Les professionnels de la santé appellent à l'application des différentes lois promulguées, associée au recours à la sanction, en insistant également sur le travail de prévention. L'Algérie a suivi dernièrement les développements réservés à "l'affaire de la cigarette électronique" par l'Union européenne. En effet, de vifs débats ont eu lieu dans le Vieux continent, sur les éventuels risques et la réelle efficacité de ce type de cigarette. Les Algériens, par le biais des chaînes étrangères et de l'Internet, ont eu le loisir de suivre les arguments et les logiques défendus par les différentes parties : consommateurs, associations de lutte antitabac, médecins, industriels du tabac, fabricants de la cigarette électronique, buralistes, laboratoires et pharmaciens, etc. Même si l'utilisation de la cigarette électronique (ou e-cigarette) et des autres produits nicotiniques (patchs, chewing-gums...) reste chez nous du domaine élitiste et concerne donc une petite minorité de nos concitoyens, il n'en demeure pas qu'elle renvoie à un sérieux problème connu de tous : le tabagisme. Initialement prévu le 9 septembre 2013, le débat sur la directive antitabac concernant l'application de certaines dispositions de la Convention-cadre de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a finalement été engagé les 7 et 8 octobre au sein du Parlement européen. À l'issue d'un vote, les eurodéputés ont décidé que les cigarettes électroniques resteront en vente libre dans les bureaux de tabac et les boutiques spécialisées. Ils se sont également prononcés contre leur classement au rayon des médicaments. Il faut dire que l'e-cigarette, apparue en 2008, avec le renforcement de l'interdiction de fumer dans les lieux publics, séduit de plus en plus. Aujourd'hui, on parle de plus de 4 millions d'adeptes en Europe. Pourtant, l'OMS reste méfiante par rapport aux cigarettes électroniques. En juillet dernier, l'organisation mondiale avait déconseillé leur utilisation, sous le prétexte de l'insuffisance de démonstration d'efficacité et de sécurité. Pour l'OMS, tant que les systèmes électroniques délivrant de la nicotine "ne sont pas considérés comme sans danger, efficaces et de qualité par un organe compétent de régulation national, les consommateurs ne devraient pas utiliser ces produits, y compris les cigarettes électroniques". Vers l'objectif de réduction de 30% d'ici à 2025 Il faut savoir que l'OMS est à l'origine de la Convention-cadre pour la lutte antitabac (CCLAT), adoptée en mai 2003. Aujourd'hui, ce traité est ratifié par 171 pays à travers le monde. L'Algérie l'a signé le 20 juin 2003, puis l'a ratifié 3 ans plus tard, le 30 juin 2006. La CCLAT réaffirme le droit de tous les peuples au niveau de santé le plus élevé possible. De plus, elle met au point "une stratégie" visant à réglementer des substances à l'origine de la dépendance. La Convention-cadre insiste beaucoup sur l'importance des stratégies de réduction de la demande au même titre que celles réservées à la réduction de l'offre. Elle appelle à la mise en place de mesures (financières, fiscales et autres) visant notamment la protection contre l'exposition à la fumée du tabac, la réglementation de la composition des produits du tabac, leur conditionnement et leur étiquetage, l'éducation, la communication, la formation et la sensibilisation du public. Par ailleurs, la CCLAT somme les Etats membres de mener la lutte contre le commerce illicite des produits du tabac et la vente aux mineurs (et par les mineurs). Dans un rapport sur l'épidémie mondiale de tabagisme, publié en juillet 2013, l'OMS a rappelé que le tabac est la principale cause mondiale de mortalité évitable, qui tue annuellement 6 millions de personnes. Il provoque le cancer, des maladies cardiovasculaires, le diabète et des affections respiratoires chroniques. Le rapport montre que la lutte antitabac a progressé dans le monde, puisque le nombre de mesures visant à restreindre la consommation de tabac a plus que doublé, au cours des 5 dernières années, pour atteindre aujourd'hui 2,3 milliards de personnes dans le monde. À cela, il faut ajouter l'augmentation de près de 400 millions de personnes qui bénéficient d'interdictions de la publicité en faveur du tabac, de la promotion et du parrainage, principalement des habitants de pays à revenu faible ou intermédiaire. Pourtant, les résultats atteints sont encore loin de la cible mondiale convenue : pour atteindre une réduction de 30% de la consommation de tabac d'ici à 2025, "davantage de pays doivent mettre en œuvre des programmes complets de lutte antitabac", souligne le rapport. Il est fait allusion surtout à 67 pays qui n'interdisent aucune de ces activités (publicité en faveur du tabac, de la promotion et du parrainage) ou qui ont mis en place une interdiction ne couvrant ni la publicité à la radio et à la télévision nationales, ni la publicité sur les supports imprimés. Pour l'OMS, il relève de la responsabilité de chaque pays de "protéger sa population des maladies, des handicaps et des décès liés à la consommation de tabac". Donc, à ces Etats d'interdire la publicité en faveur du tabac, de la promotion et du parrainage, pour éviter aux adolescents et aux jeunes adultes de "tomber dans l'engrenage du tabagisme sous l'influence d'une industrie toujours plus agressive!". Les "lacunes" de la législation nationale L'Algérie est le seul pays du Maghreb à avoir ratifié la Convention-cadre pour la lutte antitabac (CCLAT) de l'OMS. Notre pays est aussi mieux doté, sur le plan législatif, que nos voisins ; ce qui est en soi une bonne chose, mais qui oblige les pouvoirs publics à prendre les mesures nécessaires. Pour bloquer l'essor de ce fléau de santé publique, plus particulièrement dans le milieu juvénile, et pour organiser l'aide médicale et institutionnelle au sevrage tabagique. Qu'en est-il de la réalité du terrain ? Le 16 février 1985, l'Algérie a promulgué la loi 85-05 relative à la protection et à la promotion de la santé qui, dans son article 63, stipule que l'usage du tabac "est interdit dans les lieux publics". Depuis, d'autres textes ont suivi : arrêtés, décrets exécutifs et instructions ministérielles. En mars 2006, le décret présidentiel n°06-120 porte à la connaissance des citoyens que l'Algérie a ratifié la CCLAT. L'année suivante, une instruction ministérielle (n°020) annonce la mise en place des hôpitaux sans tabac. Quelques mois auparavant, l'arrêté n°803 MSPRH/MIN du 13 février 2007, portant création, organisation et fonctionnement du Comité médical de lutte antitabac, est également émis. Malgré cet arsenal législatif et les dispositions réglementaires qui y sont rattachées, la cigarette recule à petits pas des lieux publics, comme les aéroports, les hôpitaux, les établissements scolaires, les universités, les administrations. Pour ce qui est des cafés, restaurants ou cafétérias, la présence de la cigarette et de la fumée est tributaire du bon vouloir des propriétaires. Aujourd'hui, des professionnels de la santé, alertés par les nuisances du tabac notamment sur les "fumeurs passifs" et les jeunes, mais également par la dégradation dans la prise en charge des cancéreux, tirent la sonnette d'alarme. D'aucuns appellent à "passer à une étape supérieure", comprenant à la fois l'application réelle des lois promulguées, le recours aux "sanctions", l'augmentation du prix du paquet de cigarettes et le travail de prévention. D'autres, se basant sur les "dangers à nos frontières", rappellent que près de 40% du tabac disponible dans notre pays proviennent de "la contrebande" et déplorent le détournement "à des fins commerciales" des quantités de tabac saisies. D'autres encore plaident pour l'usage des "techniques de substitution nicotiniques", qui pourraient être utiles pour les fumeurs, non sans insister sur les vertus de la varenicline (Champix), "le traitement le plus efficace actuellement qui aidera les fumeurs à arrêter". Reste l'avis de la juriste Yamina Houhou qui, elle, met en avant les "lacunes de la législation algérienne", des insuffisances dans l'exécution et dans l'absence de "mesures coercitives". Plus encore, l'avocate à Alger relève que dans les articles de lois interdisant de fumer dans les lieux publics, "on ne cite pas quels sont ces lieux". Un travail que l'état doit faire, en parallèle avec la prévention et la prise en charge médicale des fumeurs, pour rendre visible la responsabilité des uns et des autres. H. A Nom Adresse email