Après les couacs et blocage des discussions sur la Syrie ouvertes vendredi à Genève, le médiateur de l'Onu veut passer à la vitesse supérieure, remettre sur la table des négociations la question cruciale de la transition politique. Mardi, était ainsi remis sur la table la déclaration de Genève I qui, en 2013, avait fixé l'essentiel de la feuille de route devant résoudre la crise syrienne. Cette feuille de route avait été confectionnée par Lakhdar Brahimi et adoptée par la communauté internationale comme voie de sortie à la guerre civile qui ensanglante la Syrie et qui a débordé hors de ses frontières. Il ne reste plus qu'à rentrer dans le vif du sujet à l'ambassadeur algérien, au terme d'un lundi difficile de négociations où les deux camps frères ennemis ont achoppé dès le matin sur le menu de leurs pourparlers. La troisième journée de négociations était en effet consacrée aux premières discussions politiques, après un week-end consacré à des questions humanitaires, comme la situation à Homs et le problème des milliers de prisonniers et de disparus du conflit. Sur toutes ces questions, les négociations n'ont permis aucun progrès, mais les protagonistes n'ont pas exclu de parvenir à des accords pour soulager les populations. D'où le forcing de Lakhdar Brahimi pour ne pas se noyer dans les questions secondaires, les délégations syriennes ayant refusé d'aller de l'avant, comme si l'une et l'autre attendait plus de concessions de la part de l'une et l'autre. Le médiateur de l'Onu est lui aussi sorti de ses gongs quand les représentants de Damas ont sorti leur «feuille de travail» de cinq points, dont l'essentiel est un appel aux pays qui financent les groupes terroristes à cesser leur soutien. Une allusion à l'Arabie Saoudite, au Qatar et à la Turquie, principaux appuis de la rébellion. L'opposition a également violement réagit : "Les discussions n'ont pas été constructives aujourd'hui (lundi, ndlr) en raison de l'attitude du régime qui a voulu dévier des discussions qui devaient porter sur l'application de Genève 1", a accusé Rima Fleyhane, membre de la délégation de l'opposition. Les délégations ont néanmoins affirmé qu'elles ne quitteraient pas Genève. Lakhdar Brahimi a également admis que la situation n'avait pas avancé quant à l'envoi de convois humanitaires dans le centre assiégé de Homs, comme promis samedi par le régime. "Il n'y a pas eu de décision de les laisser entrer", a-t-il dit. Il avait également obtenu du régime syrien la promesse de laisser quitter la ville aux femmes et enfants assiégés depuis 600 jours dans les quartiers rebelles de Homs. Mais mardi, le chef des opérations au Proche-Orient du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), Robert Mardini, a affirmé qu'aucune "mesure concrète" n'avait été prise pour l'instant par Damas. L'annonce de Lakhdar Brahimi avait été déjà accueillie avec scepticisme dans les quartiers rebelles de la troisième ville de Syrie, l'opposition réclamant des "garanties" que les civils ne seront pas arrêtés par le régime en sortant de la ville. Souvent considérée comme le foyer de la contestation, Homs a payé au prix fort son opposition à Bachar al-Assad. Depuis samedi, les deux délégations se parlent toujours par médiateur interposé et multiplient les déclarations fortes, peu diplomatiques, auprès de la presse. Lakhdar Brahimi a tenu à rappeler à chacun ses devoirs et appelé les membres des délégations à être "responsables" et à respecter "la confidentialité des discussions". "Et si vous ne respectez pas la confidentialité, n'exagérez pas" dans vos déclarations, a demandé l'émissaire de l'ONU. Il a également appelé "ceux qui ont de l'influence à en user pour nous aider à aller de l'avant." En coulisse, diplomates russes et américains fournissent en effet conseils et appuis à leurs protégés pour les négociations. D. Bouatta Nom Adresse email