Résumé : Fateha lui raconte comment elle et Djaâfar se sont rencontrés et comment s'est passé leur mariage. Elle en a vu de toutes les couleurs. Ces confidences ont rouvert une plaie qu'elle croyait guérie. Elle ne veut pas pleurer devant sa fille... - La vieille te gardait pendant que je m'occupais de la maison, des invités... Le soir, tu ne dormais pas, tu étais un bébé qui dormait le jour, et la nuit, tu voulais babiller et être tenue... J'étais au bord de la dépression ma chérie ! Je n'avais pas le temps de dormir, de me reposer la journée... C'était insupportable ! - Moi aussi, je te menais la vie dure, murmure Inès en se redressant pour la regarder. Je te demande pardon maman ! - Tu n'y étais pour rien... Au moment où je me décidais à partir, ta grand-mère est décédée et là... C'était un coup dur du destin, dit Fateha. J'avais le sentiment d'être abandonnée, à la merci d'une belle-famille qui ne me pardonnait pas d'être là, de tenir le coup ! Inès manque de se fâcher. - Papa aurait pu faire un effort ! Tu souffrais... Et tu n'avais personne vers qui te tourner ! Il était aveugle ou quoi ? - Je me suis souvent posée la question, lui confie sa mère. Ou peut-être ne voulait-il pas prendre le parti de l'un ou de l'autre ? - Comment as-tu fait pour supporter ? - Je n'en sais rien, avoue Fateha. Mais je pense que ma foi en Dieu y était pour beaucoup ! Sinon, d'où aurais-je puisé ma force ? J'ai affronté les bons jours, ils aussi sont nombreux que les mauvais, mais j'ai tenu, j'ai résisté ! - Maman, j'ai mal au cœur. Fateha panique et se met à chercher un sachet, dans son sac à main. - Je n'ai pas envie de vomir, dit la jeune fille en posant la main sur le bras de sa mère. Non, j'ai mal en pensant à toutes ces années où tu as souffert ! Tu tenais tant à papa ! S'en est-il rendu compte ? - Il sait que je tiens à lui... - Mais malgré toutes ces années de concessions, de sacrifices, ils t'en voulaient encore !, s'écrie Inès. Je me souviens, il y a quelques années, tu passais le temps à lire, à éviter toute discussion avec eux ! Je m'amusais avec eux, avec mes cousines... J'ignorais que tu souffrais et que tu devais prendre sur toi pour me faire plaisir ! Pourquoi ne m'as-tu rien raconté avant ? - Tu es leur petite-fille, et puisqu'ils prenaient soin de toi et t'aimaient, j'ai pris sur ma personne, reconnaît Fateha. Je ne voulais pas te priver d'eux... - Mais tu aurais dû me raconter, lui reproche-t-elle, agacée. J'aurais compris et on serait allées en vacances ailleurs ! - Non, non... La famille, c'est sacré ! - Je sais. Je me rappelle qu'une fois grand-mère te reprochait de ne pas l'avoir laissé refaire sa vie !, s'écrie Inès. Mon Dieu... - Oui, mais j'étais égoïste et je ne voulais pas partager ton père avec une autre femme ! Ta grand-mère voulait que ton père refasse sa vie dans le but d'assurer sa descendance... J'ai fait plusieurs fausses couches, et à force d'être déçue, j'avais décidé de ne plus tenter le diable ! Je voulais bien avoir un fils mais pas au prix de ma vie ! - Tu as raison ! Et je suis là, dit Inès en se serrant contre elle. - Je sais. Tu es tout pour moi, pour ton père... Et malgré tout, lui rappelle sa mère, tes grands-parents t'aiment beaucoup ! - Je culpabilise parce que je les aime et je leur en veux de t'avoir persécutée tout ce temps... - Voilà pourquoi je ne voulais pas tout te raconter ! Je ne voulais pas que tu sois tiraillée entre eux et moi ! S'ils remarquent un changement en toi, ils croiront que j'y suis pour quelque chose ! Que j'en ai profité pour "t'éloigner" d'eux ! Et jamais... Je dis bien jamais tu ne dois te sentir mal, insiste la mère. Tout appartient au passé ! C'est du passé... Tu comprends ? - Oui. Je te promets de faire un effort, même si je sais que je les verrai différemment ! - Oublie ce que je t'ai raconté, la prie Fateha. Je tiens à ce que tu passes de bonnes vacances avec eux et tes cousines ! - Oui, mais toi... - Sans importance, tout ce qui compte, c'est toi et ton bonheur ! Fateha ne ressent plus de colère envers ses beaux-parents. Elle les a acceptés tels qu'ils étaient depuis le début. Le pire est passé. Elle en a tellement vu, tellement supporté qu'elle se croit capable d'affronter les tempêtes sans vaciller. Ce ne sont que des vacances. Ces confidences sont venues lui rouvrir les blessures et lui rappeler qu'elle n'était pas aussi forte qu'elle le croyait. Certains souvenirs empêchent parfois les blessures de cicatriser... (À suivre) A. K. Nom Adresse email