Les experts ont plaidé en faveur d'un programme de redéploiement spatial de l'investissement, à travers un système d'avantages réellement attractifs dans les zones jusque-là délaissées telles que les Hauts-Plateaux et le Sud. Une trentaine de propositions ont été formulées, hier, à l'issue d'un colloque sur la sécurité alimentaire, organisé à l'hôtel Sheraton d'Alger, par le Forum des chefs d'entreprise (FCE), pour “parvenir à couvrir par la production locale 70 à 80% des besoins nationaux en céréales et en lait", autrement dit à doubler quasiment en l'espace de sept à dix ans le niveau actuel de la production nationale. “Il y va de la sécurité nationale", avertit Omar Ramdane, président d'honneur du FCE, lors de son intervention, proposant d'aller “à la conquête des Hauts-Plateaux et du Sud". Le Forum des chefs d'entreprise se dit convaincu que cet objectif est à la portée de notre pays, qui dispose des ressources de base nécessaires. Pour le lait, le FCE évoque un niveau de production de 3,6 milliards de litres par an, à atteindre sur une période de sept à dix ans, soit 10 millions de litres par jour, afin de satisfaire les besoins de 40 millions d'habitants sur la base d'une consommation normative (norme OMS) de 90 litres par habitant et par an. Il faut, alors, doter le pays d'un patrimoine zootechnique de 600 000 vaches sélectionnées, soit le double des effectifs actuels, et atteindre un rendement de 600 litres par vache et par an, soit un rendement quotidien de 20 litres par vache en doublement du rendement actuel. Cela exige, entre autres, de développer à grande échelle la culture de fourrages en irrigué (luzerne et maïs, principalement) par la mise en valeur de surfaces évaluées à 250 000 hectares. Un programme de redéploiement spatial de l'investissement, à travers un système d'avantages réellement attractifs dans les zones jusque-là délaissées telles que les Hauts-Plateaux et le Sud et la mobilisation des ressources hydriques disponibles dans ces zones sont de nature à contribuer à la sécurité alimentaire. Les experts suggèrent aussi la mise en place d'une nouvelle industrie de fourrages déshydratés pour assurer l'encadrement des cultures, la récolte, la conservation et la distribution de fourrages aux éleveurs laitiers. Les besoins sont estimés à une centaine d'usines d'une capacité de 10 000 tonnes par an. Il s'agit aussi de créer un réseau d'environ 500 pépinières de génisses d'une capacité unitaire de 500 têtes chacune afin d'assurer au moins à hauteur de 75% les besoins nécessaires en génisse en utilisant les biotechniques modernes de reproduction. Pour les céréales, l'objectif tracé est d'accroître l'offre en céréales afin d'approcher la couverture des 75% à 80% d'un volume de besoin de 9 millions de tonnes de blé dur et tendre. Là aussi les experts avancent la nécessité d'étendre sur une grande échelle, dans les Hauts-Plateaux et au Sud, les surfaces cultivables pour les céréales. Une douzaine de mesures sont proposées. Les experts proposent, entre autres, d'accorder une aide et un appui significatif à tous les agriculteurs impliqués dans le programme d'intensification des céréales (ciblant 1,2 million d'hectares) par la mise à leur disposition de semences de qualité protégées des maladies, d'intrants et produits phytosanitaires, de matériel d'irrigation et de matériel agricole. Plus globalement, pour les deux produits, le FCE milite pour la mise en place de synergies “fertiles". L'organisation patronale plaide pour le renforcement de la connectivité de l'amont agricole avec les filières industrielles de transformation et de biens d'équipements. Dans le même ordre d'idées, les experts préconisent de favoriser l'émergence de cluster regroupant des producteurs biologiques, des laboratoires, des centres de conseils et de logistique, un centre d'information sur les normes... “Impliquez-vous davantage dans l'amont agricole" Dans son allocution d'ouverture, le président du Fce a reconnu “les avancées remarquables" accomplies ces dernières années à travers la mise en œuvre d'instrument de développement important comme la loi d'orientation agricole, la loi foncière, la mise en place d'organisations interprofessionnelles ou le soutien à l'émergence de nouveau pôle agricole dans le sud du pays. Ces progrès ont permis une croissance moyenne du secteur agricole supérieure à 10% au cours de ces quatre dernières années. “On ne peut pas, cependant, crier victoire car la réalité des chiffres concernant les céréales et le lait est implacable tant en termes d'importation qu'en termes de soutien des prix", souligne M. Hamiani, relevant le triplement de la facture des importations en produits alimentaires entre 2002 (3 milliards de dollars) et 2012 (9 milliards de dollars). Plus de 50% de ces montants se rapportent aux céréales et au lait, qui faut-il le rappeler, sont subventionnés par l'Etat. “Notre alimentation importée nous coûte plus de 20% de nos importations globales", affirme M. Hamiani. La crise de 2008, avec une flambée exceptionnelle des cours du blé créant une véritable panique sur les marchés mondiaux, a provoqué une prise de conscience sur le niveau préoccupant de la dépendance de l'Algérie à l'importation et son coût sur la balance commerciale, posant l'épineuse question de la sécurité alimentaire du pays. Le ministère de l'Agriculture et du Développement rural reconnaît que des marges de progrès existent à tous les niveaux. “On a valorisé la production agricole en 2012 à environ 29 milliards de dollars", a-t-il indiqué. 43% de cette production ont été réalisés dans les plaines au Nord, 22% dans les Hauts-Plateaux, 18% dans le Sud et 7% dans les montagnes, dans les zones rurales. “La marge d'évolution est énorme. Au Nord, elle est dans la productivité, au Sud, elle aussi dans les vaste territoires à valoriser. La question qui se pose pour nous, est-ce que, collectivement, nous aurons l'intelligence de faire de notre retard un atout ? On doit prendre plus, mais également maintenir la qualité", a indiqué le ministre, appelant les industriels à s'impliquer “davantage" dans l'amont agricole. “Impliquez-vous plus et ramenez vos partenaires, votre force de frappe, filière par filière, zone par zone. Cela ne veut ne dire prendre la place des agriculteurs, au contraire, c'est les renforcer et les accompagner", indique le ministre. Mais pour certains experts, l'émiettement des terres agricoles constitue un frein sérieux à la modernisation de l'agriculture. Le directeur général de l'OAIC, dans son exposé sur l'état des lieux de la filière céréales, a relevé le caractère petit des exploitations. “Ce n'est pas avec des petites exploitations qu'on peut développer la filière céréaliculture", a-t-il estimé, suggérant “le regroupement des exploitations". Des industriels parlent également de lé nécessité de bénéficier de grandes surfaces au Sud pour assurer la rentabilité de l'investissement. Nom Adresse email