“C'est toute la population des zones sinistrées qui est traumatisée par le séisme du 21 mai. Mais nous sommes dans la seconde phase, celle de la normalisation. Les parents ont besoin d'un soutien pour reprendre leur rôle de parents et c'est mieux pour les enfants. C'est là un point que je juge important.” C'est l'avis de la psychiatre Houria Salhi, responsable du service pédo-psychiatrique à l'hôpital Frantz-Fanon de Blida. Cette dernière intervient depuis quelques mois sous deux casquettes, au niveau de la wilaya de Boumerdès. Mme Salhi a été détachée par le ministère de la Santé pour installer un dispositif de santé mentale dans la région et remédier ainsi aux grandes carences du secteur sanitaire. Sur un autre plan, Mme Salhi, en sa qualité de présidente de l'Association réhabilitation psycho-éducative infanto-juvénile (Arpeij) qui active dans la Mitidja depuis cinq ou six années, doit veiller à la réalisation du projet “intervention communautaire” à Boumerdès, dans le domaine de la santé mentale et le domaine psycho-éducatif. Au cours de notre entretien, la psychiatre a beaucoup insisté sur la nouvelle phase que traversent les sinistrés, depuis leur installation dans des chalets, en soulignant la nécessaire réhabilitation du rôle des parents. “On ne doit plus disqualifier les parents, car ils sont les référents des enfants”, a-t-elle indiqué et d'ajouter : “La vie normale doit reprendre le dessus. Les psychiatres et les psychologues prendront, de la sorte, en charge les cas lourds, ceux qui n'arrivent pas à s'en sortir tous seuls ou les personnes vulnérables ayant déjà des troubles psycho-traumatiques, qui ont été aggravés avec le séisme”. Mme Salhi a néanmoins reconnu toutes les difficultés qu'ont les sinistrés à recouvrer leur “équilibre” et tout le mal qu'ont les parents à “gérer les enfants dans les chalets”. “Il y a maintenant un problème d'organisation plus difficile. Les sinistrés et surtout les enfants se trouvent dans des lieux où ils n'ont pas de repères. Il savent aussi que cette situation est durable”, a-t-elle clarifié, avant de plaider pour l'humanisation des sites d'accueil. “Humaniser les sites, c'est avoir une vie de quartier, “une houma” qui est très importante pour les enfants et adolescents. Or, ces aspects n'ont pas été pris en compte dans l'installation des chalets”, a remarqué la psychiatre, indiquant, par ailleurs, que “l'intérieur des chalets est exigu et non rassurant pour les enfants et même pour les adultes”. D'autres précisions seront également données par l'experte : “Humaniser les sites, c'est aussi offrir un minimum de cadre pour les sinistrés, c'est leur faciliter la vie à travers, par exemple, la pose d'une clôture et des persiennes, un minimum de magasins, l'installation d'une cabine téléphonique, celle d'un point d'eau, le montage d'un centre de santé avec une permanence et le réaménagement du plan des transports. Tous les services communaux doivent être réorganisés. Humaniser les sites, c'est mettre quelque chose qui ressemblerait à des rues et avoir des lieux de rencontres, une adresse. Les gens ne sont pas des numéros, dans un bloc anonyme qui est le site d'accueil. Ce sont des détails, mais des détails essentiels pour les gens.” Mme Houria Salhi a en outre, approché la question de la sécurité intérieure des sinistrés, estimant que celle-ci “contribue à l'équilibre d'une personne, pour qu'elle puisse remplir sa mission de père ou de mère de famille, de travailleur, etc.”. “Vivre dans le transitoire, donc loin d'un minimum de stabilité et de perspectives, fait augmenter l'angoisse de ne pas être maître de sa vie”, a révélé la psychiatre, notant par la suite que le regroupement des familles dans des petits chalets de 36 mètres carrés constitue “un retour à la famille traditionnelle, une régression”. “Les jeunes filles et jeunes hommes sont défavorisés. Ils ont l'impression de régresser. Il faut poser le problème des jeunes adultes qui ont besoin d'individualité pour trouver les solutions adéquates”, a soutenu notre interlocutrice, avant de conclure : “Les questions qui se posent, maintenant, aux sinistrés, interrogent de nouveau l'urbanisme et bien d'autres domaines. Il n'est pas trop tard pour les solutionner.” H. A.