Dans cet entretien, le ministre revient sur les changements qui seront introduits à compter de cette rentrée, comme l'introduction des travaux dirigés, du dialogue avec le partenaire social, du départ à la retraite des anciens cadres ainsi que les mesures prises pour éviter d'autres scandales dans l'examen du bac. Liberté : Comment se présente la rentrée scolaire 2013-2014 ? Peut-on revenir sur les nouvelles mesures applicables immédiatement ? Abdelatif Baba Ahmed : Les opérations de préparation de la rentrée scolaire 2013-2014 ont commencé dès le début de l'année scolaire 2012-2013. Plusieurs obstacles ont été surmontés. Le gouvernement a dégagé les moyens qu'il faut pour faire face aux augmentations des effectifs des élèves et améliorer les conditions de scolarité de nos enfants. Nous accueillerons cette année plus de 8 470 000 d'élèves avec une augmentation de près de 3,95% par rapport à l'année dernière. Plusieurs infrastructures ont été réceptionnées (254 écoles primaires, 99 CEM, 109 lycées, 267 cantines, 167 demi-pensions, 13 internats). L'encadrement a été conforté avec 12 500 nouveaux postes budgétaires. De même, le secteur de l'éducation a mis en place une batterie de mesures d'ordre pédagogique et organisationnel applicables dans tous les cycles. Parmi les dispositions prises, nous avons annoncé celles relatives à la réorganisation de l'horaire hebdomadaire, à l'allègement du cartable pour les élèves du primaire, l'introduction de travaux dirigés dans l'enseignement moyen, l'introduction de la langue italienne dans l'enseignement secondaire et un dispositif pour la promotion de la lecture et de la guidance en milieu scolaire. L'introduction des travaux dirigés est une initiative saluée par la famille de l'éducation mais ne risque-t-elle pas d'être freinée par le manque de salles dans des établissements scolaires, d'autant que ces TD se feront en groupes d'élèves ? L'introduction des travaux dirigés dans la nouvelle organisation du temps scolaire dans le cycle moyen vise une plus grande efficacité dans la prise en charge des innovations pédagogiques introduites dans les programmes d'enseignement et facilite la mise en œuvre de la pédagogie différenciée permettant d'amener chaque élève au maximum de ses possibilités et de concrétiser par conséquent le principe de l'égalité des chances de réussite. Les TD sont des activités inscrites parmi d'autres dans les programmes officiels et qui impliquent davantage l'élève dans la construction de ses apprentissages ; elles nécessitent une guidance et un accompagnement plus soutenu des élèves lors du déroulement des activités. Les démarches d'enseignement préconisées recourent à des pédagogies dynamiques, interactives et participatives, centrées sur l'activité de l'apprenant et le développement de ses capacités de réflexion, d'analyse, de raisonnement, d'interprétation et de synthèse. Ces démarches permettent une plus grande proximité avec l'élève et une méthodologie adaptée, les amenant progressivement à l'autonomie dans l'apprentissage. Je tiens à préciser que la mise en place des TD, qui concernent l'arabe, le français, l'anglais et les mathématiques n'engendre pas de nouveaux besoins en salles de classe. Il s'agit en fait de rationnaliser et d'optimiser l'organisation pédagogique de l'établissement en fonction des nouvelles exigences et des locaux existants. Votre département prévoit des changements à long terme tels que la refonte radicale des programmes qui reste le véritable levier de la réforme du système éducatif. Comment et quand comptez-vous lancer ce grand chantier car on a l'impression que vous êtes réticent à remettre en cause l'héritage de votre prédécesseur ? Les programmes d'enseignement constituent en effet le levier fondamental du processus de transformation qualitative de l'enseignement et l'outil par excellence de gestion de la politique éducative. Les programmes actuels ont été mis en place à partir de 2003, date du lancement du processus de mise en œuvre de la réforme du système éducatif. Non immuables, ces programmes s'inscrivent, en réalité, dans le cadre d'un processus dynamique et continu comportant plusieurs phases, allant de la conception jusqu'à l'évaluation et la régulation à la lumière des résultats. Pour preuve, ces programmes ont fait l'objet à plusieurs reprises d'allégements et d'aménagements. Par conséquent, le chantier est permanent et toute modification doit passer par des phases de réflexion approfondie et d'expertise. La violence en milieu scolaire a atteint des proportions alarmantes. Violence contre les élèves, violence contre les professeurs, manque de sécurité autour des établissements scolaires. Comment comptez-vous y faire face ? Nous ne nions pas l'existence de cas de violence en milieu scolaire mais sans pour autant atteindre des proportions alarmantes. Pour mesurer l'ampleur de ce phénomène, le ministère de l'Education nationale a projeté d'établir un état des lieux exhaustif des cas de violence en milieu scolaire dans le but d'identifier les différentes facettes de ce phénomène et de diagnostiquer les causes qui en sont à l'origine. C'est à la lumière des résultats de cette enquête que sera définie une stratégie nationale de prévention et de lutte contre ce phénomène et que sera mis en œuvre un plan opérationnel en collaboration avec les services de sécurité qui intégrera les mesures déjà appliquées dans nos établissements scolaires. L'exécution de ce plan demandera l'organisation de campagnes d'information et de sensibilisation touchant tous les acteurs et partenaires de la communauté éducative, la mobilisation de tous et la collaboration d'autres secteurs et acteurs de la vie civile. La rentrée scolaire 2013-2014 coïncide avec votre 1re année à la tête du secteur de l'éducation. Quel bilan en faites-vous ? Certains cadres qui travaillaient avec l'ancien ministre vous accusent de faire de "la chasse aux sorcières"... Les systèmes éducatifs et leurs réformes à travers le monde sont l'œuvre collective des Etats et des sociétés entières. Les réformes ne sont pas des opérations conjoncturelles, voire personnelles. Celles-ci s'inscrivent dans le temps et se réalisent par la volonté et le dévouement des hommes. L'essentiel, chez nous comme ailleurs, c'est que chacun doit contribuer avec sincérité à cette édification, chère à notre patrie. Qu'en est-il aussi de l'application de l'instruction du Premier ministre relative à la mise en retraite d'office de toutes les personnes ayant atteint l'âge de la retraite ? L'instruction du Premier ministre est destinée à l'ensemble des secteurs. Elle rappelle les dispositions prévues par la loi. Sa mise en application est en voie d'exécution, et ce, conformément aux dispositions de la loi et aux orientations du Premier ministre. Des dérogations de prolongement de l'activité au-delà de 60 ans pourraient être accordées au personnel enseignant en cas de besoin La fin de l'année scolaire 2013 a été marquée par la triche au bac. Beaucoup d'observateurs considèrent que votre département à fait preuve de clémence à l'égard des fautifs (candidats, surveillants et chefs de centre). Que comptez-vous faire pour que ce genre de phénomène ne se reproduise plus jamais et pour préserver la crédibilité du baccalauréat ? Il faut rappeler que les conclusions annoncées sont les résultats des travaux d'une commission indépendante qui a étudié pendant près d'un mois les dossiers présentés par l'Office nationale des examens et concours (Onec). Les demandes de révision introduites par les candidats ont été étudiées au cas par cas. Les chefs de centre, les enseignants surveillants et les directeurs d'éducation ont été entendus. Les conclusions de ladite commission ont pris en considération tous les éléments du dossier, y compris les circonstances dans lesquelles s'est déroulée la fraude dans les 11 centres d'examen et surtout la préservation de la crédibilité du baccalauréat. De même, nous envisageons, à partir de cette rentrée scolaire, renforcer davantage le dispositif organisationnel relatif à l'organisation des examens officiels. Lors de la réunion des directeurs de l'éducation, le Premier ministre a tendu une perche aux partenaires syndicaux pour instaurer un dialogue. Ces derniers menacent de faire grève, quel est votre point de vue ? Les solutions aux problèmes sociaux ne peuvent être que l'aboutissement d'un dialogue sérieux, serein et responsable. Nos partenaires sociaux ont fait preuve de responsabilité. Ils ont la conscience des lois de la République et des enjeux exigeants de la réconciliation entre les intérêts professionnels et les besoins de la communauté. Il est à signaler que dès mon installation, j'ai tenu à ouvrir le dialogue avec l'ensemble des partenaires de la communauté éducative, notamment avec les syndicats agréés sans aucune exclusive. Tous les dossiers ayant fait l'objet de revendications ont été examinés dans le moindre détail. Le ministère de l'Education restera ouvert au dialogue et ne ménagera aucun effort dans la prise en charge des revendications relevant de ses compétences. Une série de rencontres avec l'ensemble des partenaires sociaux est en cours de préparation. Nous restons confiants en la sagesse de nos enseignants qui souvent ne demandent qu'à être écoutés pour apporter leurs contributions professionnelles. Nom Adresse email