“Dans les hôpitaux, on est partisan du moindre effort, que ce soit durant le ramadhan ou pendant les autres mois de l'année” Pendant le mois de ramadhan, tout dans notre pays fonctionne au ralenti. Baisse d'énergie, veillées tardives, nerfs à fleur de peau, on explique comme on peut les raisons de la lenteur d'un rythme qui, déjà en temps “normal”, pourrait-on dire, est très loin d'être un exemple de célérité. Le secteur de la santé ne fait pas exception. Dans les différentes consultations du CHU Mustapha-Bacha que nous avons visitées, hier, les gens ne se bousculaient pas, comme si leurs “bobos” étaient en léthargie. Le personnel médical et paramédical ne semblait pas, non plus, pressé d'en finir avec les quelques malades venus solliciter leur “mansuétude”. Le nombre de blouses blanches dans les allées de l'hôpital rivalisait avec celui de toutes ces personnes qui arpentaient l'enceinte, comme si elles étaient égarées. À 10 heures encore, il n'y avait pas foule au service des urgences. “C'est vers 11 heures que les gens commencent à venir”, nous a affirmé une infirmière, ce que nous avons pu confirmer une heure et demie plus tard. Celle-ci a précisé, toutefois, que c'est le soir, après le f'tour, que l'on y vient le plus, pour différents problèmes de santé. Les malades présents semblaient prendre leur mal en patience. “Les médecins sont jeunes et inexpérimentés, ils ne s'acquittent pas bien de leur tâche”, s'est plaint une femme, à la vue d'un jeune médecin qui quittait une salle de consultations, le stéthoscope suspendu au cou et les mains dans les poches. Notre interlocutrice est venue pour la deuxième fois pour des douleurs au bras et à la jambe suite à une chute. “Je ne suis toujours pas soulagée après la première consultation, d'ailleurs le médecin ne m'a même pas interrogée à propos de mon autre jambe qui était enserrée dans une bande”. Il y avait très peu de monde également au service consultations et urgences d'urologie où l'odeur de peinture fraîche se mêlait à celle des antiseptiques. Ici, en l'absence d'un service d'accueil, les personnes qui arrivaient ne savaient pas à qui s'adresser, avant de se rabattre sur le personnel paramédical. Aucun médecin en vue dans les couloirs et un ballet d'infirmiers et d'infirmières à donner le tournis. “Dans les hôpitaux, on est partisan du moindre effort, que ce soit durant le ramadhan ou pendant les autres mois de l'année”, a martelé un jeune homme. Appuyé sur des béquilles devant l'entrée du service des consultations de traumatologie, un quinquagénaire qui a eu une fracture à la cheville et qui paraissait énervé nous a expliqué que dans ce service, les deux radios sont en panne. “Cela prouve qu'ils ne veulent pas travailler. Sinon pourquoi n'a-t-on pas procédé au moins à la réparation de l'une d'entre elles ?” a interrogé cet homme dont le fils a pu obtenir par la suite que son père soit orienté vers la radiologie centrale. L'infirmière qui les devançait était pressée. “Je dois terminer mon travail”. “Nous travaillons de la même manière pendant le ramadhan, sauf que durant ce mois, le médecin de garde ne peut pas assurer beaucoup de consultations qui, elles, doivent s'achever à 12 heures”, nous a indiqué celle-ci. Beaucoup de monde aux consultations en ophtalmologie où les patients méritent vraiment ce qualificatif, tant ils semblaient résignés devant l'attente qui n'en finissait pas. “J'attends mon médecin traitant qui est absent à chaque fois que je viens”, se lamentait une jeune femme. Le service des urgences médicales infantiles était lui aussi autant fréquenté que pendant “leftar”. Là aussi, on y allait molo. “Patientez, le médecin va arriver”, disait une infirmière à cette jeune femme accompagnée d'une vieille personne qui tenait un bébé dans ses bras, tandis qu'elle s'est adressée à un homme en lui faisant remarquer que l'heure du rendez-vous de ses deux enfants était 8 heures et non 10 heures. “Je suis désolée, le médecin traitant de vos enfants a fait depuis 8 heures et demie trois consultations avant de quitter le service”, lui a-t-elle signifié. Sensible finalement à la situation de ce père de famille venu, hier matin, de Boussaâda faire des analyses et effectuer des radios dans un laboratoire privé à ses petits avant de rejoindre l'hôpital, l'infirmière a fini par le rassurer : “Je viens d'appeler le médecin, il va venir”, lui a-t-elle confié. En conclusion, nous pouvons affirmer que mis à part la baisse du volume de travail du fait de la réduction des rendez-vous pour les consultations et de l'appréhension des patients à s'y rendre pendant le mois de ramadhan, l'hôpital est loin d'être un établissement où l'on se presse pour s'occuper du malade et le soulager. Mal payé, marginalisé, le personnel médical et paramédical est blasé depuis longtemps. En témoignent les nombreux mouvements de grève… R. M.