Ecrire c'est partir. Partir où ? L'écriture est un voyage où la destination n'est pas prescrite ni arrangée d'avance. La littérature est un vol d'oiseau migrateur où l'orientation est pressentie mais le chemin est ni tracé ni connu. Ecrire c'est fuguer vers soi. Une fugue pour habiter son intérieur, tourner les pages de son jardin magique. Ecrire, c'est fuir la mort afin de vivre éternellement dans la mémoire du bourreau ! Vaincre le temps. Ecrire. Partir. S'évader. Fuir. Voyager. Voler. Envoler. Fuguer. Décamper. Ecrire c'est un synonyme de “lire". Ecrire est un synonyme de “conter". Ils sont de la même race, je n'aime pas ce mot ! Ils sont du même arbre généalogique. Ecrire. Partir. S'évader. Fuir. Voyager. Voler. Envoler. Fuguer. Décamper. Lire. Conter. Tous ces verbes cachent en eux un sens partagé, commun : “la quête de la liberté". Tous ces verbes sont enceints d'une forte envie de caresser, chacun à sa manière, un seul songe : la liberté. La langue est un mythe hors de pair, sans pair ! La langue est la meilleure patrie pour l'évasion. Elle est faite pour pêcher et pour pécher ! La pêche et le péché ! Avec une seule langue comme moyen d'évasion, l'écrivain se trouve dans une situation de claustration ! L'écrivain aime voler avec trois ailes... ou plus ! La route de la soie ! Ainsi, j'ai débuté mon évasion. Avec, d'abord et à travers la langue de Yemma, ma mère, la langue dialectale, el-hadra dyalna. Celle que, je ne sais pas quand ni comment, j'ai trouvée aisément installée sur ma langue. Avec laquelle j'ai commis ma première évasion, mon premier amour ! Avec laquelle j'ai entraîné ma cousine Malika jusqu'au lit ! Avec le dialecte de Yemma, j'ai pu sauter les premières barrières de ma première prison. “l'hadra dyal Yemma", la langue dialectale maternelle, m'a donné la possibilité d'habiter d'autres géographies humaines et orales. M'installer dans le partage social, sentimental et charnel. Ma mère fut, et pour toujours, contre mes évasions, contre mes aventures. Elle me voulait à elle toute seule. L'amour des yemmas, des mamans, est une prison, vaste prison ! Les mères nous ligotent avec l'amour et nous libèrent par et dans leur la langue fantastique. Avec Yemma, j'ai connu la route de la soie ! Je l'ai prise ! Je l'ai marchée jusqu'au jardin appelé “Les Mille et une nuits", jusqu'aux contes de Lla Taos Amrouche. Une autre évasion après celle avec ma cousine Malika ! La langue de Yemma à travers le conte m'a libéré. Elle m'a offert le sens de l'évasion. Elle m'a offert en proie à l'évasion ! Mon oreille fascinée par le conte dit par ma mère ! Elle était une conteuse douée ! Grâce à l'écoute, à l'oralité, j'ai réalisé ma première délivrance. J'ai fait naître ma première aile, sur l'épaule de mon rêve. Ainsi, j'ai fait mes premiers pas vers le monde du dehors par l'oreille, et pas sur mes pieds ! Les mères sont nos premiers libérateurs. Nos premiers geôliers ! Elles nous libèrent du silence pour nous pousser, ensuite, dans la question, dans l'évasion. A. Z. [email protected]