Dans les accords conclus en début de semaine à Rabat entre le Maroc et le Qatar, les affaires islamiques ont occupé le premier poste. Ce chapitre a, en effet, figuré dans le protocole d'accords de coopération signé à l'occasion de la réunion d'une haute commission mixte à Rabat, en présence des chefs de gouvernement respectifs des deux pays. Le Premier ministre qatari, Cheikh Abdallah Ben Nasser Ben Khalifa Al-Thani, était arrivé dans la capitale marocaine avec un chèque de 500 millions de dollars, premier versement de l'enveloppe promise par le Qatar dans le cadre d'un don de cinq milliards de dollars par le CCG (Conseil de coopération du Golfe), affecté par l'émir du Qatar, cheikh Tamim Ben Hamad Ben Khalifa Al-Thani, lors de son séjour marocain en décembre 2013. Le roi Mohammed VI s'était rendu à Doha un an auparavant pour se voir offrir un siège parmi les monarques et émirs du CCG. En 2011, les six pays du CCG avaient invité le Maroc et la Jordanie, les deux seules autres monarchies arabes, à rejoindre leur club. Cette démarche, perçue comme une volonté de leur part de se prémunir d'une contagion des révoltes arabes mais aussi du danger iranien, avait été accueillie positivement par Rabat, qui avait toutefois réitéré son attachement à l'UMA (Union du Maghreb arabe) dont, paradoxalement, il a empêché la construction. Ce fut au temps du lustre de l'émirat du Qatar, avant que le jeune Tamim ne prenne la place de son père qu'il a mis à la retraite d'office selon les modalités que celui-ci avait utilisées pour destituer son géniteur et lui ravir la place. Tamim sur le trône, le roi Abdallah d'Arabie Saoudite se met à le harceler pour que le Qatar cesse de soutenir les islamistes de par le monde. Après son sommet de l'automne 2013 au Koweït, le CCG retourne dans le giron de Riyad. Qatar qui y faisait sa loi se retrouve isolé même au sein des pays occidentaux qui lui reprochent également ses jeux avec les islamistes radicaux. Début 2014, le CCG met en garde Tamim qui refuse d'obtempérer et cherche à sortir du tête à tête avec ses pairs du CCG. La signature de nouveaux accords maroco-qataris est intervenue alors que l'Arabie Saoudite, les Emirats et Bahreïn ont rappelé il y a dix jours leurs ambassadeurs à Doha, accusant le Qatar de s'ingérer dans les affaires des pays voisins, via ses soutiens aux Frères musulmans en Egypte, à Gaza et aux djihadistes en Syrie. Une première dans l'histoire du CCG, né en 1981 sous l'œil bienveillant de Washington, pour contrebalancer les nationalistes dans la Ligue arabe. Riyad, avec l'arrivée de Tamim, a donc récupéré sa place de leader au sein du CCG, et il est à se demander si le Maroc ne court pas le risque de soulever le courroux des Saoudiens en continuant de s'acoquiner avec ce Qatar ? Outre qu'au Maroc, le gouvernement est dirigé par une formation islamiste proche des Frères musulmans, même si son modèle reste l'AKP turc, en dépit de l'échec du parti islamiste d'Erdogan dont les rapines ont démenti dans des faits irréfutables les principes moraux de la démocratie à la sauce islamique, Mohammed VI n'hésite pas, de son côté, à faire de la religion un fonds de commerce. Sa tournée récente dans 4 pays africains en 18 février, au Mali, Guinée-Conakry, Côte d'Ivoire et Gabon, a eu son volet islamiste que la Mauritanie n'a pas manqué de dénoncer, s'interrogeant sur le pourquoi d'une coopération d'un tel genre dans une région sous menace djihadiste. Par ces temps de crise dans le Sahara sahélien, le volet religieux s'avère, pour le Maroc, un "produit" d'exportation peu coûteux et à forte symbolique dans cette région majoritairement musulmane, ont explicité des observateurs. Rabat ne s'en est pas caché : c'est à grand tapage médiatique que le Maroc a mis en exergue l'audience de Mohammed VI en Afrique subsaharienne qui lui proviendrait de son statut de "commandeur des croyants" ! Jeune Afrique avait souligne que dans ces pays, "les musulmans pieux l'ont accueilli d'abord comme un chef religieux, auréolé du prestige de chérif, descendant du Prophète, selon l'hagiographie royale". Dans la presse marocaine, on a propagé le caractère "modéré" de l'Islam malékite marocain dans un Sahel de 190 millions de musulmans. C'est ainsi que le Maroc s'est engagé à assurer la formation de 500 imams maliens au Maroc et à prendre en charge la construction de nouvelles mosquées et la restauration d'écoles coraniques et de medersas au Mali et en Guinée. Mais comme le Maroc est à court d'argent, on peut penser qu'il va se faire le relais du Qatar qui a ensemencé dans le Sahel l'islam radical violent. Mais, si c'est le cas, Mohammed VI jouerait avec le feu, Doha étant dans la ligne de mire de Riyad et de quatre autres capitales du CCG, pour la plupart bailleurs de fonds du Maroc. D. B Nom Adresse email