Le Printemps arabe a-t-il libéré la femme ? C'est la problématique abordée lors de la table ronde organisée conjointement par la chaire Walter J. Somers de HEC de Montréal et la fondation Club Avenir, vendredi soir, à l'occasion de la Journée internationale de la femme. La rencontre a réuni un panel de personnalités, dont la féministe Wassyla Tamzali. Dans son intervention, celle-ci a averti d'emblée sur la menace que fait peser l'obscurantisme religieux sur la liberté de la femme et ses droits dans le monde arabo-musulman. L'avocate, pour construire son argumentaire, est partie de cette dichotomie : l'islamisme est une idéologie mortifère alors que le féminisme est “une idéologie" de la vie. Cette dichotomie, qui semble évidente, fera dire à Mme Tamzali que les islamistes vont tôt ou tard “achopper sur l'art de vivre de la société". Autrement dit, ils vont droit dans une impasse. Pour elle, si la femme s'est libérée de la dictature du parti unique, ce n'est pas forcément pour renoncer à son aspiration à la liberté devant l'hégémonie islamique. “La femme a toujours été une sorte de monnaie d'échange lors des grands changements politiques. Par exemple, le code de la famille a été conçu comme un cadeau de fiançailles du FLN avec les islamistes", renchérit encore l'oratrice, qui considère le Printemps arabe comme étant la première révolution existentielle dans cette sphère géographique. “Au fait, cette révolution existentielle n'est ni arabe ni musulmane", dit-elle, ajoutant que “l'islamisme ne peut pas constituer une alternative à la dictature". Pour elle, c'est la défaite du projet d'édification d'un Etat de droit, au lendemain des indépendances nationales, qui a fait qu'aujourd'hui, l'islamisme est devenu un mouvement politique qui confond majorité et hégémonie. Pour étayer son propos, Mme Tamzali citera l'exemple de la Tunisie où les islamistes tentent de remettre en cause les acquis de la femme tunisienne arrachés de haute lutte. “Aujourd'hui, les Tunisiennes sont devenues le symbole de la résistance anti-islamiste. Elles sont engagées dans les mutations de la société", notera encore l'avocate pour qui le vent du changement qui a emporté des autocraties, pourtant bien assises, est un processus révolutionnaire irréversible. Si la Révolution algérienne a contribué à libérer le continent africain du joug colonial, la révolution tunisienne finira par libérer le monde arabe, expliquera Wassyla Tamzali, estimant à juste titre que c'est ce combat avant-gardiste qui restituera à la femme sa liberté et son émancipation. Même si la féministe reste optimiste quant à l'avenir de la femme dans les sociétés musulmanes, aujourd'hui en pleine mutation, elle pose deux préalables à cette perspective de libération : d'abord, séparer le politique du religieux ; ensuite, réformer l'Islam. Deux gros chantiers jamais entamés. En dépit de ces préalables, Mme Tamzali garde l'optimisme chevillé. La raison est que la relève a repris le flambeau du combat des femmes. Des femmes qui ont ébranlé les certitudes du parti unique avant d'affronter l'idéologie qui assassine celles qui donnent la vie. “Le changement, c'est la jeunesse", conclut-elle. Y. A.