Il serait très naïf de supposer que la chute d'une dictature mène automatiquement à une démocratie. Pour ce cas, il existe de nombreux exemples, comme l'Iran, l'Iraq ou encore les résultats récents de ce qu'on appelle "Printemps arabe" : la tenue d'élections libres et la rédaction d'une Constitution ne représentent pas une garantie pour l'établissement d'un Etat de droit démocratique, surtout pas quand un groupe intéressé conçoit les élections et la Constitution comme passage à l'établissement d'un système théocratique qui, non seulement ne protège pas la dignité humaine et les droits et libertés individuelles, mais aussi les opprime brutalement de par sa définition. Pour que, dès le début, tout malentendu soit exclu : le régime en Syrie est, comme d'ailleurs dans tous les autres pays arabes de la région, un régime dictatorial qui prive ses citoyens de toute liberté individuelle et des droits démocratiques. Mais la guerre civile en Syrie est l'exemple de l'emballage trompeur qui fait semblant devant le monde démocratique et, en particulier, en Europe et en Occident, d'être un combat pour la libération d'un peuple du système dictatorial, alors qu'en réalité, il n'est rien d'autre qu'un changement de régime allant dans le sens des Etats-Unis, de la France et de l'Otan d'un côté, ou la création d'un Etat théocratique sunnite, selon la volonté de ceux qui soutiennent cette guerre et la financent, c'est-à-dire l'Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie, de l'autre. Conflit sociopolitique ou intérêts de pouvoir Le conflit en Syrie a commencé en mars 2011 dans une des régions les plus pauvres du pays, à savoir dans la ville de Daria où le peuple, encouragé par les révoltes dans le monde arabe et en raison de sa situation économique et sociale désastreuse, a manifesté contre la corruption dans le pays et contre le gouvernement du parti Baâth du président Al-Assad. Le gouvernement d'Al-Assad a répondu avec une rigueur disproportionnée et a opprimé par la violence policière des manifestations qui étaient pacifiques à l'origine. Il a fallu attendre la seconde moitié de l'année jusqu'à ce que les émeutes éclatent une seconde fois, cette fois-ci avec d'autres moyens et concepts : le nouvel objectif n'était plus la revendication de réformes, mais la chute du régime. Il est devenu clair que la révolte était désormais dirigée par la majorité sunnite du pays, dans le but de chasser les alaouites du pouvoir. Même les manifestations ont perdu leur caractère pacifique : désormais, il n'y a que des manifestants armés qui ont répondu à la violence policière par leurs armes. Dès ce moment-là, le conflit ne fut plus dirigé contre la situation socioéconomique de la population, mais plutôt par les intérêts de pouvoir concurrents de groupes ethniques et religieux. Les minorités ethniques et religieuses en Syrie La société syrienne est très variée aussi bien sur le plan ethnique que religieux : à côté des Arabes vivent des minorités ethniques comme les Kurdes, les Assyriens, les Turkmènes et les Palestiniens et, à côté d'une majorité de 70% de sunnites, coexistent les minorités religieuses puissantes et actives des chiites, alaouites, chrétiens, yézidis et druzes. Même un très petit nombre de juifs vit encore en Syrie, principalement à Damas, malgré l'émigration volontaire en Israël d'environ 1 000 personnes de cette confession au début des années 1990.On peut s'imaginer le potentiel de conflits qui peut résulter de cette diversité ethno-religieuse, si on ajoute les multiples combinaisons qui découlent du fait que, par exemple, les Kurdes sunnites ne se considèrent pas forcément parmi le groupe d'intérêts des autres sunnites, ou si l'on prend en considération les divisions profondes et même l'hostilité qui sépare les Arabes sunnites et chiites. Ces dernières années, la coexistence de ces minorités est restée à cet égard sans conflits majeurs, grâce à une politique très tolérante et absolument laïque du gouvernement, à l'exception de l'année 1982, lorsque le père d'Assad avait brutalement réprimé le soulèvement des Frères musulmans à Hama. Puisque la religion n'avait pas le droit d'exercer une grande influence sur la politique, même les petites communautés religieuses sont devenues libres d'exercer leurs rites. Les organisations politiques des rebelles Les rapports des médias occidentaux traitent d'une manière bien détaillée du conflit en Syrie, des atrocités réelles ou supposées — qui sont attribuées par ces rapports presque exclusivement au gouvernement — et parlent des rebelles comme s'ils étaient une unité, un front de jeunes Syriens, ouvriers, paysans, étudiants et des soldats désertés de l'armée qui luttent pour libérer leur patrie de la dictature. Cependant, il reste un certain nombre de questions ouvertes : qui sont ces "rebelles" ? De quelle manière sont-ils venus au combat ? Où ont-ils trouvé les armes et les munitions ? Le conflit armé dure depuis près de deux ans. Une guerre a besoin, en dehors des armes et des munitions, d'une logistique énorme en fourniture de nourriture, de vêtements, de chaussures, de médicaments, etc. Qui fournit tout cela et, surtout, qui paie pour cela ? Qui paie les salaires de ces hommes ?Dans le paysage politique, les organisations sont encore relativement claires : après les élections législatives du 7 mai 2012, passées sous silence par les médias occidentaux, neuf partis sont à présent représentés, pour la première fois, au Parlement syrien. Les partis d'opposition ont créé une alliance dont le nom est Front populaire pour le changement et la liberté, qui rejette, cependant, la violence, et qui n'appartient donc à aucune partie impliquée dans la guerre. En Occident, l'organisation la plus connue contre le gouvernement syrien est le Conseil national syrien (CNS). Il fut fondé en octobre 2011 à Istanbul et comprend principalement des Syriens en exil qui se sont fixé l'objectif d'unir l'opposition syrienne. Lors de sa fondation, le CNS a déclaré qu'il est contre une intervention militaire étrangère. Entre-temps, et sous l'influence croissante des Frères musulmans dans ses rangs, il a complètement changé d'avis. En effet, il a commencé par demander l'instauration d'une "zone d'exclusion aérienne", pour ensuite, en novembre 2011, demander une "zone de protection" dans le territoire syrien à la frontière turque. Pour cette raison, le Comité de coordination nationale (voir ci-dessous) a nommé le CNS "Club de Washington". Le CNS a attribué la présidence pendant quelques mois à Bourhan Ghaliun, professeur laïc de sociologie, vivant en France. À cause des querelles internes, la présidence a été attribuée, depuis novembre 2012, au Syrien chrétien, Georges Sabra. Le fait est que les Frères musulmans ont la plus grande influence au sein du CNS, tout en restant à l'arrière-plan pour ne pas effrayer ses partisans (syriens et surtout étrangers). Reuters a cité dans un rapport daté du 6 mai 2012 un ancien dirigeant des Frères musulmans, Ali al-Sadreddine Bayanouni, qui a dit à propos de Bourhan Ghaliun : "Nous avons choisi cette personne qui est acceptée par l'Occident et chez nous. Nous ne voulons pas que le régime soit avantagé au cas où un islamiste serait à la tête du Conseil national syrien." (Traduction de l'anglais par l'auteur) Le Comité de coordination nationale (CCN), une coalition surtout des groupes kurdes et de gauche, est le principal bloc de l'opposition à l'intérieur du pays. Elle est laïque et n'accepte ni l'intervention étrangère ni le sectarisme et la violence. Bien qu'il soit en accord avec le CNS en ce qui concerne certaines revendications politiques, il lui reproche d'être fortement influencé par l'Occident, d'où le surnom "Washington Club". Le CCN a été fondé en septembre 2011 et ses dirigeants sont Hussein Abdul-Azim et Haitham Manna. La Coalition nationale des forces de l'opposition et de la révolution, qui fut fondée, à la suite de la grande pression de la communauté internationale, en novembre 2012 à Doha, au Qatar, a commencé à jouer un rôle important. Cet organisme de coordination, qui se comprend comme organisation de tutelle de l'opposition et à laquelle a également adhéré le CNS, veut unir toutes les composantes de l'opposition et agir comme étant le seul représentant du peuple syrien. 130 Etats ont reconnu la coalition de l'opposition syrienne comme unique représentante du peuple syrien. Son président Ahmad Moaz al-Khatib, qui était un ancien imam de la grande mosquée des Omeyyades à Damas, s'est prononcé contre toute négociation avec le gouvernement d'Al-Assad. Armée de libération ou guerriers de Dieu Parmi les groupes armés, il est à mentionner tout d'abord l'Armée syrienne libre (ASL). Elle a commencé par l'union des déserteurs de l'armée qui ont fondé leur quartier général à la frontière syro-turque, sous la direction du sunnite Riad al-As'aad qui s'est autoproclamé colonel. Comme l'a rapporté Al-Jazeera le 10 novembre 2011, la Turquie abrite pour des "raisons humanitaires" entre 50 et 60 hauts dirigeants de l'ASL dans un camp de réfugiés particulièrement bien gardé, selon la déclaration d'officiels turcs au New York Times. C'était au début du conflit militaire en automne 2011. L'année dernière, la structure de l'ASL a considérablement changé en faveur des forces islamistes : plusieurs nouveaux groupes et des combattants venant de l'étranger ont rejoint l'ASL. Une autre partie de ces combattants coopèrent avec l'ASL ou combattent même indépendamment de celle-ci. Les combattants étrangers sont recrutés à partir de la Libye, du Liban, de la Jordanie mais aussi d'autres pays arabes, et d'après La Presse de Tunisie du 10 décembre 2012, il y a même parmi eux des combattants du Caucase et leur chef est Ouzbek. Ils appartiennent au groupe Mouhajirine Cham. La majorité de ces combattants sont des islamistes, y compris les mercenaires, dont certains ont été recrutés et transportés vers la Syrie grâce au financement de l'Arabie saoudite, du Qatar, du Koweït, des Emirats arabes unis, de la Libye et des Frères musulmans. Est-ce une coïncidence si le "colonel" Riad al-As'aad s'est récemment laissé pousser la "barbe islamiste" ? Le groupe djihadiste le plus important et le plus brutal dans le contexte de la guerre civile syrienne est le Front Al-Nusra ou Jabhat Al-Nusra qui ne compte dans ses rangs que des islamistes et des djihadistes sunnites. Leur but après la chute du régime d'Al-Assad est l'instauration d'un Etat panislamique selon la charia. Al-Nusra revendique la responsabilité de 43 attentats suicides et autres, comme ceux à Damas et à Alep, qui ont coûté la vie à de centaines de civils. La relation entre l'ASL et ce groupe est contradictoire : d'une part reconnaissante à Al-Nusra pour son intervention dans la bataille d'Alep. D'autre part distante, car elle a peur du radicalisme de ce groupe. Ce qui n'est pas le cas de l'Arabie saoudite et du Qatar qui, évidemment, soutiennent Al-Nusra financièrement. Pourtant, les Etats-Unis ont mis ce groupe sur la liste des organisations terroristes. Ce fait n'a, cependant, pas empêché le président de la coalition nationale des forces de la révolution et de l'opposition, Moaz Al-Khatib, d'exiger des Etats-Unis la révision de leur décision. 29 groupes de l'opposition se sont joints à cet appel, et le 14 décembre 2012, des milliers de Syriens ont manifesté contre cette décision américaine. Deux autres grands groupes de djihadistes combattent indépendamment de l'ASL, mais souvent en collaboration avec Al-Nusra. Ce sont : Ghouraba Al-Cham (étrangers de Damas), composés principalement de djihadistes en provenance de Turquie et des anciennes républiques de l'Union soviétique (Turkménistan, Ouzbékistan, Tadjikistan), ainsi qu'Ahrar al-Cham (les hommes libres de Damas), constitués de combattants provenant du Liban et d'Irak. Le groupe mentionné ci-dessus, Mouhajirine Cham, qui se compose principalement d'islamistes originaires du Caucase, a eu une grande part à la prise de la base militaire Cheick Soleimane, au nord-ouest de la Syrie, par les insurgés. Après cet assaut, le drapeau noir des islamistes flottait au-dessus d'un bâtiment de cette caserne. La Turquie entretient d'autres groupuscules de combattants islamistes, comme le bataillon Salaheddine al-Ayoubi, ou le groupe turkmène Assef al-Shamal (l'orage du Nord) créé par le Turkmène Ommar al-Dadikhi. Ils sont principalement destinés à lutter contre les Kurdes dans la zone frontalière syro-turque, mais interviennent parfois dans le combat contre l'armée syrienne. Le problème de la participation de ces groupes de mercenaires dans la guerre civile syrienne n'est pas tant leur contribution militaire, mais plutôt leur idéologie et leurs liaisons, comme dans le cas du Front Al-Nusra ou même leur identification avec Al-Qaïda. Se référant au chef des services de renseignement américain, James Clapper, un rapport de Zeit Online daté du 17 février 2012 mentionne l'infiltration de groupes d'opposition par Al-Qaïda et cite l'appel du chef d'Al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri, adressé aux Turcs, aux Jordaniens et aux Libanais de soutenir le renversement du "régime anti-islamique" de Damas. Financement, soutien et armement des rebelles Le rôle des Etats-Unis, de la France, de la Turquie, de l'Arabie saoudite, du Qatar et de beaucoup d'autres parties impliquées dans la guerre civile syrienne a déjà été mentionné ci-dessus. Le soutien ne s'effectue pas seulement par le financement de la guerre. Il implique aussi le recrutement de mercenaires, leur armement, leur formation militaire sur le sol turc, la logistique et la technique de communication, mais aussi la manipulation de l'opinion politique qui peut jouer un rôle encore plus important que n'importe quel succès militaire qui ne dure qu'un jour. Chacun de ces "amis de la Syrie" apporte sa contribution selon ses propres capacités financières et intérêts stratégiques. Selon un article du Washington Post paru le 18 avril 2011, les Etats-Unis financeraient déjà depuis 2006, alors bien avant la guerre, les activités d'un groupe d'exilés syriens à Londres, dénommé Mouvement pour la justice et le développement. (remarque de l'auteur : on doit savoir que les partis qui sont proches des Frères musulmans emploient des noms pareils comme : justice, paix, etc.). Selon le Washington Post, la chaîne de télévision Barada TV à Londres appartient au mouvement pour la justice et le développement et elle diffuse des émissions de propagande qui peuvent être captées en Syrie. Le département d'Etat américain aurait financé ce mouvement à hauteur de 6 millions de dollars. Toutefois, ces montants ne sont que de l'argent de poche comparés aux sommes qui circulent depuis le début de la guerre civile : d'après Der Spiegel-online du 2 août 2012, les Etats-Unis, à eux seuls, ont soutenu les rebelles initialement avec un montant de 25 millions de dollars. Un autre montant de 64 millions de dollars pour "l'aide humanitaire" s'y serait ajouté. Le 28 septembre 2012, ces montants ont été augmentés pour atteindre les 45 millions de dollars pour les rebelles et 130 millions de dollars comme "aide humanitaire". Déjà après une rencontre de ce qu'on appelle le groupe de contact à Istanbul, on a promis aux rebelles 100 millions de dollars pour les trois mois suivants, d'après Spiegel-Online du 2 avril 2012. Cet argent provient essentiellement de l'Arabie saoudite, du Qatar et des Emirats arabes unis. Cependant, on ne sait pas depuis quand l'argent a été versé et qui l'a reçu. Au plus tard à la publication dans le Telegraph du 22 mai 2012, il est devenu public qu'au moins l'ASL reçoit des livraisons d'armes en masse. Les armes sont commandées et payées par les Etats du Golfe, leur transport est assuré par les Etats-Unis et leur lieu de livraison est la frontière syro-turque près d'Adana où les Etats-Unis possèdent une base militaire aérienne régulière. En Turquie, dans les camps militaires près de la frontière, les membres de l'ASL bénéficient d'une formation militaire par des instructeurs en provenance des Etats-Unis, de France et de Turquie, qui soutiennent les troupes sur le plan logistique. Même la technique de communication et le renseignement militaire y sont livrés directement. La Turquie a donc non seulement soutenu une partie impliquée dans la guerre, mais aussi, en vertu du droit international, elle s'est transformée en une partie du conflit sans cependant déclarer la guerre. La propagande : logiciel pour guerres et interventions Comme dans tous les conflits, dans cette guerre aussi, la propagande est l'arme la plus efficace: une couverture médiatique unilatérale de la part des médias et la diffusion ciblée d'histoires fausses et de scénarios d'horreur sont capables de tracer la ligne de séparation entre les fronts si clairement qu ́une "brave personne", quelle que soit la part du monde, ne peut être que du côté du droit. Les informations livrées par les médias sont consciemment ou inconsciemment fausses ou à moitié vraies, pour s'exprimer plus précisément. Rares sont les cas où les journalistes réussissent à garder une distance critique à l'égard des parties impliquées dans la guerre et à poser des questions simples comme celles qu'on trouve ci-dessus. Quand les journalistes sont chargés de faire des recherches sur les rebelles à Istanbul ou à la frontière syro-turque, le résultat de leurs rapports est toujours connu à l'avance : le régime d'Al-Assad serait à ses derniers jours (et ce, depuis 20 mois déjà), les soldats de l'armée syrienne commettraient des atrocités incroyables et les courageux rebelles qui fêteraient chaque jour une victoire militaire décisive, lutteraient pour la démocratie, la liberté, les droits de l'Homme et pour un futur Etat de droit. Ainsi, le lecteur reconnaissant pourrait distinguer de quel côté est le droit et de quel autre le tort. Cependant, quand on lit le rapport de la commission d'enquête internationale indépendante sur la Syrie chargée par le Conseil des droits de l'Homme des Nations unies, daté du 20 décembre 2012, on constate que les vérités concernant ce conflit sont assez divergentes : en respectant les principes habituels des Nations unies, cette commission s'efforce, scrupuleusement, à répartir la responsabilité entre les deux parties impliquées dans la guerre et, on peut le constater à travers les termes juridiques utilisés, que le rapport accuse les rebelles d'avoir commis plusieurs fois des exécutions sommaires des soldats gouvernementaux non armés en commettant ainsi des crimes de guerre (paragraphe 32). Par contre, des crimes de guerre ne sont pas reprochés au gouvernement. Un autre exemple : quand les avions des Etats-Unis ou de l'Otan ont tué des civils au cours des bombardements sauvages en Serbie, en Afghanistan, en Iraq ou en Libye, les victimes ont été considérées comme "dommages collatéraux". Mais quand ces mêmes crimes, car dans tous les cas il s'agit de crimes, sont commis par des avions syriens dans cette guerre, on parle de "violence brutale commise par Al-Assad contre la population non armée". Une autre forme de propagande est le scénario d ́horreur : comme, par exemple, les armes chimiques d'Al-Assad. Début décembre 2012 le président des Etats-Unis, Obama, a averti le président Al-Assad contre l'utilisation d'armes chimiques. Cela serait la ligne rouge, au-delà de laquelle il y aurait par conséquent une intervention immédiate. Les avis du secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, ("His Master ́s voice") et pour couronner le tout, ceux du président français, François Hollande, qui rêverait de gouverner le monde, ont été similaires à la position exprimée par Obama. Pourquoi nos amis américains ont-ils si peu d'imagination ? Est-ce que les nombreux think-tanks (de la propagande) n'ont pas pu inventer autre chose que la vieille histoire tournant autour des armes de destruction massive de Saddam Hussein ? Qui ne se souvient pas de l'ancien ministre des Affaires étrangères américain, Colin Powell, qui montrait au Conseil de sécurité de l'ONU sur des images de satellite dans quel lieu exactement et dans quels véhicules-laboratoires Saddam Hussein cachait ses armes biologiques. L'invasion de l'Iraq a eu lieu. Les armes de destruction massive n'ont pas été trouvées. Mais qui s'est préoccupé ensuite de savoir que ces armes de destruction massive étaient un mensonge de propagande grossier ? Qui en a été tenu pour responsable ? Est-ce que les armes chimiques d'Al-Assad seraient peut être aussi une préparation pour que l'opinion publique bien intentionnée et crédule accepte une intervention militaire de l'Otan en Syrie ? La propagande n'a pas pris fin après l'échec du coup des "armes chimiques". Nous, Al-Assad, les guerriers de Dieu et après ? Malgré toute la propagande, l'opinion publique mondiale n'est pour le moment, heureusement, pas prête à exiger ou à tolérer une intervention en Syrie, à l'exception de quelques citoyens tels que Bernard Henri Levy (BHL) ou Bernard Kouchner, qui sont notoirement favorables à une "intervention humanitaire". Cela pourrait changer si les Etats-Unis et une partie de l'UE sous l'influence néfaste de la France continuent à poursuivre une politique selon la maxime du grand penseur américain de notre époque, George W. Bush : "Celui qui n'est pas notre ami est notre ennemi et les ennemis de notre ennemi sont nos amis." Ainsi, nous soutiendrons, consciemment ou inconsciemment, la talibanisation progressive de la Syrie. La guerre en Syrie doit être arrêtée. Pour le moment, c'est la priorité absolue. Une intervention militaire ne peut que prolonger et intensifier la guerre au détriment terrible de la population civile syrienne. Le Prix Nobel de la Paix, l'UE, est en premier lieu une "puissance douce". Dans ce sens, elle doit intervenir pour mettre, sans conditions préalables, les parties en conflit à la table des négociations. Il est absolument inacceptable que le président nouvellement élu de la coalition nationale des forces de l'opposition et de la révolution, l'Imam Moaz al-Khatib, refuse une telle invitation de Moscou, à cause de la présence de représentants du gouvernement d'Al-Assad. Avec qui devrait-il donc négocier ? Ou, est-ce qu ́il a déjà gagné la guerre sans que nous le sachions, et pour cela, il n'a plus besoin de négocier ? L'ONU devrait être impliquée dans ces négociations, mais pas d'autres observateurs et, justement, pas les pays qui ont ouvertement pris le parti pour l'une ou l'autre partie de la guerre. Des Etats tels que l'Arabie saoudite et le Qatar devraient, en tout cas, être exclus puisqu'ils peuvent, certes, financer des guerres mais ne peuvent apporter aucune contribution à la démocratisation d'un autre Etat. Après avoir obtenu un cessez-le-feu, les parties doivent ensuite négocier sur le régime futur de l'Etat syrien, ce qui signifierait, en même temps, la fin du régime dictatorial d'Al-Assad. À sa place et dans la mesure où l'UE peut avoir de l'influence, on devrait établir un Etat de droit démocratique et laïque, à cause des minorités religieuses, un Etat dont la Constitution devrait être élaborée par un gouvernement de transition et par une Assemblée constituante élue par le peuple. Ensuite, l'UE devrait alors leur offrir ses services comme puissance qui garantit une transition pacifique en Syrie et qui devrait contribuer aussi bien matériellement que par son "savoir-faire" à l'édification politique, économique et sociale de la Syrie. J. S. (*) Ancien député européen Décembre 2012 Nom Adresse email