Pourtant, peu de place est accordée au débat et à la réflexion. Des chercheurs et spécialistes se sont vus écartés des scènes médiatiques, alors qu'ils apportaient l'analyse, la contradiction ou des avis. Hier, le focus proposé par la 18e édition du Sila a réuni des personnalités et des universitaires, qui ont apporté des éclairages à l'actualité de cette partie du monde. La rencontre tenue à l'hôtel Hilton (Alger) a permis un échange de "haut niveau" entre les animateurs, d'une part, et entre ces derniers et l'assistance, de l'autre. Parmi les conférenciers, on retiendra notamment l'éminent penseur égyptien, Samir Amin, également président du Forum mondial des alternatives (FMA), les écrivains et politologues égyptiens Bahgat Elnadi et Adel Rifaat, le chercheur algérien Hassan Remaoun et notre confrère Hocine Bellaloufi. Dans son intervention, Samir Amin a abordé "le démantèlement et l'abandon" de deux projets souverains égyptiens, pour les remplacer par des "projets de soumission". "Ces moments de déclin sont des moments de catastrophe sur les plans économique et social", a-t-il constaté. Selon lui, l'Egypte, mais aussi les autres pays arabes, sont entrés "dans une longue période de transformation", qui va durer des années, voire des décennies. "Aujourd'hui, le défi est de sortir, de défaire, de déconstruire ce système de dépendance dont les bénéficiaires sont le trio Etats-Unis-Israël-pays du Golfe", a expliqué l'intervenant, prévenant pour le cas de son pays que "la politique menée par Sadate, Moubarak, Morsi et celle pratiquée maintenant restent intégralement dans le cadre néolibéral". De leur côté, Elnadi et Rifaat ont mis en avant "le passage au rapport à soi en tant que citoyen" et donc "le passage du statut de croyant à celui de sujet libre", dans les sociétés arabes et musulmanes, sans manquer de noter "l'importance des moyens de communication" dans l'émergence de cette dynamique. Quant à Hocine Bellaloufi, il a estimé que la révolte des "masses populaires" s'est faite contre "l'ordre politique régional", qui cherche à "contrôler cette région stratégique". "Jusqu'à janvier 2011, les mouvements de libération, les résistances armées nationales et les ‘régimes rebelles' (qualifiés d'Etats voyous') formaient l'aspect principal de la résistance à l'ordre impérialiste", a-t-il révélé, en avisant ensuite que ces acteurs forment à présent "les 3 segments de la nouvelle révolution (...) nationale à caractères démocratique et social". Bellaloufi a en outre parlé de la "singularité" de l'Algérie. D'après lui, si le régime algérien n'est pas dictatorial, "il n'est toujours pas démocratique" et s'il n'est pas le valet de l'impérialisme, "il ne conteste plus la domination de ce dernier", renonçant ainsi à "la perspective d'un développement souverain autocentré" et s'efforçant à "trouver une place de puissance régionale" dans l'ordre mondial actuel. Pourtant, conclura-t-il, ce sont ces contradictions qui maintiennent le pays "dans l'œil du cyclone". Lors du débat, Samir Amin s'est exprimé sur l'absence, sinon la marginalisation, par les médias, des thèses qui se distinguent de la pensée dominante. "C'est la démonstration qu'il n'y a même pas l'amorce de la démocratie" dans le monde arabe, dira-t-il. Il a toutefois observé que "les moyens, particulièrement la télé, restent entre les mains des pouvoirs, notamment les pouvoirs financiers des pays du Golfe". H A Nom Adresse email