Hier, les responsables de la communication du gouvernement ont interdit l'impression de deux journaux. Pour la seconde fois, depuis l'instauration de l'imprimatur (1993-1997), des journaux ne sont pas imprimés du fait d'informations qu'ils contiennent. Censure ou autocensure, l'incident révèle que l'imprimerie est investie d'une mission non déclarée de vigilance envers le contenu des journaux. Voilà une révélation qui ramène l'état de la liberté de presse à de plus justes proportions. L'événement reflète un état de crise de communication officielle. En décembre 2005, lors de la première hospitalisation de Bouteflika au Val-de-Grâce, le pouvoir a eu à tester la formule du black-out et a pu alors vérifier qu'il n'y avait plus, dans le monde d'aujourd'hui, de territoire de communication totale. L'information ayant fini par se propager par elle-même, les autorités ont dû se résoudre à concéder quelque générique information sur l'état de santé du Président, suite à une maladie vaguement décrite. Puis, les absences médiatiques du chef d'Etat, parfois prolongées, ont suscité de récurrentes interrogations toujours restées sans réactions officielles. Hormis quelques réflexes de réprimandes, comme si les questions des journalistes procédaient d'un malsain voyeurisme, et non d'un devoir d'information sur la situation du premier responsable de l'Etat. En tout état de cause, depuis huit années que le débat s'impose autour de la question politique de la communication sur la santé du président de la République, le pouvoir n'est pas parvenu à se faire une doctrine. Comme en tout, il improvise. Il oscille entre la culture du secret, héritée de sa généalogie putschiste, et la contrainte d'un minimum de transparence, que lui impose son apparat démocratique. Cette fois-ci, et probablement dans le souci de ne pas renouveler les maladresses passées, le pouvoir a voulu anticiper la pression médiatique en prenant l'initiative de la communication relative au malaise de Bouteflika et ses suites médicales. Il a surtout voulu rassurer quant à sa “très prochaine" disponibilité pour la prise en charge de ses responsabilités. Il a donc fallu que l'incident soit présenté comme sans conséquence sur le fonctionnement institutionnel et, de ce fait, sans impact politique. Mais voilà, l'hospitalisation du chef de l'Etat semble durer plus longtemps que ne le laissait entendre le discours rassurant du début... Et ce discours se fait de plus en plus espacé et de moins en moins explicite. C'est la communication officielle qui commence à être prise en défaut. Et quand certains médias commencent à se chercher des sources occultes d'information, le pouvoir n'a d'autre ressource que celle de recourir à ce qu'il sait le mieux faire en la matière : la censure et la répression. Les plus forts moments de la répression de la liberté de la presse ont toujours coïncidé avec les périodes où le pouvoir était désemparé en ce que le droit à l'information contrariait les représentations qu'il voulait donner de lui-même : en 1993-1997, quand il voulut minimiser l'ampleur de l'offensive terroriste, et en 2003-2004, quand il voulut présenter Bouteflika comme le toujours “candidat du consensus". Il semble bien que le pouvoir vive un autre moment de détresse communicationnelle. M. H. [email protected] Nom Adresse email