Dans un entretien accordé à Liberté, l'Expression, le Quotidien d'Oran, El-Khabar et à Tourisme Magazine, le ministre du Tourisme tunisien, Jamel Gamra, fait une analyse de la situation, annonce une stratégie en direction de la clientèle algérienne et mise sur le secteur touristique pour préserver la société tunisienne de toute forme d'extrémisme. Fraîchement installé à la tête du département, Jamel Gamra, qui affirme ne pas avoir d'affiliation partisane, est néanmoins un militant engagé pour la démocratie. Liberté : Quel est l'état des lieux du secteur du tourisme deux ans après la révolution du Jasmin ? Jamel Gamra : Je dirais d'abord que je suis un ministre technocrate, je n'appartiens à aucun courant politique. La démocratie permet aujourd'hui aux Tunisiens de mieux respirer, de mieux se développer. Le tourisme est un choix stratégique pour la Tunisie. Nous maintenons le cap. Les axes de son développement dans le court terme sont arrêtés et sont clairs. Nous allons agir et vite. Nous avons deux millions de Tunisiens qui travaillent dans ce secteur. Nous allons tout faire pour réussir la prochaine période estivale. Mais des problèmes de sécurité sont signalés, notamment aux frontières. Avez-vous pris des mesures pour régler la situation ? Notre plan d'action est clair. Les orientations ont été données pour agir et assurer la sécurité et la quiétude du touriste de l'accueil aux frontières et tout au long de son séjour. Je vous dirais qu'un budget pour l'amélioration des conditions d'accueil et sécuriser la route a été alloué par le gouvernement. Le gouvernement ne peut plus tolérer que des citoyens coupent la route et dérangent la quiétude d'autrui lorsqu'il veut alerter les autorités sur un problème. Nous avons d'ailleurs une réunion avec le ministre de l'Intérieur afin de consolider le plan d'action visant la sécurité des touristes. Mais il n'y a pas que la sécurité, il y a également le problème de la dégradation de l'environnement. Et là, on ne peut pas cacher qu'il existe une sorte de laisser-aller. Une situation à laquelle nous allons y remédier. Il y a également un rôle attribué au ministre de la Communication pour informer et rassurer le touriste. Y a-t-il une stratégie en direction du marché algérien ? Bien évidemment, nous avons fixé des objectifs pour 2013. Notre ambition avec nos amis algériens est toujours intacte. Nous avons atteint un million de touristes algériens en 2010, date de référence pour le tourisme en Tunisie. Je dois me déplacer en mai prochain en Algérie pour renforcer la campagne tunisienne en direction des Algériens afin qu'ils viennent comme ils l'ont toujours fait pendant la période estivale, y compris durant le Ramadhan où des offres particulières en direction de la clientèle avec laquelle nous partageons la même culture et les mêmes traditions sont programmées. Peut-on avoir des détails sur quoi consistera votre campagne pour attirer le touriste algérien ? Le programme va toucher les TV, radios, journaux et l'affichage. Comme je vous l'ai dit, je me déplacerai à Alger pour participer au Salon international du tourisme. On va appeler nos tour-operators à s'adapter à la situation et intégrer dans leurs offres la spécificité du mois sacré où l'on sait que les Algériens sont plutôt casaniers et n'aiment pas voyager. Mais nos offres peuvent attirer une clientèle qui alternera entre vacances et Ramadhan. Pour les tarifs, c'est le marché qui le décidera en fonction des intervenants connus dans le circuit touristique (agences de voyages, offres, compagnies aériennes et hôtels). De quelle immunité dispose le tourisme pour supporter les contrecoups de la crise politique et de l'islamisme à l'avenir, sachant que les salafistes constituent une menace pour le secteur et la société tunisienne en général ? C'est un phénomène qui existe, mais je dirais que les salafistes ne sont pas nombreux. Le gouvernement a mis des lignes rouges et la liberté individuelle pour laquelle le peuple tunisien a fait sa révolution est sacrée. Le recours à la violence, en l'occurrence prendre les armes, est inadmissible, voire intolérable. Et le Chef du gouvernement a récemment adressé de sévères mises en garde contre les salafistes. Notre souhait est d'évoluer et une société ouverte ne peut se faire qu'avec le développement du tourisme. Le tourisme est un garant de la liberté, il préserve la société de l'extrémisme. Le tourisme, c'est l'ouverture vers le monde et la civilisation.