"Clinique Sbihi = abattoir." Ces trois mots griffonnés à la main sur une banderole de fortune accrochée à la devanture de l'unique clinique étatique de Tizi Ouzou exprimaient, avant-hier soir, la colère sourde qui s'est emparée légitimement des habitants du quartier sud-ouest qui venaient d'apprendre le décès d'une voisine après son accouchement. H. Djamila, âgée de 32 ans, venait de mettre au monde une petite fille avant de rendre l'âme. "Elle avait une hémorragie qui n'a pas été prise en charge à temps", accuse un membre de la famille en colère. Selon des explications obtenues auprès des proches de la défunte, celle-ci avait tenté d'attirer l'attention des infirmières, mais en vain. La première infirmière est arrivée à son chevet plus d'une heure après. "Elle avait déjà perdu trop de sang. Elle était affaiblie et avait presque perdu connaissance", nous raconte-t-on. Evacuée au CHU Nedir-Mohammed, situé à quelque 500 mètres de la clinique, Djamila n'a pas survécu. "Il n'y avait pas de réactifs", ajoute encore un proche, précisant qu'elle a dû attendre son transfert depuis la région de Boumerdès. L'annonce du décès de la jeune femme n'a pas laissé indifférents les habitants de son quartier qui ont décidé d'investir, dimanche en fin de journée, l'enceinte de la clinique pour demander des comptes. "Si au lieu de s'occuper des visiteurs que les agents de sécurité passent leur temps à malmener, on s'occupait plutôt des malades, de telles situations auraient pu être évitées", dira un des protestataires devant l'entrée de la clinique. Le directeur de la santé de la wilaya s'est aussitôt rendu sur les lieux pour tenter de calmer les esprits, tout en défendant le personnel de la clinique qui est, selon lui, irréprochable. Pour rappel, lorsque le décès d'une sixième parturiente a été enregistré en février dernier dans cette clinique, l'ex-ministre de la Santé, Abdelaziz Ziari, qui effectuait une visite d'inspection dans la région, avait expliqué, qu'"il n'y a pas plus de mortalité maternelle à la clinique Sbihi qu'ailleurs". Le ministre avait poussé son culot jusqu'à pointer du doigt la presse qu'il accuse d'avoir attribué à la clinique des décès enregistrés ailleurs, et en même temps, il invitait ceux qui ne sont pas contents du travail de la clinique de s'orienter vers les cliniques privées. En juillet dernier, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a annoncé, parmi les nouveaux projets accordés à la wilaya, la réalisation d'un complexe mère-enfant. Mais il est à se demander combien de temps encore ce projet continuera-t-il à servir de refrain à la chanson du développement avant qu'il ne se voit concrétisé ? S L Nom Adresse email