". Le mouvement prend de la pâte avec le développement des franchises d'Al-Qaïda en Afrique du Nord, en Afrique de l'Est puis dans le Sahel et en Afrique de l'Ouest. Réprimé par Abuja, la capitale fédérale, le groupuscule est devenu violent en 2009, après l'arrestation puis l'exécution de son leader, Mohammed Yusuf. Boko Haram plonge alors dans la clandestinité. Ses principales victimes : des musulmans accusés de laxisme dans l'observation de la religion à l'aune du salafisme, et chrétiens, en menant régulièrement des attaques contre leurs églises. Comme ses coreligionnaires djihadistes, Boko Haram a rassemblé des individus et gangs criminels, qui agissent sous le couvert de l'islam. De nombreux analystes ont souligné que ce mouvement est né et s'est développé au Nigeria en raison de “l'ampleur de la corruption et de la pauvreté dans le nord du pays". Ce qui n'est pas faux, mais cela n'explique pas pour autant ses activités terroristes. En juin 2012, les Etats-Unis ont inscrit les noms de trois extrémistes islamistes nigérians sur leur liste noire du terrorisme mondial, mais pas Boko Haram en tant que tel, au motif que “ses objectifs étaient surtout internes au Nigeria" ! Pourtant, et de l'aveu d'une ancienne ambassadrice de Washington à Bamako, dès 2005, la secte salafiste nigériane envoyait ses combattants s'entraîner dans le nord du Mali, dans les camps d'Aqmi. De même, les Shebab somaliens ont hébergé Boko Haram. Selon des informations françaises, Boko Haram dispose de bases arrière au Niger et au Tchad. En novembre, Abubakar Shekau, le leader de Boko Haram, a exprimé sa solidarité avec Ansar Dine, Aqmi et le Mujao qui combattent pour l'avènement de l'Etat islamique au Mali. Au mois de janvier, le général américain Carter Ham, commandant en chef de la force américaine en Afrique (Africom), expliquait qu'Aqmi et Boko Haram cherchent à coordonner leurs forces, soulignant l'extension de la secte nigériane au-delà de ses frontières. Jusqu'à cet enlèvement de touristes français, Boko Haram en tant que tel n'avait pas revendiqué ce type d'activité, dévolue jusqu'ici à un autre groupe : Ansaru, le dernier-né de la mouvance djihadiste dans la région. L'enlèvement au Nigeria d'un ingénieur français a été revendiqué par Ansaru au mois de décembre. Ce groupuscule a aussi revendiqué l'enlèvement de sept employés étrangers de la société de construction libanaise Setraco avant celle des touristes français à la frontière camerouno-nigériane. Le premier fait d'armes d'Ansaru remonterait au mois de mars dernier, avec l'enlèvement d'un Britannique et d'un Italien. Deux hommes qui, par la suite, ont été tués lors d'une tentative de libération effectuée par les forces britanniques et nigérianes. Bien qu'elle se déclare dissidente de Boko Haram, Ansaru est sa faction en liaison semble-t-il avec Aqmi. Ansaru, partisans de l'islam en Afrique noire, est apparu en janvier 2012 à Kano, dans le nord du Nigeria, pour “viser les vrais ennemis de l'islam, à savoir les Occidentaux", faisant savoir qu'il “ne tuerait pas les non-musulmans nigérians sauf en cas de légitime défense". D. B