C'est avant-hier soir, au théâtre régional Kateb-Yacine de Tizi Ouzou, qu'a été présentée cette œuvre tirée du livre de l'écrivain Mouloud Feraoun. Après une première adaptation sur scène en arabe par Mohamed Zamèche et mise en scène par Hamma Meliani, c'était au tour de Omar Fetmouche, dramaturge et directeur du théâtre régional de Béjaïa, de revenir sur le sujet avec une adaptation en tamazight. C'était en présence d'un public nombreux, mais aussi des héritiers de l'illustre écrivain Mouloud Feraoun, son fils aîné Ali Feraoun et ses deux filles Jedjiga et Fazia, des membres de la famille du chahid Ali Hamoutène, et de la sœur de Lounès Matoub, Malika Matoub, du P/APW de Tizi Ouzou, Hocine Haroun, et de nombreux invités que le coup de starter de la pièce a été donné. La tragédie raconte l'histoire amoureuse de Chabha, femme de Slimane, et de Amer, son amant, dont la relation dangereuse finira dans le sang. Amer revenait de l'exil avec la belle Marie, fille de Rabah, décédé dans les bras de Amer dans une mine de la métropole. Amer rentre au pays avec un lourd reproche, celui d'avoir enterré son cousin Rabah en exil, ce que Slimane jure de venger. Entre le drame de la stérilité de Chabha et le désarroi de Marie la Française, Ighil Nezman vivra la tragédie la plus terrible de son histoire avec la mort tragique de Amer et de Slimane. Les quatorze comédiens et les cinq choristes feront leur entrée sous une atmosphère de brouhaha. Les dires annonçaient en fait l'arrivée de Amer avec la belle Marie. L'information fera vite le tour du village Ighil Nezman. Selon Omar Fetmouche, le metteur en scène, "j'ai travaillé sur la structure dramatique du roman que nous avons traduit en pièce de théâtre en français, puis en tamazight dont la traduction a été faite par Mohand Aït Ighil. Nous estimons qu'il faut rendre à César ce qui est à César". Le roman raconte une histoire qui se déroule en Grande Kabylie, à Ighil Nezman, donc il était "nécessaire de l'adapter dans la langue naturelle de cette région". Et de préciser : "Nous avons donné beaucoup plus d'importance au conflit entre Amer, Chabha et Slimane, mais aussi à la violence faite par Amer sur l'espace traditionnel de Kemouma, sa mère, car il débarque avec une vision occidentale pour agresser la quiétude de sa mère Kemouma qui va d'ailleurs lutter pour reconquérir son espace". Le roman "La terre et le sang" avait déjà une trame dramaturgique et "nous avons essayé de respecter tout ce qui a été écrit par l'auteur". Toutefois, il est à se demander pourquoi Omar Fetmouche a complètement "zappé" certaines spécificités qui caractérisent les villageois de la Kabylie profonde et donc les habitants d'Ighil Nezman, comme l'habillement traditionnel propre à la société kabyle tant chez les femmes que chez les hommes. De plus la musique vire souvent vers le style aïssawa, un ton musical mystico-religieux qui n'est pas propre à la Kabylie ancestrale. Dans l'un des tableaux de la pièce, les comédiens avaient même exécuté une danse en transe. Les habitants d'Ighil Nezman étaient en transe ! Un décalage très remarqué par les nombreuses personnes venues voir la version de "La terre et le sang en tamazight". En effet, contrairement à la version arabe, où le décor était typiquement kabyle, dans cette nouvelle version en tamazight, l'atmosphère typiquement kabyle était quelque peu absente, encore que le texte a été respecté dans son ensemble. Toujours est-il qu'en fin de spectacle, le public a réservé une belle ovation aux jeunes comédiens du Théâtre régional Kateb-Yacine qui n'ont pas fini de nous surprendre. K. T Nom Adresse email