La Russie risque sa place au sein du G8 et Poutine de perdre l'occasion de faire briller une seconde fois Sotchi, sa ville balnéaire qui a accueilli les Jeux olympiques d'hiver 2014. Alors que le président russe laisse toujours planer le suspense sur l'envoi de troupes en Crimée, un territoire de l'Ukraine, les pays occidentaux se préparent à boycotter ce sommet des grands du monde. Le Canada, la France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis ont déjà indiqué qu'ils suspendaient leur participation à ses réunions préparatoires. L'arme du boycott a été brandie par le secrétaire d'Etat américain, John Kerry, qui a évoqué l'exclusion de la Russie du G8, ce qui assurément concourra à l'isolement économique de ce pays très riche de son sous-sol, mais exploité exclusivement pour l'exportation en l'état de matières premières. Pillée par les oligarques proches du Kremlin, la Russie s'est désindustrialisée pour se livrer aux marchés selon le diktat de l'OMC. Pour l'heure, on est à la guerre des nerfs, les uns et les autres ne voulant pas prendre le risque de rallumer la "guerre froide". L'OTAN, gendarme des Occidentaux, tempère la situation en demandant dans une première étape le déploiement d'observateurs internationaux en Ukraine, sous les auspices du Conseil de sécurité de l'ONU et de l'OSCE (Organisation pour la coopération et la sécurité en Europe), pour résoudre la crise pacifiquement. Son secrétaire général Anders Fogh Rasmussen s'exprimait à l'issue de près de 8 heures d'une réunion d'urgence des 28 ambassadeurs de l'Alliance atlantique, dont une partie s'est tenue en présence du représentant de l'Ukraine, pays avec lequel l'OTAN a signé un partenariat. "Nous condamnons l'escalade militaire russe en Crimée", a aussi dit Rasmussen, avant d'appeler la Russie à respecter ses engagements internationaux, à replier ses forces dans ses bases et à ne pas interférer ailleurs en Ukraine. L'Alliance atlantique, qui est aux portes de la Russie, joue donc la prudence, souhaitant voir la crise de régler politiquement, dans le cadre du dialogue avec Moscou à travers leur outil de coopération, le Conseil OTAN-Russie, dont plusieurs pays membres ont demandé une réunion prochaine. Apparemment, Moscou doit aussi être à la recherche d'une issue à l'un des plus graves conflits avec l'Occident depuis la guerre d'Afghanistan, dans les années 1980. Et il n'y a pas que les grandes capitales occidentales à mettre en garde Moscou contre sa menace de guerre chez son voisin ukrainien, ancienne République soviétique qui a penché vers l'Union européenne depuis 2004 et qui vient de se doter d'un gouvernement plus autonome de la Russie en la personne Arseni Iatseniouk, qui n'a cessé de dénoncer la déclaration de guerre à son pays par Poutine. Le ministre tchèque des Affaires étrangères, Lubomir Zaoralek, a convoqué l'ambassadeur de Russie à Prague. La Lituanie a également rappelé son ambassadeur en Russie pour consultations. Quant au ministre britannique des Affaires étrangères, William Hague, et son homologue grec, Evangelos Venizelos, dont le pays assure la présidence tournante de l'UE, ils sont à Kiev, où les a rejoints, aujourd'hui, John Kerry. Tandis que Washington et Londres souhaitent sortir du tête-à-tête avec Moscou, qui a des relents de guerre froide, en élargissant les pressions par le biais de l'ONU, voire d'un pays tiers comme la Chine, Berlin poursuit en sol ses efforts de médiations. L'Allemagne, qui n'a pas succombé aux chants des sirènes, a annoncé que le président russe avait accepté lors d'un appel téléphonique une proposition de la chancelière Angela Merkel de création d'une "commission d'enquête" et d'un "groupe de contact" pour entamer "un dialogue politique" sur l'Ukraine. Les experts estiment que la crise ukrainienne représente la plus grave crise chez les Russes, bien pire qu'après la guerre russo-géorgienne de 2008, avec le scénario de 1968 lorsque l'Union soviétique a "mis de l'ordre" à Prague en étouffant dans le sang le "printemps tchèque". Poutine, qui cherche à devenir l'incontournable interlocuteur des Etats-Unis dans la gestion des affaires du monde, mesure-t-il qu'il risque d'y laisser des plumes ? L'annulation, l'an dernier par Obama, de la traditionnelle conférence entre les deux pays a laissé des traces qui seront, certainement, élargies par le boycott du G8 et l'exclusion de la Russie de ce groupe. Ses membres sont prêts à aller jusqu'au bout pour isoler la Russie, avec des sanctions économiques et politiques. D'ailleurs, Washington s'est empressé d'annuler des réunions économiques avec la Russie. D. B. Nom Adresse email