On me reproche souvent de ne pas assez parler de femmes. Je le concède. Mais quand je tombe sur une femme de qualité, je ne la rate pas. J'en ai une : une exceptionnelle qui n'est point une exception. Une méconnue. Comme des milliers d'héroïnes, car dans notre pays pour être qualifie de héros il vaut mieux être de sexe masculin, le féminin, lui, est relégué au rang de zéro. La femme est née zéro. L'homme Zorro. C'est ainsi. Qu'ont-ils de plus les hommes à part leurs gros jurons, leurs gros bras et leurs grosses bêtises, je vous le demande ? J'en étais là dans mes réflexions quand un bienveillant lecteur m'envoie un lien sur YouTube : "Les filles de la Révolution", avec ce commentaire : "Quand j'ai vu ces images, j'ai pleuré sur notre pays." Phrase assez énigmatique pour me donner envie de voir de plus près de quoi il retourne. Il est minuit ? N'importe. D'une main paresseuse, je clique. Les images défilent, images de 1968, de femmes qui ont fait la Révolution. Et puis, et puis, après plusieurs séquences, j'ai le souffle coupé. Crise d'asthme ? Non. Etonnement. Stupéfaction. Emerveillement. Devant moi, une femme belle comme peut l'être une Algérienne, cheveux à la garçonne, jupe courte, assise sagement, face au journaliste francais qui l'interviewe. Elle a 24 ans, le regard espiègle. Et ce sourire, bon Dieu, ce sourire souverain. Je me suis retenu de m'écrier : "Vive les Algériennes !" Cette femme souriante nous change des révolutionnaires qui pensent que la révolution doit avoir un visage grave et le verbe coupant. Et des moustaches. Avec aisance, avec clarté, avec élégance, cette révolutionnaire qui humanise la Révolution dit des choses graves sans gravité. Ecoutons-la répondre avec la sérénité de la femme qui a défié le colonialisme et qui a connu, très jeune, deux fois la prison de Ben Bella. Sur les rapports hommes/femmes : "Hormis les grands discours, l'inégalité demeure. Il n'y a pas de dialogue entre les deux. Il y a des monologues." Sur la société : "Les femmes ne sont que supportées. Nos structures sociales sont rigides et ne sont pas adaptées au changement." Elle paiera cette rigidité d'une dépression qui l'enverra un mois à l'hopital. Cause : désillusion post-Révolution. Sur le mariage : "Je ne vais pas me marier pour me marier. Je veux un mari qui a la même conception de la vie, avec qui je dialogue. J'ai des critères précis. Je ne désespère pas d'avoir un tel homme avec des enfants qui deviendront des révolutionnaires." Sur les révolutionnaires algériens : "Les vrais sont morts au maquis." Aïe ! Aïe ! Ecoutez cette voix douce et combien lucide. C'est la voix de notre conscience. Décédée en 2010, on verra rassembler à El Alia autour de sa dépouille tout l'Etat algérien, y compris Bouteflika. Non parce quelle était l'épouse de Ben Bella. Mais parce quelle était Zohra Sellami. Cœur d'Algérienne, digne fille de l'Algérie éternelle. H. G. [email protected] Nom Adresse email