À la veille de la saison estivale et du mois de Ramadhan, le ministre s'est voulu, hier, très rassurant en matière d'alimentation en eau potable. Exceptionnellement, le Forum hebdomadaire de Liberté a été avancé d'une journée pour permettre à son invité, le ministre des Ressources en eau, Hocine Necib, d'accompagner aujourd'hui la délégation conduite par le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, qui doit se rendre en visite de travail dans la wilaya de Souk-Ahras. Interrogé précisément sur cette visite dans la wilaya du nord-est du pays, le ministre a révélé l'inspection de deux projets concernant le secteur de l'hydraulique, à savoir les travaux de construction du barrage Oued-Djedra près de Taoura qui viennent d'être lancés par l'entreprise publique Cosider et celui du barrage d'Ouldjet Mellegue. Cette dernière infrastructure vise à alimenter notamment un complexe d'engrais phosphatés, un projet industriel stratégique. Sur un autre plan, il est question aussi de renforcer l'alimentation en eau potable (AEP) à partir du barrage d'Aïn Dalia, et ce, par une rénovation d'une conduite d'une longueur de 70 km desservant la wilaya de Tébessa : "Il s'agit de gagner 20 000 litres/jour afin de soulager quelque 200 000 habitants de l'axe Tébessa/Souk-Ahras." Le ministre révélera que plusieurs wilayas limitrophes, notamment celles des Aurès, font l'objet actuellement d'une attention soutenue de la part des pouvoirs publics car cette région n'a pas été suffisamment "arrosée" et où plane désormais le "spectre de la sécheresse". "La ressource est rare et inégalement répartie du fait de la nature" Dans son intervention, le ministre a présenté la situation hydrique du pays : "L'Algérie est réputée pour être un pays semi-aride et donc à stress hydrique. La Banque mondiale fixe le seuil de pauvreté en eau à 1 000 m3 par habitant/an alors que l'Algérie n'en est qu'à 600 m3." L'invité de Liberté précisera, en outre, que la ressource est non seulement "rare" mais aussi "inégalement répartie au niveau du territoire du fait de la nature". D'où la nécessité d'un choix des projets qui visent un meilleur équilibre régional et un aménagement harmonieux du territoire national. C'est ce souci de "réconciliation nationale" qui vise notamment à permettre à tous les citoyens algériens de prendre part au développement du pays qui doit guider aujourd'hui les autorités nationales. Le ministre a même avancé, à ce sujet, la nécessité d'un "rattrapage". Ceci dit, l'optimisme du ministre est loin d'être entamé : "Grâce au programme d'investissement intense et jamais égalé, l'Algérie est aujourd'hui citée en exemple dans les forums internationaux." Avec 88% pour l'accès à l'eau et 75% en matière d'assainissement, l'Algérie a atteint, selon lui, les objectifs du Millénaire. Le schéma national hydraulique s'est traduit notamment, d'après lui, par la mise en service du barrage de Béni Haroun qui alimente 5 wilayas de l'Est et irrigue quelque 40 000 hectares, le transfert entre Aïn Salah et Tamanrasset sur plus de 700 km, le MAO (Mostaganem-Arzew-Oran), les hautes plaines sétifiennes, le barrage de Koudiet Acerdoune qui alimente aujourd'hui 4 wilayas du centre. S'agissant de la disponibilité réelle de la ressource, le ministre a décliné, là aussi, quelques chiffres. Ainsi, les eaux superficielles contenues dans les 70 barrages et autres retenues collinaires représentent environ 17 milliards de mètres cube (m3). Le captage des eaux de pluie et de ruissellement est évalué à 5,5 milliards de m3/an. L'Algérie n'exploite que la moitié de son quota Quant aux nappes souterraines, celles-ci sont estimées à 2,5 milliards de m3 au niveau du Nord. Quant au Sud, l'Algérie dispose du Système aquifère du Sahara septentrional (Sass) ou la fameuse nappe fossile que se partagent l'Algérie, la Tunisie et la Libye et qui renferme, selon le ministre, des réserves d'eau considérables, soit 40 000 milliards de m3. Il révélera à ce sujet l'existence d'un cadre de concertation pour une exploitation optimale de cette ressource et une gestion transfrontalière selon un modèle mathématique qui fixe pour chacun des trois pays voisins un quota défini au prorata de l'étendue de cette eau dans son territoire respectif. À ce titre, l'Algérie se taille la part du lion avec 2/3 de cette nappe sous son sol et avec un quota de 5 milliards de m3. Le ministre révélera néanmoins que l'Algérie n'exploite en réalité que la moitié de son quota, soit seulement 2,5 milliards. Il convient de préciser, toutefois, que cette poche d'eau formée durant de longues ères géologiques n'est pas "renouvelable". Quoi que certaines études tendent à démontrer aujourd'hui le contraire. Cela étant, dans l'imaginaire collectif, au Sahara, une immense étendue désertique, il n'y a pas d'eau alors qu'il y a là-bas, dit-on, l'équivalent de la mer méditerranée. Au plan conjoncturel, le ministre a exclu toute possibilité de pénurie : "La disponibilité de la ressource a atteint un niveau historique en 2013 grâce notamment au taux de remplissage moyen de 84% des barrages." Interrogé, par ailleurs, sur la disponibilité de l'eau potable, une question qui se pose avec beaucoup plus d'acuité durant la période du Ramadhan qui coïncide cette année avec la saison estivale, le ministre s'est voulu très rassurant en évoquant en particulier les dispositions prises. Il assure, d'ores et déjà, que la situation est bien prise en main : "Nous avons mis des piquets d'alerte afin d'intervenir très vite. Il est même prévu au pire des cas un système de citernage pour renforcer la distribution." Outre la mise à niveau du matériel, une meilleure gestion des stocks, la mise en place de centres d'appel et un système de permanence pour le personnel, Hocine Necib promet une "forte vigilance qui sera affichée et maintenue durant toute cette période". Une coupure du courant électrique d'une heure engendre une coupure d'eau de 8 à 10h S'agissant des aléas qui ne sont pas de son ressort, le ministre soulèvera la question des "délestages" : "On ne peut pas assurer une bonne distribution de l'eau sans une bonne alimentation électrique." Il faut savoir, en effet, qu'une coupure de courant électrique d'une heure peut engendrer une coupure d'eau de 8 à 10h. Même si l'électricité est rétablie, le système de pompage nécessite tout ce temps pour se reconstituer. Il annoncera qu'un "effort exceptionnel" a été fourni par Sonelgaz qui a, selon lui, engagé de gros investissements afin d'éviter de telles déconvenues. "Avec mon collègue de l'Energie et des mines, Youcef Yousfi, nous avons mené une fructueuse collaboration afin d'éviter au maximum cet été les perturbations. Nous avons pris un train de mesures. Nous avons mis le paquet, non seulement en matière de réparations mais aussi en termes d'achèvement de projets dont certains seront réceptionnés avant le Ramadhan", souligne-t-il. Le ministre reconnaît, toutefois, qu'il subsiste encore des "points noirs ou des zones de fortes tensions". Si ce "secteur stratégique", au rôle-moteur dans le processus du développement économique et social du pays, a connu une mobilisation sans précédent en ressources en eau grâce notamment aux barrages, aux transferts, à l'adduction et à l'avènement du dessalement de l'eau de mer, il reste, d'après lui, à gagner "la bataille de la gestion et de la préservation de la ressource", un domaine où la marge de progression, avoue-t-il, reste encore très importante. S'agissant en particulier des déperditions, les récurrentes fuites d'eau, mesurées par l'indice linéaire de perte, celles-ci, de l'aveu même du ministre, restent très importantes. "Il ne faut pas se voiler la face, nous avons fait un diagnostic national. Sur 800 communes englobant quelque 20 millions d'habitants, l'Algérie perd 45 m3 par kilomètre alors que la norme internationale oscille entre 10 et 30 m3." Revenant enfin sur l'expérience de la gestion déléguée à des entreprises étrangères motivée, selon lui, par "une activité sensible et complexe", le ministre estime que le recours à l'expertise internationale qu'il qualifie de "solution efficace et radicale" est incontournable tant celle-ci participe à une démarche de "professionnalisation des services publics". Il reste, toutefois, à choisir le bon partenaire. Car si l'on prend l'exemple de l'entreprise allemande retenue pour la région d'Annaba dont le contrat vient d'être résilié, il ne s'agit, ni plus ni moins, que d'un échec. M C L Bio express Né le 2 octobre 1956 à Boghni, dans la wilaya de Tizi Ouzou, Hocine Necib est un ingénieur des travaux publics qui a complété sa formation par un passage par l'école des Ponts et Chaussées de Paris. Après avoir occupé différentes fonctions dans le secteur notamment jusqu'au poste de secrétaire général du ministère des Travaux publics, Hocine Necib fait son entrée dans le gouvernement Sellal en septembre 2012 en qualité de ministre des Ressources en eau. Nom Adresse email