Ils étaient des dizaines à crier leur hostilité et leur opposition à un nouveau quinquennat pour le chef de l'Etat. Initiée par le mouvement Barakat (ça suffit), la manifestation de jeudi à la faculté centrale d'Alger a drainé plusieurs personnes dont la majorité finira dans les commissariats de la capitale. Reportage. Rien ne présageait une journée mouvementée à Alger. Le temps printanier de jeudi 6 mars, agrémenté d'une brise marine qui chatouille, annonce une fin de semaine calme. Mais la forte présence policière à en mettre plein la vue sur les différentes artères menant vers la place Audin et la faculté centrale altère le décor et augure d'une journée plutôt animée. Il était 9h30 lorsque les premiers manifestants arrivent à la place Audin. Ils prennent place dans les différentes cafétérias du coin. Sur le même boulevard, les policiers scrutent du regard les passants et les dévisagent avec méfiance. "On y sirote un café et on discute", nous dit une jeune militante. "J'espère que nous serons nombreux aujourd'hui pour dire non à un mandat de la honte", ajoute-t-elle. Le dispositif policier mis en place n'est pas pour rassurer les initiateurs de la manifestation. Mais loin s'en faut. "La liberté d'expression est un droit constitutionnel et je ne reconnais pas l'interdiction des manifestations à Alger", dira, pour sa part, un journaliste membre du mouvement Barakat. À quelques encablures des cafétérias, les premières grappes humaines se forment devant le portail de la faculté centrale. On y reconnaît des journalistes, des militants du mouvement Barakat et, surtout, des citoyens venus exprimer leur refus "d'une présidence à vie" à "un président malade". Contrairement aux deux dernières manifestations initiées par ce même mouvement, celle du jeudi a drainé une foule nombreuse de citoyens. Arrestations musclées À peine les premiers slogans lancés par les manifestants que des dizaines de policiers encerclent l'entrée de l'université. Sous les cris de "Djazaïr hourra dimocratia" (Algérie libre et démocratique), "Non à un 4e mandat", "Ni Oujda ni DRS", ou bien "la Présidence n'est pas une maison de retraite", les manifestants ont donné le là à leur mouvement. Au début, les policiers "exfiltraient" les manifestants de la foule qu'ils jettent, illico presto et avec violence, dans les fourgons cellulaires, ancêtres "des paniers à salade", stationnés à un jet de pierre du lieu du rassemblement. Un quart d'heure plus tard et dès le premier groupe embarqué, les policiers chargent les présents et décident "de nettoyer" les lieux. Visiblement pris de panique face aux nombreux citoyens qui affluaient sur les lieux, c'était sans discernement et surtout à travers des arrestations musclées que la police a embarqué plusieurs dizaines de personnes. Dans la soirée du jeudi, les animateurs du mouvement initiateur de l'action ont fait état de 208 arrestations. "Ils sont plutôt des militants du pouvoir", dénonce un journaliste le comportement des policiers. "Ils arrêtent même des journalistes et des photographes venus couvrir l'événement", a-t-il souligné. Il était presque 12h, mais le lieu du rassemblement ne désemplit pas pour autant. Les fourgons cellulaires aussi. Des dizaines d'autres citoyens seront embarqués. Plusieurs animateurs du mouvement Barakat n'ont pas pu rejoindre le lieu du rassemblement. Ils ont été arrêtés aux alentours de la place Audin. "Des policiers en civil procèdent à l'arrestation de nos camarades avant qu'ils rejoignent ce lieu", alerte une animatrice de Barakat. À peine sa phrase entendue, des policières l'embarquent. Même embarqués, ils continuent à clamer leur colère. Devant les caméras des télévisions Manifester à Alger est un événement à ne pas rater. Hormis la présence de la presse nationale, quoique attendue, des télévisions étrangères se sont fait inviter. Françaises notamment et des pays arabes, plusieurs chaînes ont couvert le rassemblement. Sur place, leurs journalistes tentaient de faire parler des citoyens, mais c'était compter sans la volonté des policiers qui ont sûrement reçu l'ordre de mettre la main sur quiconque exprimera son refus du 4e mandat pour Bouteflika. Dans le sillage de la fameuse gestion démocratique des foules, un homme a dénoncé "la violence" et "le zèle" avec lesquels "des adolescents ont été passés à tabac par des policiers en civil, alors qu'ils étaient loin de la foule". Cet homme sera arrêté quelques minutes plus tard avant d'être relâché à la suite de l'intervention de plusieurs citoyens. Un journaliste, expliquant son point de vue à la chaîne française France 3, n'a pas été épargné par les policiers. Il sera arrêté alors qu'il parlait devant la caméra de la journaliste. "C'est ainsi qu'ils vont donner une image d'un peuple qui aime son Président", répliquait une femme, avec dérision. 13h, donc deux heures après le début de l'action, la police n'a pas cessé "sa rafle" dans les rangs des manifestants. Ce n'est que vers 14h que la vie reprend son cours normal. Les manifestants ont été emmenés vers différents commissariats de la capitale. C'est la troisième fois que les services d'ordre feront face à un tel scénario en moins de deux semaines. Les animateurs, libérés l'après-midi, ont promis de réinvestir encore la rue pour dire qu'à côté des courtisans de Bouteflika, une société civile libérée du "haut patronage de fakhamatouhou" se mobilise pour rendre la dignité aux Algériens. M. M Nom Adresse email