Finalement, à regarder de près la cacophonie dans la communication sur la santé du président Bouteflika depuis son hospitalisation, on commence à regretter qu'on ait eu la main lourde contre le pauvre Cheb Mami, en 2005, qui avait fait office de porte-parole autoproclamé.“Bouteflika va bien." “Bouteflika va mieux." Depuis une quinzaine de jours, ce refrain est repris en chœur par des personnalités aussi diverses que divergentes, en allant des confidences d'Amar Ghoul à Louisa Hanoune, en passant par le Premier ministre, Abdelmalek Sellal. Hier, c'est le conseiller à la Présidence, Kamel Rezzag Bara, qui est allé de son couplet, entre le paiement des rançons et l'affaire Tiguentourine, en indiquant : “À ma connaissance, il va bien et inch'Allah, il reviendra très bientôt parmi nous en bonne forme." Les médias nationaux, qui n'ont eu de cesse de dénoncer les black-out médicaux et la gestion hasardeuse de la communication sur la maladie du Président, n'ont pas à se plaindre. Beaucoup de personnes, qui se prétendent proches du cercle présidentiel, avancent des prédictions et tentent de rassurer l'opinion algérienne sur l'état réel du président de la République. Mais cette communication en vrac semble avoir l'effet inverse sur le moral des Algériens. Plus les signaux rassurants sont émis, plus les Algériens angoissent. Par un étrange effet de vases communicants, les nouvelles données, ici et là, amplifient davantage les interrogations et le bon sens populaire répond à cette communication improvisée par une question simple : “Si le Président va mieux, qu'on nous le montre." Car, en 2013, l'image est reine. Les communiqués et les spéculations des responsables politiques n'ont aucun écho en l'absence d'images montrant le président Bouteflika. Car à la différence de la gestion de 2005, le secret est encore plus gardé que d'habitude et alimente la machine à rumeurs. La dernière en date est que le président Bouteflika est discrètement rentré à Alger, qu'il se repose à sa résidence de Zéralda et qu'il fera une apparition surprise le 19 Mai, à l'occasion de la Journée de l'étudiant. Reste que ce genre de rumeurs a fait son effet — et même un mauvais — quand les Spin Doctors du président ont cru bon de distiller des informations contradictoires à la veille de la finale de la Coupe d'Algérie. Certains ont même parié que le Président étant trop faible pour assister au match USMA-MCA, mais qu'il allait faire la surprise aux Algériens de venir remettre la coupe aux vainqueurs. On connaît déjà les conséquences désastreuses de cette communication de coulisses qui, aux dernières nouvelles, a fait des victimes collatérales : la décapitation totale de la direction et du staff du MCA qui semblent y avoir cru plus que les autres au point de narguer la République. La réalité est que très peu de personnes connaissent réellement l'état de santé du président Bouteflika. Certes, le Premier ministre a fait son travail en descendant à Laghouat pour transmettre un message. Pas celui que le Président va bien (car il ne peut pas dire l'inverse, même si c'était vrai), mais que la République est pérenne et le gouvernement est au travail. Ce qui est en soi un signal rassurant, surtout à l'adresse de la communauté internationale qui, à travers ses ambassades à Alger, qui ont toutes des cellules de crise pour suivre la situation médicale du président algérien. Le problème est que mis à part le fait que le pouvoir politique a communiqué d'emblée sur l'état du Président car il n'avait pas le choix (la finale arrivait 72 heures après l'attaque qu'a subie le président Bouteflika), la Présidence ne semble pas avoir de plan “B". Que dire ? Qui doit dire ? Quels sont les risques si des images sont diffusées ? Autant de questions qui n'ont pas été réglées en amont et qui seraient difficiles à régler en cours de route. La meilleure illustration de l'absence de plan “B" est l'atomisation en plein vol du professeur Bougharbal. Ce dernier, après avoir pratiqué le diagnostic à distance, s'est fait vertement critiqué par ses collègues médecins spécialistes, qui lui reprochaient aussi bien ces affirmations depuis Alger que le fait qu'il a égratigné les compétences algériennes car il était en faveur de l'évacuation. Reste que personne à la Présidence n'a eu la présence d'esprit d'inviter le professeur Bougharbal, dans le Falcon du président Bouteflika, afin qu'il continue de tenir des briefings médicaux à la presse sur le palier du Val-de-Grâce. Cela aurait été certainement plus crédible et plus classe. Une chose est sûre, donc, est que le président Bouteflika va réapparaître. Maintenant personne ne sait dans quel état et si les images qui vont être auscultées à la loupe ne vont pas le desservir plutôt que le servir. L'enjeu de la communication précède l'enjeu politique car la santé du Président a cessé depuis le 27 avril dernier d'être un sujet strictement médical. M B Nom Adresse email