La récupération d'ici à 2009 de quelque 800 000 exploitations agricoles profitera aux diplômés universitaires. L'expansion urbanistique, par le biais du Plan de développement et de l'aménagement (Pdau), ainsi que l'excès d'usage du Plan d'occupation du sol (POS) sont les deux raisons principales du massacre qu'ont connu, durant la dernière décennie, les terres agricoles à l'échelle nationale. Ainsi, 90 % des terres touchées par l'avancée du béton sont le résultat de la mauvaise gestion des élus, en premier lieu, et du laisser-aller de certains paysans qui ont procédé au morcellement, au partage et à la vente illicite de leurs terres, en second lieu. Le ministre de l'Agriculture, M. Saïd Barkat, n'a pas mâché ses mots pour déclarer, sur un ton menaçant : “Arrêtez le massacre ! La prochaine loi sur les terres agricoles sera plus cœrcitive à l'encontre de ceux qui bradent les terres arables. Vous n'aurez rien, absolument rien en contrepartie.” Le docteur Barkat a affirmé que toutes ces terres reviendront aux diplômés universitaires. “Nous comptons encore récupérer et mettre à niveau, sur le 1 million d'exploitations agricoles, la moitié et, à long terme, près de 800 000 terres au profit des universitaires. Nous savons qu'actuellement plus de 100 000 exploitations sont bancables grâce au Plan de développement agricole et rural déployé depuis 2000”, a-t-il expliqué. Le ministre, qui a sillonné près d'une quinzaine d'exploitations dans la wilaya de Skikda, où il était en visite de deux jours, a invité les paysans à s'ouvrir au privé. “Essayez d'optimiser vos cultures. Invitez des privés, mais pas des affairistes, pour développer vos terres. Cherchez un partenariat qui vous permettra d'aller vers des résultats meilleurs”, a-t-il déclaré. Le ministre, qui a, également, inauguré la foire agricole et la fête de la fraise, a saisi l'occasion devant des parlementaires et les autorités locales pour relever les insuffisances avérées du secteur, malgré les efforts consentis par l'Etat en faveur des exploitants. “Depuis quand l'Algérie a cultivé la tomate en plein hiver ? Depuis quand nos universitaires ont bénéficié d'un plan aussi prometteur, avec 600 000 exploitations déjà désignées ? Faites un effort dans le sens, d'abord, d'évaluer vos cultures et faites-nous part de vos besoins. Vous avez ma parole ! Je vous tends la main pour semer d'autres perspectives. Mais, de grâce, ne demandez pas l'impossible.” Le liège, le lait et la Rusicade Le docteur Barkat a indiqué que “tout le monde doit se mettre au travail. Nous sommes à la veille de l'adhésion à l'OMC et à l'Union européenne. Les choses vont bientôt changer. Où vous développez la concurrence pour subsister ou vous serez condamnés. L'Etat n'est pas là pour faire de l'assistanat. Prenez-vous en charge !” À la pépinière Guerbes, le ministre a relevé que “l'Algérie est condamnée à importer du bois. Ne me parlez plus du million de plants hors sol. Il faudra vingt ans pour les exploiter. Il faut aller vers l'arboriculture utile. L'arbre devra servir de brise-vent comme il devra aussi être fertile à la production”. Il faut signaler à ce propos que le secteur des forêts a connu, ces dernières années, une baisse sensible de la production. À titre d'exemple, l'Algérie a produit 30 000 quintaux de liège, en 1996, contre 5 000 quintaux en 2004. Durant la même période, la production du bois a connu une chute caractérisée pour passer de 75 000 à 5 000 mètres cubes. Les responsables du secteur ont relevé que le déliégeage illicite y est pour beaucoup, malgré les multiples plans de sauvegarde des forêts. En ce sens, le docteur Barkat a instruit le directeur général des forêts d'aller vers la diversification des plants et encourager l'arboriculture de telle façon à participer directement à la satisfaction des besoins des paysans. “Investissez dans la qualité et pensez à la diversification pour influer sur la baisse des prix des produits sur le marché national”, a martelé M. Barkat, qui a cité, par ailleurs, l'exemple de la production de lait. À ce titre, le ministre a visité l'usine Saplait, un joyau de la production laitière dans la région. Le ministre a remis cinq attestations, à titre honorifique, aux collecteurs du lait. Des véhicules équipés, acquis dans le cadre du leasing avec la société algérienne de leasing mobilier (Salem). M. Barkat a révélé que son département a récemment monté et réalisé un projet de 500 véhicules pour la collecte du lait, dont 46 destinés à la wilaya de Skikda. “L'Algérie doit aller vers la production locale du lait. On doit minimiser l'importation des poudres. L'Etat a mis les moyens et en mettra davantage pour encourager la collecte du lait. Cet énorme projet profitera aussi aux jeunes diplômés de l'université.” À la Foire de l'agriculture, qui a vu la participation d'une centaine d'entreprises et d'artisans, le docteur Barkat a exhorté les producteurs, notamment les éleveurs, à s'organiser en association, pour développer ce secteur, et aller vers une production basée sur la loi du marché. De passage au somptueux siège de la mairie de Skikda, lors de l'inauguration de 19e édition de la fête de la fraise, le docteur Barkat a relevé que la région de Biskra peut, à elle seule, satisfaire un pourcentage considérable de besoins du marché national. Avec neuf variétés, dont la Rusicade introduite par les Italiens en 1920, la région de Skikda se place en tête dans la production de la fraise avec 15 000 quintaux répartis sur 250 hectares. La culture de la fraise couvre plus de 600 emplois permanents, sans compter les emplois temporaires et indirects (transport, commercialisation, transformation…). Toutefois, les paysans avouent que la culture de la fraise est plus que délicate. Mais, comme dirait un proverbe populaire : “Si le paysan venait à compter les grains, il ne les sèmerait guère.” “Le paysan n'est pas un sous-citoyen !” “Arrêtez de développer cette vision misérabiliste et de traiter le paysans rural de sous-citoyen ! C'est une population pensante qui veut exprimer ses besoins et qui protège ses terres.” Le docteur Barkat a signifié aux familles, basées dans les exploitations agricoles isolées, que le développement rural est un long processus qui a besoin de temps, de réflexion et de stabilité des populations. “J'ai sillonné des régions du pays où les salles de classe sont complètement désertées. Comment voulez-vous électrifier un périmètre et l'aménager sans pour autant savoir si la population est réellement ancrée dans telle ou telle zone ?”, n'a cessé de répéter M. Barkat aux exploitants et aux responsables locaux. En revanche, il a émis le souhait de voir la Direction de l'habitat faire un effort envers les populations rurales qui continuent de vivre dans des périmètres identifiés. En plus de la promesse faite envers ces populations, le docteur Barkat a rassuré les exploitants d'ouvrir les pistes agricoles et d'aménager, comme il se doit, ces régions autrefois désertées du fait du terrorisme. Le ministre a d'ailleurs fait le point avec les responsables de l'important projet dénommé “bassin versant Zerdesas”. D'un coût global de 23 millions de dollars, ce projet qui couvrira les régions de Skikda et de Constantine est en cours de réalisation. L'échéance de livraison a été fixée pour 2010. Réparti sur 34 000 hectares, ce projet permettra d'ouvrir 400 km de pistes et de désenclaver près de 800 ménages, soit 5 000 habitants. F. B.