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Dalila Djerbal s'insurge contre le détournement de la journée du 8 mars
C'est d'abord un moment pour faire le bilan
Publié dans Liberté le 08 - 03 - 2014

La sociologue Dalila Djerbal-Iamarène signe et persiste : le 8 Mars est d'abord et avant tout une Journée internationale des droits de la femme. Contactée par nos soins, la représentante du réseau Wassila, constitué d'associations et de personnes pour l'aide aux femmes et enfants victimes de violences, semble remuée par "la manière dont cette journée a été récupérée. Elle trouve "scandaleux" que le ministère de la Solidarité, de la Famille et de la Condition féminine, choisisse cette date pour s'investir dans une manifestation dédiée à la beauté et aux produits cosmétiques. Une allusion faite au 10e salon Eve 2014, inscrit dans le cadre des manifestations organisées à l'occasion de la célébration de la journée du 8 Mars, et qui expose différentes gammes de produits de beauté, parfums et bijoux, proposés à la vente au grand public. Pour Mme Djerbal, la Journée internationale de la femme doit être une occasion pour faire le bilan de ces 20 dernières années, au moins, pour rappeler "les avancées" mais aussi ce qui reste à faire. Dans ce cadre, elle observe que "l'emploi n'est pas un droit", puisque seuls 17% de femmes travaillent en Algérie. Elle relève en outre que les violences faites aux femmes dépassent aujourd'hui l'espace privé et se généralisent "dans toutes les sphères de la société". "Cette régression est due à l'idéologie", nous confie-t-elle. Dalila Djerbal rappelle qu'à l'indépendance du pays, le peuple algérien aspirait à "aller vers un avenir de liberté et d'émancipation". "Aujourd'hui, on ne parle que de la mort, de sites de religiosité, de port du hidjab ou du qamis, de qui fréquente la mosquée ou pas", dira-t-elle, notant que "le projet n'est pas d'améliorer la situation économique de la société ou d'apporter un mieux aux catégories les plus vulnérables de la société".
Par ailleurs, la responsable du réseau Wassila soutient que le discours qui est développé "n'est pas citoyen", puisqu'il n'interpelle pas "la responsabilité de l'individu". Plus loin, s'appuyant sur l'expérience du réseau en matière de prise en charge des femmes violentées, Mme Djerbal révèle qu'en dépit des améliorations apportées au code de la famille, des femmes battues, insultées, humiliées, voire violées, continuent à souffrir "souvent dans le silence". Elle trouve même "aberrant" que le gros des violences faites aux femmes ait lieu au domicile. Selon elles, les solutions préconisées jusque-là trouvent leurs limites sur le terrain et ne sont pas "viables", car "le pouvoir lui-même considère la femme comme une mineure". Que faire ? Pour lutter lutte contre "la corruption et les passe-droits", il faut consacrer "l'égalité des droits des hommes et des femmes devant la loi", répond-elle. "Si les femmes ne sont pas des citoyennes, alors les hommes ne seront pas des citoyens", atteste-t-elle, en rappelant que "seul l'Etat de droit garantit les droits de chacun et sa sécurité". D'ailleurs, poursuivra-t-elle, "le système des quotas et la parité n'ont de sens que dans un Etat de droit".
H. A.
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