Quelle solution pour Ghardaïa ? Près d'un mois après l'éclatement des violences entre les deux communautés ibadite et malékite, la situation ne semble guère s'améliorer. Hier encore, des scènes d'affrontements entre groupes de jeunes des deux comunautés ont touché des quartiers auparavant épargnés par ces évènements, tels que Bouchène, Beni Izguene, El-Chaâba, Touzzouz, Ben Smara, Sidi-Abbaz et les quartiers situés sur les hauteurs de Ghardaïa (Bouhraoua). Une trentaine de locaux commerciaux et d'habitations, ainsi que des palmeraies et jardins ont été saccagés et pillés avant d'être incendiés par les antagonistes durant les journées de dimanche et d'hier, selon l'APS. Les émeutiers ont dressé des barricades dans différents quartiers de la ville en utilisant des pneus, de grosses pierres et autres objets, empêchant ainsi le trafic routier, particulièrement les transports urbains et le transport scolaire et universitaire, selon la même source. La ville, elle, est paralysée : l'ensemble des commerces, des établissements scolaires et des administrations sont fermés dans les quartiers de la ville, théâtre des violences, et les rues désertées sont devenues de véritables dépotoirs, en l'absence des services de collecte des déchets ménagers. Dimanche, de nombreux quartiers ont été touchés par les violences. Plusieurs maisons et magasins ont été incendiés et saccagés. À Touzzouz, à la frontière entre la daïra de Ghardaïa et la commune de Dhaia Ben Dahoua, un jeune mozabite de 39 ans a été tué, tandis que plusieurs blessés ont été enregistrés. Plusieurs véhicules ont été également brûlés. En marge des travaux hier du Sénat, le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, Tayeb Belaïz, a confirmé la mort d'un jeune mozabite de 39 ans. Le ministre a fait savoir que "10 personnes, dont 3 policiers", ont été blessées, soulignant que "les échauffourées ont cessé rapidement grâce à l'intervention des services de sécurité". Pourtant, selon des sources locales, ce sont les services de sécurité, notamment la police, qui sont accusés de laxisme, voire de complicité, face à cette exacerbation de violence. "La police n'est pas la solution, il faut le déploiement de la gendarmerie. Dimanche, lorsque celle-ci est intervenue dans un quartier, elle a vite rétabli le calme sans recourir à l'usage des bombes lacrymogènes", soutient Hammou Mosbah, responsable fédéral du FFS. Mais dans certains quartiers, la gendarmerie n'est pas encore déployée car "n'ayant pas reçu d'ordre pour intervenir", croit savoir ce responsable. Même les policiers dépêchés des autres wilayas "sont mal orientés", accuse encore ce responsable. Mais cette flambée de violence signe, en tout cas, l'échec de la stratégie du gouvernement pour trouver une solution définitive à la crise. Ni les mesures décidées au cours de la rencontre entre des représentants des deux communautés, organisée par le Premier ministre à Alger, ni la mission de bons offices initiée par le HCI, encore moins les prières de Sellal et les tentatives de conciliation du wali local n'ont réussi à éteindre le brasier. D'ailleurs, au lendemain même de la visite de Sellal, des échauffourées ont éclaté entre des jeunes des deux communautés. Pour Tayeb Belaïz, l'initiative de Sellal n'a pas échoué. "Bien au contraire, nous avons réussi à mettre en place un pacte accepté par les deux parties." Mais la piste de la main étrangère, souvent brandie par certains, comme Louisa Hanoune, est battue en brèche par le ministre. "Il n'y a aucune preuve qui confirme l'implication d'une main étrangère dans le conflit à Ghardaïa. Au contraire, tout porte à croire que cette crise est l'œuvre de parties internes", dit-il. "Il y a un agenda politique au sommet qui est appliqué ici sur le terrain", accuse, de son côté, le fédéral du FFS. "Il n'y a pas d'initiatives pour régler en profondeur le problème", soutient-il. Approche pluridisciplinaire Face aux risques de dégradation de la situation, dans un contexte régional explosif, on croit savoir qu'une réunion au sommet a regroupé, dimanche, le chef d'état-major de l'armée, Gaïd Salah, le patron de la gendarmerie, le DGSN, le général Abdelghani Hamel et le ministre de l'Intérieur. Résultat : la gendarmerie va déployer 3 000 éléments, comme le réclament nombre de Mozabites. Mais, il est hors de question que l'armée intervienne, comme l'ont souhaité certains notables, selon nos sources. "Les notables ne représentent qu'eux-mêmes", accuse Hammou Mosbah. Mais l'approche sécuritaire demeure insuffisante si le traitement de la question ne prend pas en ligne de compte tous les paramètres de la crise. Car le problème dans la vallée du M'zab, cyclique depuis les années 1970, appelle un traitement pluridisciplinaire. Au-delà de la nécessité de protéger une minorité aux spécificités culturelles et religieuses connues, il convient de se pencher sur les questions sociologiques, anthropologiques, de gouvernance, de la politique de la ville, de l'accès au pouvoir local, de la démocratie de proximité et l'implication de l'école et de la mosquée dans la culture de la tolérance, etc. Bref, un grand chantier, en somme. Peut-être que la commission d'enquête parlementaire réclamée par le FFS, si elle venait à être mise en place, lèvera un coin du voile sur les tenants et les aboutissants de cette crise qui n'a pas cessé de semer les germes de la division, d'entretenir la tension en permanence, d'endeuiller des familles et de porter préjudice à l'économie et à la stabilité de la région. Et au-delà, celle du pays. K. K Nom Adresse email