Pour l'Algérie, cette élection présidentielle offrait l'occasion unique d'un débat pour se projeter dans l'avenir, pour s'interroger sur les changements à opérer face aux lacunes béantes de l'organisation de son économie et aux défis de son environnement international. Ce débat, vital à tous égards pour la prospérité future des citoyens et pour la sécurité du pays tout entier, n'a pas pu avoir lieu. La question majeure qui était posée, à savoir comment préparer l'économie nationale aux enjeux de l'après-pétrole, a été complètement escamotée. Les réponses à cette question ne sont pas si compliquées, mais elles impliquent des révisions déchirantes dans notre façon d'appréhender la chose économique. Par exemple : l'Etat a la possibilité de stimuler la création de richesses, il ne les crée pas, ce sont les entreprises qui le font. S'il veut aider à créer des revenus et des emplois pérennes, il doit d'abord mettre l'entreprise au cœur du cycle économique. Il n'a pas à s'immiscer dans la gestion des entreprises publiques, même si ces dernières lui appartiennent. Les gestionnaires publics ne devraient être responsables que devant leur conseil d'administration ; ils ont le droit de faillir sans être pénalement responsables, c'est la meilleure façon d'encourager les plus performants d'entre eux. Les entrepreneurs privés, quant à eux, ne sont pas des "ennemis" dont il faut s'ingénier à contrôler les investissements et dont il faut s'assurer de la fidélité politique. L'argent public n'a pas vocation à être gaspillé de manière anarchique et improductive. Il n'est pas la propriété du gouvernement, mais celui de la collectivité nationale tout entière : son usage scrupuleux doit faire l'objet, en permanence, de la gestion la plus transparente et des contrôles les plus rigoureux. Le soutien des prix devrait cibler uniquement les couches défavorisées de la population et ne devrait surtout pas concerner des produits comme les carburants ou l'électricité. Par-dessus tout, il faudra arrêter ces gros projets dispendieux des infrastructures décidés et mis en œuvre sans études fouillées, sans maîtrise des coûts, sans plan de financement à long terme et surtout sans lien avec le développement d'un outil national de réalisation performant. L'urgence est, au contraire, de promouvoir un véritable programme de développement des activités productives sur tout le territoire national avec, comme objectifs déclarés, de fabriquer une bonne part des produits aujourd'hui importés et de promouvoir une réelle capacité d'exportation hors hydrocarbures. A l'appui de ce programme, il faut des réformes sérieuses et abouties du système financier et bancaire, une mise à niveau du système portuaire et de l'appareil de transport maritime national, un système de formation moderne et adapté aux besoins des entreprises et une politique audacieuse d'appui à la recherche et à l'innovation. Enfin, pour donner une chance à un tel programme, une remise en ordre de la politique économique et commerciale externe est nécessaire, la libéralisation des échanges extérieurs devant, comme partout, privilégier l'investissement et la production au simple commerce. Bien entendu, pour que tout cela fonctionne harmonieusement, il y a besoin d'institutions politiques qui jouent pleinement leur rôle et d'un partage plus équilibré des pouvoirs entre exécutif, législatif et judiciaire. Dans le monde agité qui est le nôtre, l'Algérie devra prendre conscience des menaces qui grondent autour d'elle. Elle fait aujourd'hui figure de pays assoupi, qui vit d'une richesse naturelle non renouvelable, qui tourne le dos au monde et qui préfère dilapider chaque jour son potentiel économique plutôt que de se projeter dans l'avenir. Ce qui est attendu du futur président, c'est de réveiller ce grand pays endormi. Il lui faudra une énergie décuplée pour cette tâche immense, urgente et tout à fait vitale. Nom Adresse email