Le Forum euroméditerranéen des instituts de sciences économiques (Femise) vient de publier son dernier rapport annuel sur le partenariat euroméditerranéen et la situation des pays méditerranéens, intitulé “La saison des choix". Dans sa première partie, le rapport revient sur les défis que rencontrent les pays méditerranéens du Sud après l'effondrement de l'ancien modèle autoritaire dans certains d'entre eux, à fois sur les plans économique, social et politique, et les choix qui s'ouvrent à eux pour progresser et préparer une stratégie globale de réforme. Cette stratégie devra trouver le bon modèle de croissance, qui soit tout à la fois inclusif et fort, poursuivre intelligemment une ouverture gérée prudemment et qui accélère l'intégration Sud-Sud, et mettre en place des réformes sociales tout en soutenant l'esprit d'entreprise. La seconde partie du rapport présente la situation actuelle des économies du Sud méditerranéen concernées, en termes de croissance, d'inclusivité (ou de manque d'inclusivité) et d'équilibres macroéconomiques. Comme l'indiquent les rapports du Femise publiés ces dernières années, la situation de l'Algérie semble être bien différente de celles de la Tunisie et de l'Egypte, relevant la solidité des indicateurs économiques et financiers, mais également le décalage, entre la croissance réalisée et le potentiel de croissance. “Les dernières études du Femise ont montré que la croissance liée au pétrole favorisait le maintien des fondations structurelles nationales et que l'Algérie s'appuyait en grande partie sur les importations, l'agriculture et la production industrielle du pays n'étant, pour leur part, pas exploitées au maximum de leur potentiel réel", indique le rapport. L'Algérie peut-elle se contenter d'un régime de croissance basé sur les initiatives publiques ? Le pays peut-il se permettre de maintenir des politiques structurelles qui ne sont pas toujours rentables ? Les autorités algériennes sont-elles en mesure de gérer un équilibre budgétaire exceptionnellement fragile ? Peut-on envisager des réformes financières efficaces favorisant une meilleure répartition des ressources pour le développement de projets productifs ? s'interroge le Femise. Le rapport a abordé le caractère inclusif de la croissance d'un point de vue social (égalité des chances via la contribution au travail) et économique (élargissement du champ d'application de l'économie via la diversification commerciale). Concernant l'aspect social, le Femise estime que “les données de l'Algérie semblent indiquer que la croissance est tout sauf inclusive". Les taux de participation au marché du travail sont encore extrêmement faibles en termes absolus. En 2011, plus de la moitié de la population active en Algérie ne participait pas au marché du travail. “La situation de 2011 indique que rien n'a changé en 10 ans, le taux moyen de participation étant de 43,6% en 2011 contre 44% en 1999.Le seul élément positif méritant d'être souligné est le taux de participation des femmes qui est passé de 11,9% en 1999 à 15% en 2011. Toutefois, les femmes sont encore trop peu nombreuses sur le marché du travail par rapport au reste de la région (le taux moyen de participation des femmes est d'environ 20% dans les pays partenaires méditerranéens)", relève le rapport. Concernant le taux de participation des jeunes, la situation est pour le moins regrettable. En effet, seuls 31,8% des jeunes âgés de 20 à 24 ans étaient en activité en 2011, soit une chute de plus de 15% par rapport à 1999. L'inactivité des jeunes algériens est 43% plus forte qu'en Amérique latine, 20% plus forte que dans les pays d'Europe de l'Est et environ 10% plus forte qu'au sud de la Méditerranée dans son ensemble. “La capacité de l'Algérie à offrir des opportunités semble donc extrêmement faible", conclut le rapport. Sur le plan économique, aussi “le modèle de croissance est tout sauf inclusif". Si l'on se base sur le niveau de concentration des exportations en tant qu'indicateur de l'ouverture économique, on constate que l'Algérie n'a pas progressé au cours de la décennie écoulée (plus l'indice de taux de concentration est faible, plus l'économie est diversifiée). En effet, l'indice de concentration commerciale est de 0,311, une valeur nettement plus élevée que la moyenne méditerranéenne. Par ailleurs, le niveau de concentration commerciale révèle une diversification limitée des produits. La structure des exportations de marchandises de l'Algérie ne comporte probablement pas plus de produits qu'en 2000, ce qui limite la création d'opportunités par l'intégration. Le Femise ajoute que le pourcentage d'entreprises faisant appel aux banques pour financer leurs investissements baisse considérablement : il était de 8,9% sur la période écoulée contre 27,2% initialement. Dernier élément et non des moindres, la productivité globale des facteurs n'a pas enregistré une augmentation assez forte pour permettre une hausse des salaires respectant l'équilibre macroéconomique. Le Femise estime que l'Algérie a toujours opté pour un modèle d'accumulation intensive de capitaux et n'a pas encore effectué sa transition vers la productivité globale des facteurs qui rendrait son modèle de croissance plus inclusif. M R