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AMAZIGH ET GRANDEUR DE L'ISLAM (II)
Publié dans Liberté le 21 - 11 - 2002

La semaine précédente, nous avons commencé à donner la réponse à la question : pourquoi l'islamisation et l'arabisation ont-elles réussi là où les deux autres religions monothéistes (le judaïsme et le christianisme) et les autres langues (punique, romaine, vandale, turque, française) ont échoué ?
L'islamisation et l'arabisation ont réussi parce que l'Islam a fait la grandeur des Amazighs et ceux-ci ont fait la grandeur de l'Islam.
Les musulmans venus d'Orient, avec l'aide de la population locale et ses dirigeants, qui ont très rapidement adopté cette religion, vont chasser le colonialisme byzantin et offrir aux dirigeants amazighs l'opportunité de participer à la grandeur de l'Islam.
Tariq Ibn Ziad, d'origine locale, va conduire les musulmans vers l'Andalousie, comme nous l'avons signalé. Hassan Ibn Naâman va confier le commandement d'une armée de 12 000 hommes au fils de la Kahina. C'est grâce aux musulmans berbères et à leurs dirigeants que l'Islam va s'implanter dans une bonne partie du sud de l'Europe, dans les Empires du Soudan et du Mali. Ce sont les Berbères qui vont s'installer en Egypte au Xe siècle.
Il y a eu, bien sûr, des soulèvements, des combats, mais ceux-ci n'étaient pas propres à la région. L'Arabie, avec Houroub Erridda, a connu des situations plus difficiles pour l'Islam naissant, dans la onzième année de l'Hégire, sous Abou Bakr, juste après la mort du Prophète.
L'insurrection des Bédouins était générale et la présence incontestée de l'Islam se limitait à Médine.
Ce fut alors la campagne et les expéditions de Khaled Ibn El Oualid (Houroub Erridda) contre les bédouins révoltés : Tolaïha l'imposteur, Selma fille de Mâlik, Foudjaa, Sadjah fille de Harith, Malik fils de Nowaïra, Moussaïlima l'imposteur, les rebelles de Bahrein, les rebelles d'Oman et de Mahra, les rebelles de Tihâma, les rebelles du Yémen et du Hadhramout.
Comme on peut le constater, La Kahina n'est pas la première à s'être soulevée et les soulèvements au Maghreb étaient moins importants que ceux d'Arabie. Les habitants dans notre région avaient de bien meilleures raisons que les bédouins d'Arabie pour adopter très rapidement l'Islam et le promouvoir ; ce qui fut fait ! Ils n'avaient que trop souffert de l'injustice coloniale des Romains, des Vandales et des Byzantins.
La langue arabe s'est imposée parce que c'était non seulement la langue de la Révélation mais aussi la langue du progrès et de la science (1) : “Au cosmopolitisme économique suit, comme il est naturel, celui de la culture : arabes et arabisés constituent désormais une inséparable unité linguistique, religieuse et culturelle et leur langue se modèle de manière à s'adapter à toute expression de la pensée” (...) “L'islamisation progressive s'accompagna, comme il est naturel, de l'arabisation qui, en quelques générations, annula toutes différences entre dominateurs et dominés.”
Et à Margarita Lopez Gomez (2) d'ajouter : “Après un demi-siècle d'établissement en Hispania, les Arabes et les Berbères, qui arrivèrent à la Péninsule en 711, amorcèrent un véritable empire politique et culturel à Cordoue sous le gouvernement de la dynastie Omèye qui avait fui Damas et qui s'était instaurée à Al-Andalus” (...) “L'Islam créa un syncrétisme et une fusion culturelle basés non seulement sur son idée d'universalité et sur le caractère tolérant de sa conception religieuse, mais aussi sur sa prodigieuse capacité d'assimilation et de créativité et sur la nature expérimentale de son caractère.” (…) “L'arabe est alors la langue du progrès tandis que le latin, réduit à cette époque à la langue culturelle de l'Occident européen, ne possède aucune valeur comparé à l'arabe.”
Notre région donna à la culture arabo-musulmane quelques-uns de ses plus grands savants : Ibn Rochd, Ibn Khaldoun, El-Idrissi, Ibn El-Haytam…
Pour la complétude de la présentation des différents points de vue sur la question traitée, il est utile de signaler que notre présentation est totalement opposée aux affirmations faites par certains auteurs français (3) : «Les Arabes n'avaient nul ménagement pour ces musulmans de la dernière heure, surtout pour les sauvages berbères». Sans commentaire !
La conclusion que l'on peut tirer de cet aperçu sur l'histoire du Maghreb central, c'est qu'il est difficile de déterminer une origine ethnique unique au peuple algérien. Au contraire, c'est la diversité ethnique qui domine. C'est plutôt un atout dans notre monde moderne.
Bien avant l'islamisation, l'Algérie a connu des situations de brassage de cultures et de langues, d'une part, et a aussi été un pays d'accueil et d'asile pour des peuples venus d'Orient, d'autre part.
L'islamisation et l'arabisation de l'Algérie se distinguent donc plus par un phénomène culturel et civilisationnel, c'est-à-dire de choix d'une civilisation, que par un phénomène ethnique, encore moins colonial. Sinon comment expliquer cette vigueur de la pénétration de l'islam, alors qu'à la périphérie de La Mecque et de Médine des populations chrétiennes ont subsisté : Coptes en Egypte, Maronites au Liban, chrétiens de Syrie et d'Irak ?
C'est la colonisation française qui, profitant de l'ambiance de désordre du début du XIXe siècle, va travailler à falsifier l'histoire et tenter d'opposer “l'arabe” et le “berbère” pour des considérations ethniques, dans le cadre de sa politique : “Diviser pour régner.” Si, aujourd'hui, le monde musulman et le monde arabe se trouvent à la traîne des autres peuples et des autres régions du monde, il faut en chercher l'explication dans les raisons de la décadence (el-inhitat), qui a commencé il y a un millénaire et qui a enregistré ses temps les plus sombres sous l'occupation coloniale et le protectorat au siècle dernier.
À jeudi prochain, pour une autre question. Entre-temps travaillons toutes et tous à élargir la base du dialogue sur l'avenir de l'Algérie.
A. B.
Notes :
1) Roberto Rubinacci : El Andalus et la Sicile : l'empire islamique du XIIe au XVe siècle ; Colloque sur la contribution de la civilisation islamique à la culture européenne, Paris, 25-30 mai 1991.
2) Margarita Lopez Gomez, au même colloque de Paris.
3) Charles André Julien : Histoire de l'Afrique du Nord. Des origines à 1830, édition Grande bibliothèque Payot, 1994, p. 362


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