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Tourisme
L'amateurisme qui dure !
Publié dans Liberté le 29 - 03 - 2014

Le statut qu'accorde la liberté d'opinion aux ministres d'Etat ne leur impose, hélas, pas d'obligation de réserve. La question ici n'est pas de porter un jugement sur le fond des déclarations de ces ministres arrogants. Mais de signaler encore un autre : celui de Hadj Saïd, ministre du Tourisme, qui a fait le guide, oui, je dis bien le guide au groupe de tour-opérateurs polonais, et de signaler que lui et cinq de ses fonctionnaires l'ont accompagné. Avaient-ils le droit d'émettre publiquement une opinion sur le tourisme et si oui, jusqu'à quel point ? De savoir si ce fonctionnaire est un citoyen comme un autre pour avoir rejoint un groupe, somme toute, banal d'agents de voyages ? Je crois pouvoir témoigner utilement sur le sens des dispositions administratives en vigueur. Ce n'est pas à tort que j'évoque à ce propos le statut général des fonctionnaires qui traitent du secret professionnel et de la discrétion professionnelle. Ce qui est depuis longtemps une entorse dans le comportement de ce ministre. La question est plus politique que juridique et dépend de la réponse à une question simple : ce fonctionnaire est-il un citoyen comme un autre ? "Si oui, le fonctionnaire est alors un homme de silence, normalement il sert, il travaille et il se tait." On ne peut ajouter : il pense. Pour le "spécialiste du tourisme", c'est qu'en pratique, la fonction publique bénéficie, à ces yeux, du prestige de la fonction et de la liberté d'agir à sa convenance. Ce qui aboutit à la situation dans laquelle ce fonctionnaire se comporte. Le cas, emblématique de cet agent de l'Etat qui accède à la fonction soudaine de ministre guide accompagnateur... Dans d'autres pays, on aurait exigé de ce "monsieur" de démissionner ou de réintégrer sa fonction primaire d'instituteur avec préjudice à la carrière de haut fonctionnaire. On ne pourrait jamais attendre de lui qu'il redevienne miraculeusement loyal ou neutre. Depuis quelques années, une remise en cause profonde des conceptions classiques de la discipline touristique et de la prise en charge de clients pour un service minimum n'est toujours pas en vigueur. Le ministre a-t-il été questionné par le groupe sur la nature même de la souffrance humaine dans ces lieux qu'on appelle touristiques ou a-t-il rejoint ce groupe dans l'intention de le baratiner sur l'impossibilité de sa mise à niveau ? Ajoutez à cela la dilution dépressive des lieux, les questions ont dû être posées et même amplifiées. Ce ne sont pas les connexions télévisées ou cybernétiques au reste du monde qui vont compenser un véritable tourisme national ou encore international. Bien au contraire. À ce titre, il serait très instructif pour Hadj Mohamed Saïd de mesurer auprès des harragas la part de la récursivité attribuable au besoin de "vivre" tout simplement dans son tourisme misérable et superbement ignoré, alors que le profil de nos desperados, de leur fuite vers les lumières européennes, peut difficilement s'expliquer par la détresse économique ou ludique d'ici. Mais de qui se moque-t-on dans ce ministère de toutes les dérives ? Nos dirigeants savent-ils lire ? Habitué à la désinformation et au cynisme couronné d'une mauvaise foi légendaire "ce fonctionnaire" et son équipe, choisie par lui de toutes les sous-directions du secteur, ont décidé de tout décider pour ce tourisme dont ils n'ont aucune idée, ni de la couleur, ni de son diamètre et encore moins de la longueur du papier hygiénique à son développement. Cette introduction m'amène à parler de l'administration algérienne et de la place des fonctionnaires dans ce pays. Un ami m'avait dit, je le cite : "Les hommes politiques passent mais l'administration reste. Pour preuve la Belgique n'a pas eu de gouvernement presque 1 an mais l'administration a continué à fonctionner et le pays n'a sombré ni dans l'anarchie ni dans la mal-gouvernance". En effet, l'administration d'un pays n'est pas faite pour servir un ministre, un gouvernement ou un parti politique mais l'ensemble des citoyens, autrement dit les usagers des services publics, d'où leur recrutement par voie de concours et l'interdiction pour tout fonctionnaire d'afficher son appartenance et ses idées politiques. Il serait donc, pour le bon fonctionnement de notre administration, de rédiger des fiches de poste (description du poste, rémunération, etc.) et des profils types de compétence (diplôme, qualification, expérience professionnelle, etc.) afin que chacun sache ce qu'il doit faire ou ne pas faire). Toute promotion ou recrutement interne suite à une vacance de poste doit faire l'objet d'un appel à candidature par affichage dans les locaux du service concerné ou par voie de presse. Pour les cadres dirigeants ou les hauts fonctionnaires, il convient d'établir un tableau récapitulatif de tous les cadres du pays, par secteur d'activité, de compétence et d'ancienneté pour éviter qu'un instituteur du primaire soit nommé au ministère du Tourisme par exemple. Cette banque de cadres fera office de pôle d'emploi pour le recrutement de tous et mettre fin aux nominations fantaisistes par népotisme ou pour récompenser des militants zélés et éminemment incompétents, tout en étant protégés par un statut. La mutation de ministre à guide par une rétrogradation individuelle est abusive. Ce fonctionnaire est responsable de ses actes dans le cadre de ses attributions. A ce titre, il est non seulement responsable du dysfonctionnement de ce secteur qu'il module à travers ses humeurs, comme du poste occupé et de ses décisions. D'où l'existence d'un tribunal administratif chargé du contentieux entre l'administration et ces usagers. Si certains hommes politiques doivent à leur tour connaitre les b. a.-ba de la démocratie qui n'est pas synonyme du multipartisme, l'exemple de notre Algérie en est une parfaite illustration. Notre pays est au bord de l'implosion. Il est de mon devoir et du vôtre quelle que soit l'appartenance politique de chacun de crier, non au viol de nos lois et de notre Constitution. Le tourisme est comme le reste, à la dérive par l'incompétence de ceux qui dirigent. Défendre le contraire est suicidaire, dangereux, je dirais même anti-algérien "comme dirait l'autre".
F. M.
(*) expert en tourisme
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