"Ras el aam" et "El Mouloud", comme elles sont appelées communément dans la région, sont des fêtes gorgées de lumière(s) et de douceurs gustatives et olfactives diverses qui procurent aux enfants, notamment, des joies profondes et inaltérables. Cette année, pour de nombreuses familles, elles ont été célébrées sur un fond de grosses frustrations. Au vu des prix des viandes blanches et rouges, des friandises diverses censées présager d'une année faste (quand elles sont acquises et consommées), mais aussi celui des bougies et autres pétards, bon nombre de familles ont avoué s'être limitées au strict minimum dans les dépenses relatives à la célébration de ces deux fêtes incontournables, chargées de symboles et chères aux Algériens. Nombreux sont encore ceux qui ont été contraints, la mort dans l'âme, et à la grande déception de leur progéniture, d'ignorer ces deux évènements fêtés successivement lundi et mardi soirs. A l'approche de ces fêtes, la détresse se lisait sur de nombreux visages — ceux de pères de familles notamment, dont le salaire n'avait pas été perçu – et la mendicité s'est accrue. Femmes et enfants, au plus fort d'un besoin impératif et "pressant", en quête de quelque argent salutaire, ont plus que jamais frappé aux portes. Devant les magasins de friandises, plus spécialement, et autres chapiteaux dressés pour l'évènement, des pères de familles, étrangers à la ville, la mine déconfite, piteuse, quémandaient. Au marché, dimanche dernier, une scène touchante s'est produite parmi la cohue – en majorité des badauds hésitants, "soupesant" du regard les denrées outrageusement étalées, demandant le prix de telle ou telle autre sans se décider à acheter : un vieillard décharné, au port digne, proprement vêtu, un enfant au bras enveloppé dans un burnous élimé, s'est approché d'un stand abondant de gourmandises variées, en susurrant à deux reprises : "aammou (oncle) va te donner des bonbons !". Un grand-père, sans doute, ravagé par la frustration anticipée d'un petit-fils et qui a pris sur lui de quémander quelque douceur pour l'enfant chéri, en cette occasion sacralisée, celle du passage à la nouvelle année. Devant l'inertie du commerçant, fort occupé, le vieil homme n'a pas insisté. Le regard lourd, noir de peine, il a tourné le dos à ces étals multicolores. Rattrapé par une femme qui lui glissera subrepticement un billet, il sera hélé par ce même commerçant (sans doute gêné par le geste spontané de sa cliente), qui lui tendra un petit sachet de bonbons (à peine quelques-uns) de piètre qualité. Cette année, assurément, il fallait être aisé pour fêter dignement Ras el aam et El Mouloud ! F S Nom Adresse email