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Réponse par une analyse systémique de la question
Faut-il abroger le code de la route ?
Publié dans Liberté le 13 - 05 - 2013

Dans cet article, je donne une vision personnelle, en développant une analyse de type approche systémique, du modèle de sécurité et de prévention des accidents de la circulation routière algérienne et particulièrement le code de la route, en l'occurrence la loi-cadre sur la circulation routière n°2001-14, modifiée deux fois et en dernier par l'ordonnance n°2009-03 du 22 juillet 2009 et le texte d'application (le décret n°11-376, modifié par le décret n°11-376 du 12 novembre 2011), ce dernier, introduisant le permis à points, dans cette deuxième partie, je vais passer succinctement sur les effets de ces variables, quand elles subissent des changements. (2e partie)
L'économie
Tout acte de sanction sur un conducteur a des répercussions sur la collectivité. Quand on fait un retrait provisoire de permis, il faut évaluer le temps perdu à cette personne pour son activité, on a fait donc basculer la personne d'un statut d'actif à un statut d'inactif. Il faut évaluer le coût de l'inactivité.
Prenons l'exemple du cadre d'entreprise cité ci-dessus, à qui on a retiré son permis par erreur d'appréciation, estimant rien que pour le temps utilisé pour se présenter au commissariat et à la commission de daïra, soit deux jours. Sachant que son salaire est de 60 000 DA mensuel, sa rémunération du mois sera réduite de 5 500 DA pour absences irrégulières, les organismes sociaux et le Trésor public auront un manque à gagner de l'ordre de 27 000 DA ; l'entreprise a vu sa valeur ajoutée diminuée de 20 000 à 30 000 DA et cela se répercute sur l'économie nationale par une baisse de la production au moins du même montant que l'entreprise et en conséquence la valeur du PIB (Produit intérieur brut) est diminuée. Cette situation s'amplifie, dans le cas où le contrevenant serait inactif sur la durée de la rétention provisoire du permis. D'une manière générale, plus les sanctions sont lourdes, plus les valeurs de l'économie sont diminuées.
Le niveau des accidents
Cette variable augmente dans deux cas, lorsque l'incident est survenu :
- à la suite du non-respect des règles de la circulation routière par les conducteurs (excès de vitesse, conduite en état d'ivresse, dépassement non autorisé, etc.) ;
- quand l'état de l'infrastructure routière est défaillant (glissement de terrain, rétention d'eau sur la voie en temps de pluie, signalisation inexistante, etc.).
Cette variable diminue aussi dans deux cas, lorsque le conducteur :
— perçoit que les sanctions ont des effets négatifs sur ses revenus et prend conscience à ne pas renouveler de telles fautes ;
— est réceptif à l'éducation et aux campagnes de sensibilisation sur la sécurité routière.
Cette variable est donc sensible aux conséquences des sanctions qui découlent de l'application du code de la route, et les actions d'éducation et de sensibilisation routière et interagit avec la variable économie nationale par réduction (prises en charge des soins post-accidents, prise en charge sociale des handicapés, etc.).
L'infrastructure routière
Le niveau de cette variable évolue :
— positivement, lorsqu'il y a création et modernisation d'infrastructures (infrastructures dimensionnées à recevoir un flux de véhicules déterminé et assurer une certaine fluidité de la circulation) et se maintient lorsque le parc existant est bien entretenu ;
— négativement, lorsque l'infrastructure est réalisée sans conformité aux normes, sa capacité est surchargée et la dégradation de son état, manque de signalisation et des moyens de contrôle et de surveillance.
Cette variable interagit avec les variables économie et accidents.
Le conducteur
Cette variable est très complexe, en réalité, toute seule, elle constitue un sous-système. Elle assure les fonctions d'accumulation et de décision. Son comportement dépend de l'attitude que le conducteur prend à chaque situation et selon la variable avec laquelle est en interaction. Son attitude peut être une réponse du type binaire (accepte ou non) ou une réponse perplexe du type flou (oui, oui mais, non mais, non).
Exemple : un conducteur peut accepter une sanction en première intention et accepter la sanction en seconde intention une fois que la tentative de corruption a échoué. La variable conducteur évolue positivement si le conducteur accepte les sanctions et adhère aux règles de la circulation routière, et lorsqu'il est réceptif aux campagnes d'éducation et de sensibilisation sur la prévention des accidents de la circulation routière et négativement dans le cas contraire. Cette variable interagit avec toutes les variables du système.
L'Etat de droit
Cette variable est capitale dans l'équilibre de tout le système. En effet, l'article 279 du décret 04-38 attribue à la commission désignée par le wali le droit de suspendre, d'annuler et de retirer définitivement le permis de conduire. Là, il s'agit d'une gestion technique des sanctions, des aspects juridiques peuvent échapper à ces commissions, en l'occurrence les jugements de forme dans le constat des infractions ou les procès-verbaux (beaucoup d'affaires en justice se sont prononcées en défaveur rien que dans leurs formes). Dans un Etat de droit, toute action tendant à restreindre la liberté de circulation d'un conducteur (temporairement ou définitivement) doit être prononcée par un magistrat, qui a la compétence juridique en la matière. Le variable Etat de droit évolue positivement pour l'équilibre du système, si les décisions sont prises en conformité avec les textes de référence en respectant l'ordre hiérarchique : Constitution, traités internationaux, lois, décrets et arrêtés...
Dans le cas où les conducteurs se sentiraient lésés dans leurs droits, alors cela se répercute sur leurs devoirs par une négligence de l'observation des règles de la circulation routière, et leurs contributions au travail, etc. Et en conséquence, on verra une augmentation sensible du nombre d'accidents.
L'Etat de droit doit être renforcé institutionnellement par la mise en place de tribunaux spécifiques à la circulation routière.
La corruption
Cette variable est très dynamique, elle possède deux fonctions : l'accumulation et l'action.
Elle peut avoir une croissance spectaculaire dans les cas où les conditions de constatation des infractions sont obscures et aussi lors de prise de décision des sanctions à l'encontre des conducteurs, si celles-ci ne sont pas transparentes. Donner le droit de retrait immédiat du permis à un agent verbalisateur sur tout type d'infraction peut créer des situations qui favorisent un climat de corruption. Il y aura toujours des conducteurs qui tenteront par tous les moyens de récupérer leur permis (ce qu'on appelle de la corruption active), soit en négociant immédiatement avec l'agent ou en utilisant leur réseau de relations afin d'intervenir au niveau local ou au niveau supérieur (influence sur des éléments qui composent la commission de suspension de permis).
La corruption a des effets néfastes à l'économie et aussi un effet d'augmentation du nombre d'accidents vu que les infractions ne sont pas assorties de sanctions.
L'environnement international
Nous sommes dans un monde de mobilité permanente, où un mouvement de population et d'échange existe entre tous les pays, et en particulier avec les pays riverains.
Il y a des conducteurs étrangers qui viennent en Algérie et circulent sur le territoire national. Leurs permis sont étrangers, et connaissent logiquement les règles de circulation de leurs pays. Les règles de circulation peuvent être universelles, mais les sanctions liées aux fautes commises, ne sont pas nécessairement identiques.
Nous allons voir le cas d'un Franco-Algérien exerçant le métier de conducteur de transport en commun dans une entreprise suburbaine de la région parisienne, profitant de son congé de récupération, et d'une offre de billet promotionnelle de la compagnie Air France, venant faire une visite à sa famille de Ben Aknoun, à sa chance un soleil printanier lui agrémente le séjour, et voir à la fin du séjour ses batteries bien chargées. Le jour du retour, il demandait à son frère de prendre le volant du véhicule pour se rendre à l'aéroport en estimant à 40 mn maximum pour y arriver et c'est aussi le temps restant à la clôture de l'enregistrement du vol.
Sortant de son domicile de Ben Aknoun, la circulation était relativement fluide, arrivait à l'autoroute de l'aéroport, la circulation devenait lente, et avançait aux alentours de Gué-de-Constantine, la circulation est devenue très lente, remarquait qu'il lui restait que 20 mn pour arriver à l'aéroport et voyait des automobilistes emprunter la voie d'arrêt d'urgence, et les rejoignait, en fonçant dans cette bande, certains conducteurs par prudence quittaient cette bande, lui resterait jusqu'à la brettelle d'El-Harrach, là il y avait quatre éléments de la police motorisée qui arrêtaient les conducteurs de cette bande, en l'arrêtant par un des gardes, lui demandait les papiers, et lui affirmait qu'il est en infraction et la réglementation prévoit le retrait de permis immédiat. Le conducteur plaidait qu'il était en situation d'urgence, que son vol va se clôturer dans 15 minutes et doit reprendre impérativement son travail demain. Le policier lui répondait qu'il ne peut rien faire pour lui, allez voir le commissaire et lui dressa le procès-verbal de retrait de permis et une amende. Arrivé à l'aéroport, l'enregistrement du vol était fermé depuis vingt minutes. Le conducteur complètement désespéré et choqué, revenait à Ben Aknoun. Le lendemain, à la première heure il informait son employeur de son absence, et était obligé de mentir, comme c'était sa mère tombait subitement malade et s'est engagé à reprendre le travail le jour suivant. Pendant toute la journée, il a utilisé tous les moyens pour récupérer son permis sans succès, celui-ci est transféré à la daïra et finalement n'a pu le récupérer que dans un mois auprès de la commission. Son employeur le licencie pour faute professionnelle ; en rentrant en France, il s'est inscrit comme demandeur d'emploi, et n'a pas droit aux indemnités de chômage, car son licenciement et non économique, donc il a droit uniquement à la RSA (revenu de solidarité active) que l'Etat français lui verse du Fonds social des allocations familiales. Cette situation a mis le conducteur dans un état de dépression, prenait un traitement médical et en plus il suivait des séances de psychothérapie.
On déduit de cet exemple, que la variable de décision “code de la route" affecte négativement l'état du conducteur, en le mettant dans une situation d'inactivité et de maladie et influe l'économie d'un pays étranger (la France), en diminuant sa finance publique, par le débit du Fonds de la sécurité sociale.
Conclusion
Il y a d'autres variables que je ne peux décrire dans cet exposé, vu la longueur du texte, je reviendrai plus tard dans une autre partie consacrée au système de prévention des accidents dans laquelle je discuterai des effets de l'autre variable d'influence internationale : la résolution de l'Assemblée générale des Nations unies adoptée en mars 2010 (résolution n°A/RES/64/255 proclamant le plan mondial 2011-2020, décennie d'action pour la sécurité routière) et des deux autres variables de décision :
— la variable : création, rénovation et entretien des infrastructures routières, signalisation et surveillance ;
— la variable programme de sensibilisation et d'éducation sur la sécurité et la prévention des accidents de la circulation routière.
Cette analyse scientifique qui a fait ses preuves dans de nombreux domaines, et particulièrement dans les modèles d'aide à la décision, me permet de conclure que le code actuel de la route algérien crée plus de problèmes que de solutions, il a des effets néfastes sur :
— le conducteur en développant le sentiment de frustration et de haine envers l'Etat ;
— l'économie en affectant d'une façon sensible la croissance ;
— la corruption de voir se développer d'une façon systématique ;
— l'économie et le social de certains pays proches.
Avec de tels effets, il y a nécessité d'abroger les dispositions du code de la route, relatives aux sanctions de retrait de permis liées aux infractions qui sont du domaine du contraventionnel. Ainsi voir se rapprocher des standards internationaux en matière de répression sur les infractions de la circulation routière.
M. G.
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