Québec, Londres et Paris, trois regards et approches différents sur le port du voile islamiste. Le projet de "charte de la laïcité" proposé par le gouvernement au Québec n'a pas fait sensation. Ce texte dit des "valeurs québécoises", qui suggérait de protéger la laïcité de l'état en interdisant le port des signes religieux dans le secteur public ou employé d'un organisme parapublic (écoles, hôpitaux, garderies), particulièrement le voile islamiste, a suscité dès le départ de vives critiques par des personnalités politiques et des juristes, pour finalement se voir rejeté par l'opinion publique. Pour les contre, interdire à une infirmière ou à une puéricultrice de porter le hijab équivaut à "empiéter" sur une liberté fondamentale. Et ces critiques ont fusé également dans les provinces canadiennes voisines, comme l'Ontario, où leur Première ministre a rappelé "l'importance de préserver la diversité, qui est une force, une richesse". Un hôpital ontarien a même fait un pied de nez en lançant une campagne de recrutement d'étudiants du milieu médical avec une affiche montrant une femme portant le hijab. Mi-septembre, Montréal est envahi par des milliers de manifestants sous le slogan "touche pas à mon voile". Des musulmanes, des personnes d'autres confessions, des athées se sont rassemblés pour rejeter la "Charte de la honte" et crier que "Le Québec, ce n'est pas la France". Derrière l'initiative de cette manifestation, le Collectif québécois contre l'islamophobie qui a pris de la graine ces dernières semaines. En Grande-Bretagne, un mouvement identique a pris forme avec la comparution devant un tribunal d'une jeune femme entièrement voilée. L'accusée a ravivé le débat dans un pays "fier de sa tradition de tolérance", selon les médias de Londres et qui devrait "continuer à prévaloir sur la volonté de légiférer des plus radicaux". Tous les journaux britanniques revenaient en une mardi sur la décision considérée comme une première, prise la veille par un juge londonien, qui a autorisé une musulmane de 22 ans à se présenter au tribunal en niqab, mais avec l'obligation de se dévoiler au moment de témoigner à la barre. Témoin de la tradition très tolérante dont s'enorgueillissent les Britanniques, le Daily Telegraph, conservateur, a salué une "décision de bon sens". Seuls le tabloïd The Sun, le plus grand tirage qui se nourrit de sensationnel, et quelques rares députés ont appelé à légiférer sur le sujet, voire à imiter des pays comme la France ou la Belgique, où le voile intégral a été banni des espaces publics. Contrairement à la France, les principaux leaders de Grande-Bretagne refusent toute idée de légiférer et insistent sur la tradition "so british" en termes de liberté d'expression. "On est dans un pays libre, et ce ne serait pas très britannique de commencer à dire aux gens ce qu'ils doivent porter", a commenté le vice-Premier ministre Nick Clegg, qui "pense très fort qu'il ne faudrait pas imiter d'autres pays en émettant des décrets ou des lois". Le Premier ministre conservateur David Cameron a également écarté l'idée de demander au Parlement "ce que les gens doivent porter dans la rue". En France, c'est tout le contraire. Après la guerre contre le voile, le ministre de l'éducation Vincent Peillon dévoilait le jour de la rentrée scolaire sa charte de la laïcité, un "code de bonne conduite en quinze points qui sera désormais obligatoirement affiché dans les écoles, collèges et lycées publics". 15 commandements essentiellement destinés aux enfants musulmans pour qu'ils respectent à la lettre la République "au quotidien". La nouvelle offensive dite laïque par le gouvernement socialiste n'a pas véritablement ému les représentants de l'islam de France, mais inquiète sa communauté juive. D'ailleurs, cette inquiétude des juifs de France s'était déjà manifestée lors des polémiques et débats visant les musulmans autour du halal et de l'abattage rituel. Se sentant également concerné par la volonté du gouvernement français de s'en prendre à l'islam en limitant sa visibilité par l'interdiction du hijab, après les sikhs se disant victimes collatéraux de l'islamophobie en vigueur dans les lois de la France, le président du Consistoire juif Joël Mergui a exprimé dans les colonnes de Libération son inquiétude quant au fait que la communauté juive devienne également une victime collatérale de la charte Peillon. Un rappel qui n'a pas laissé indifférent Manuel Valls, ministre français de l'Intérieur et des Cultes. Belliqueux lorsqu'il s'agit du port du hijab, il s'est voulu rassurant en se rendant à la cérémonie du nouvel an juif (Roch Hachana) sur le terrain du futur Centre européen du judaïsme dans le XVIIe arrondissement de Paris. Un an auparavant, le ministre "sarkoziste" des socialistes avait indiqué que "les juifs pouvaient porter avec fierté leur kippa" ! Deux poids, deux mesures. D. B. Nom Adresse email