C'est une guerre froide extrêmement chaude que se livrent la Russie et les Etats-Unis sur fond de la nouvelle « guerre » de Crimée, en Ukraine. Usant d'un discours musclé, le chef du département américain, John Kerry, a menacé, dimanche dernier, Moscou d'« isolement économique » et de « sanctions » internationales s'il ne retire pas ses troupes de Crimée. M. Kerry a averti que la Russie risque de perdre sa place au sein du G8, fustigeant une « invasion et une occupation » de l'Ukraine qui mettrait en péril « la paix et la sécurité » dans la région. « Au 21e siècle, vous vous comportez tout simplement comme au 19e siècle en envahissant un autre pays », s'est-il insurgé et d'ajouter : « Il y a un prix énorme à payer. Les Etats-Unis sont unis, la Russie est isolée. Elle n'est pas en position de force ». Le chef de la diplomatie américaine se rendra, aujourd'hui, à Kiev, pour « soutenir les autorités intérimaires ukrainiennes », au moment où les troupes russes contrôlent complètement la Crimée, tandis que l'administration américaine a appelé à l'envoi « immédiat » d'observateurs de l'OSCE (Organisation pour la coopération et la sécurité en Europe). Cette mission devra tenter d'« assurer la protection des droits des minorités » et de « veiller au respect de l'intégrité territoriale ». Selon un communiqué du gouvernement allemand, le président russe, Vladimir Poutine, a accepté la mission d'enquête ainsi que l'instauration d'un groupe de contact, éventuellement sous la direction de l'OSCE, pour entamer un dialogue politique lors d'un entretien téléphonique avec la chancelière allemande, Angela Merkel. Une première équipe d'observateurs devait se rendre, hier, dans le pays, mais l'envoi d'une mission de l'Organisation doit encore être décidé face aux objections russes, a assuré la secrétaire d'Etat adjointe américaine pour l'Europe, Victoria Nuland. « J'espère qu'ils pourront se rendre en Crimée, où on a le plus besoin d'eux, ainsi que dans d'autres villes de l'est de l'Ukraine », explique-t-elle. L'Otan a appelé, par la voix de son SG, Anders Fogh Rasmussen, le Kremlin à une « solution pacifique » à travers le « dialogue » dans le cadre du Conseil-Otan-Russie. Néanmoins, la volonté d'apaisement affichée par les autorités russes n'est, aucunement, un signe de faiblesse. S'exprimant, hier, à la tribune du Conseil des droits de l'Homme à Genève, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a dénoncé les menaces de « sanctions » et de « boycottage » brandies par les Occidentaux. Dans un communiqué publié, hier, son département a accusé M. Kerry de revenir à des « clichés de la guerre froide », jugeant « inadmissibles » les menaces proférées par le département d'Etat. En quête de soutien devant l'avalanche des pressions occidentales, Moscou s'est assuré du soutien de son principal et puissant allié chinois, qui, lui, partage sa position. Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a appelé « l'indépendance, l'unité et l'intégrité territoriale » de l'Ukraine et exhorté toutes les parties à un « dialogue immédiat ». Son adjoint, Jan Eliasson, devait se rendre, à Kiev, hier, pour faire le point sur la situation. Par ailleurs, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a annoncé, hier, que les chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE devraient se réunir en sommet « très bientôt » sur la crise ukrainienne.