Cinquante et un an après l'indépendance, la reconnaissance "effective" de l'identité berbère émerge de nouveau sur la scène nationale. Pour cette fois-ci, il ne s'agit pas d'un rappel innocent de la reconnaissance de la langue tamazight (berbère) [comme étant une langue officielle], encore moins un sincère plan national pour la généralisation de l'enseignement de cette langue maternelle (en net recul depuis 1999), mais plutôt la validation par le ministère de l'Intérieur d'une liste de 300 prénoms amazighs (selon la presse nationale). Un progrès tant espéré qui soulève cependant plusieurs interrogations sur l'origine de cet éveil tardif et prompt à la fois. Si nous nous rappelons bien la mésaventure de certains parents, qui se sont vu refuser par l'officier de l'état civil d'Oran l'inscription de leur nouveau-né sous un prénom amazigh (en l'occurrence Massilia). Un épisode qui rappelle suffisamment le désarroi et l'arbitraire vécus chaque année par d'autres familles, voulant elles aussi des prénoms berbères pour leur progéniture. Un embarras qui persiste depuis l'indépendance, d'où le recours cette fois-ci aux instances internationales, chargées de la protection et de la promotion des droits de l'homme (les rapporteurs spéciaux de l'ONU). Ceci pour faire valoir les droits les plus élémentaires au niveau national. Surtout que l'état algérien s'était engagé "de son plein gré" à respecter les conventions et traités internationaux ratifiés, notamment la convention internationale sur l'élimination de toutes formes de discriminations raciales (1). Cette dernière prévoit clairement dans son article 2 que "... Chaque état partie s'engage à ne se livrer à aucun acte ou pratique de discrimination raciale contre des personnes, groupes de personnes ou institutions, et à faire en sorte que toutes les autorités publiques et institutions publiques, nationales et locales, se conforment à cette obligation ; b) Chaque état partie s'engage à ne pas encourager, défendre ou appuyer la discrimination raciale pratiquée par une personne ou une organisation quelconque ; c) Chaque état partie doit prendre des mesures efficaces pour revoir les politiques gouvernementales nationales et locales et pour modifier, abroger ou annuler toute loi et toute disposition réglementaire ayant pour effet de créer la discrimination raciale ou de la perpétuer là où elle existe". Ce dernier paragraphe n'a d'ailleurs jamais suscité l'intérêt du gouvernement algérien pour réexaminer le décret n°81-26 du 7 mars 1981 (portant établissement d'un lexique national des prénoms). Cela s'applique également pour la convention internationale portant protection des droits de l'enfant (2), qui prévoit expressément dans son article 2 que "les états parties s'engagent à respecter les droits qui sont énoncés dans la présente convention et à les garantir à tout enfant relevant de leur juridiction, sans distinction aucune, indépendamment de toute considération de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou autre de l'enfant ou de ses parents ou représentants légaux, de leur origine nationale, ethnique ou sociale, de leur situation de fortune, de leur incapacité, de leur naissance ou de toute autre situation". Selon l'article 7 de la Convention, l'enfant doit être enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci le droit à un nom. En plus, l'article 8 de la Convention établit : "Les états parties s'engagent à respecter le droit de l'enfant de préserver son identité, y compris sa nationalité, son nom et ses relations familiales, tels qu'ils sont reconnus par la loi, sans ingérence illégale. 2. Si un enfant est illégalement privé des éléments constitutifs de son identité ou de certains d'entre eux, les états parties doivent lui accorder une assistance et une protection appropriées, pour que son identité soit rétablie aussi rapidement que possible." La nécessité de faire respecter le contenu de ces conventions devient "une obligation" en termes de droit. Le cas contraire, l'état contrevenant doit fournir auprès des instances internationales chargées de la protection et de la promotion des droits de l'homme des éclaircissements pour justifier [si c'est le cas] les violations commises par ses institutions. En vue de se soumettre aux recommandations rendues par lesdites instances. Ces procédures du gouvernement sont-elles une sincère volonté de faire avancer les choses, ou bien une mise scène auprès de la communauté et des instances internationales (qui veillent sur le respect des droits de l'homme) ? Un Etat en quête de soigner son image, ternie souvent par les violations systématiques des droits de l'homme. D'où la candidature de l'Algérie au sein du Conseil des droits de l'homme des Nations unies, devient une chasse pénible pour le pouvoir en place(3). Loin de toute polémique, la liste de 300 prénoms amazighs validée par le ministère de l'Intérieur, pose de facto une certaine excentricité. D'abord, rappelons-nous l'information fournie par le gouvernement algérien auprès du comité pour l'élimination de la discrimination raciale (CERD) de l'ONU, lors de l'examen périodique universel, au sujet de la révision de la liste des prénoms amazighs. Le gouvernement algérien a fait savoir l'existence de 500 prénoms amazighs, à y inclure(4), alors que le chiffre proposé par le HCA (Haut-commissariat de l'amazighité), est de l'ordre de 1000. Sur quelle base ont été éliminés les 700 autres et pour quelle raison ? Et pour cause les prénoms berbères répondus dans les Aurès, voire en Kabylie, ne sont pas forcément les mêmes chez les Mozabites ou chez les Chleuhs, encore moins, chez les Touaregs ! Réduire une culture millénaire de 100 000 ans (5), aussi riche et variée, que celle de l'Algérie, rend cette avancée imparfaite, voire liberticide. De même, priver les parents de quelque 700 prénoms amazighs proposés, c'est nier une partie de l'histoire nationale, déjà suffisamment marginalisée dans le système éducatif. Pis encore, quelle réponse donnerons-nous aux parents optant pour un prénom berbère, figurant sur la liste des 700 éliminés. Dorénavant, les officiers de l'état civil ne prendront en considération que la liste exclusive des 300 prénoms amazighs, arrêtée par le ministère de l'Intérieur (150 prénoms pour chacun des deux sexes). Au même moment le décret n°81-26 portant établissement d'un lexique national des prénoms, n'a quant à lui jamais posé un tel problème - lorsqu'il s'agit d'un prénom arabe -(parfois même sans signification)qui ne figure pas sur ledit décret, mieux encore, des prénoms occidentaux tel que Sofia, Camélia, Sandra etc. D'où le principe de l'égalité prévu par l'article 29 de la Constitution algérienne, qui stipule que "les citoyens sont égaux devant la loi, sans que puisse prévaloir aucune discrimination pour cause de race ou toutes autres conditions ou circonstances personnelles ou sociales", devient fondamental. S'ajoute à cela, une autre problématique sur la constitutionalité du décret n°81-26,un décret dépassé par le temps et qui demeure au regard du droit constitutionnel "un texte anticonstitutionnel". Entendu qu'il ne reconnaît qu'une seule dimension à l'identité algérienne,celle de l'arabo-musulmane. Alors que le préambule de la Constitution actuelle reconnaît expressément l'identité berbère, comme étant une composante fondamentale de l'identité algérienne, aux côté de l'arabité et de l'Islam, ce qui rend leditdécret en contradiction avérée avec ledit préambule. La validation du ministère de l'Intérieur d'une liste de 300 prénoms amazighs "uniquement", laisse penser que les réformes en Algérie de 2013, obéissent toujours à un seul ordre : celui de la pensée du parti unique.(C'est une réticence voir même une peur injustifiée de se reconnaître soi-même). Des acquis qui s'arrachent péniblement au compte-gouttes, alors que la solution aurait été plus simple qu'un amendement de l'article 64 de l'ordonnance n° 70-20 relative au code de l'état civil, par l'octroi pur et simple du droit aux parents d'inscrire leurs nouveau-nés sous un prénom "amazigh ou arabe" de leur choix,sans restriction ou limitation quelconque. Note : (1)Signature le 9 décembre 1966 / Ratification (sans réserves) le 14 février 1972. (2)Signature le 26 janvier 1990 / Ratification le 16 avril 1993. (3) Voir le rapport annuel de l'ONG UNW et le CFDA sur la situation des droits de l'homme en Algérie. (4) Voir les observations finales du 1er mars 2013 (CERD/C/DZA/CO/15-19). (5) « L'Algérie des origines », de Gilbert Meynier, page 22. Un embarras qui persiste depuis l'indépendance, d'où le recours cette fois-ci aux instances internationales, chargées de la protection et de la promotion des droits de l'homme (les rapporteurs spéciaux de l'ONU). Ceci pour faire valoir les droits les plus élémentaires au niveau national. Surtout que l'état algérien s'était engagé "de son plein gré" à respecter les conventions et traités internationaux ratifiés, notamment la convention internationale sur l'élimination de toutes formes de discriminations raciales (1). Cette dernière prévoit clairement dans son article 2 que "... Chaque état partie s'engage à ne se livrer à aucun acte ou pratique de discrimination raciale contre des personnes, groupes de personnes ou institutions, et à faire en sorte que toutes les autorités publiques et institutions publiques, nationales et locales, se conforment à cette obligation Kouceila Zerguine Nom Adresse email